Législatives 2024 : pourquoi la tentation d'une coalition avec Les Républicains secoue le camp présidentiel

Article rédigé par Thibaud Le Meneec - avec Laure Cometti et Margaux Duguet
France Télévisions
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Temps de lecture : 6 min
L'ex-Premier ministre Edouard Philippe et le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, le 9 mars 2024, à Lille lors d'une meeting. (SAMEER AL-DOUMY / AFP)
Plusieurs figures de Renaissance et d'Horizons "tendent la main" aux Républicains dans l'optique de former un gouvernement. L'idée braque l'aile gauche de la macronie.

La macronie est entrée dans une zone de turbulences. Trois jours après le second tour des élections législatives anticipées, marquées par leur net recul, les partis du camp présidentiel se divisent sur leur rôle et leur positionnement dans la nouvelle Assemblée nationale, privée de majorité absolue pour gouverner. Faut-il tendre la main à tous les républicains de bonne volonté, sans distinction ni préférence, comme l'a appelé Emmanuel Macron dans une lettre aux Français, mercredi 10 juillet ? Le MoDem, composante du camp présidentiel depuis 2017, est favorable à ce choix.

Est-il au contraire nécessaire de choisir la droite au détriment de la gauche pour tenter de former un gouvernement ? Pour l'aile droite de Renaissance, cette seconde option est préférable, face au Nouveau Front populaire qui, fort de ses 180 sièges gagnés (contre 163 pour la macronie), presse le chef de l'Etat de lui confier la mission de former un gouvernement. Les Républicains, qui disposent avec leurs alliés de 66 élus, permettraient de former une coalition qui pèserait plus que la gauche dans l'hémicycle, sans pour autant s'assurer une majorité absolue de 289 députés.

"S'accorder sur l'essentiel" dans "une coalition de projets"

Sans surprise, c'est la solution privilégiée par Horizons, le parti d'Edouard Philippe. Mardi soir, sur TF1, l'ancien Premier ministre a appelé à la signature d'un "accord technique" avec Les Républicains, en vue "d'avancer et de gérer les affaires du pays pendant au moins un an". "Les LR ne sont pas très loin de moi, sur plein d'idées", a renchéri mercredi à l'Assemblée nationale Laurent Marcangeli, qui dirigeait le groupe parlementaire Horizons avant la dissolution.

Plusieurs figures du groupe Renaissance ont fait part de leur souhait de s'allier en priorité avec le parti de droite. "Est-ce qu'on arrive à s'accorder sur l'essentiel avec les députés LR, ou est-ce que le NFP reste la première force à l'Assemblée, avec toutes les conséquences que cela aurait ?", a soutenu Maud Bregeon, mardi, sur X. Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, a déclaré sur France 2 qu'elle souhaitait "une coalition de projets", seulement avec Les Républicains.

Cet avis est partagé par le député Benjamin Haddad : "Je souhaite qu'on travaille avec Les Républicains si on veut entendre la demande d'autorité, de renforcement du régalien, de sécurité qui a été exprimée par les Français depuis plusieurs années", a détaillé l'élu de Paris sur BFMTV. Pour Mathieu Lefèvre, proche de Gérald Darmanin, "le chemin" est également "à droite", comme il l'a défendu mercredi auprès de franceinfo.

"Il est urgent de travailler avec la droite républicaine, puis éventuellement avec les sociaux-démocrates qui auront rompu avec LFI."

Mathieu Lefèvre, député Renaissance du Val-de-Marne

à franceinfo

Dans l'esprit de certains élus, cette alliance pourrait même aller jusqu'à laisser un membre des Républicains s'installer à Matignon, alors que les députés LR viennent de nommer Laurent Wauquiez à leur tête. "Il peut y avoir un Premier ministre de droite, ça ne me gênerait en rien", a assuré mercredi sur Europe 1 Gérald Darmanin, actuel ministre de l'Intérieur et réélu dans le Nord.

"LR, seul, on n'en veut pas"

Le reste du groupe Renaissance n'est pas aligné avec ces positions. Mercredi, en milieu d'après-midi, dans un communiqué, ces députés ont assuré qu'"ils œuvrent avec détermination et sincérité pour une coalition de projet allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement", sans mentionner la priorité d'une alliance avec Les Républicains. Peu après, dans sa lettre aux Français, Emmanuel Macron a demandé "à l'ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines (...) d'engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays"

"La prise de parole du président de la République clarifie le fait que le dialogue doit se faire avec la droite républicaine et la gauche républicaine", décrypte le député Marc Ferracci. Pour l'élu, proche du chef de l'Etat, les positions d'Emmanuel Macron et celles de ses troupes à l'Assemblée ne sont pas contradictoires.

"Négocier avec Les Républicains ne veut pas dire négocier seulement avec Les Républicains."

Marc Ferracci, député Renaissance des Français de l'étranger

à franceinfo

Ce dialogue plus ou moins poussé avec la droite fait cependant douter une partie des troupes macronistes, sceptiques sur les chances de succès de cette main tendue. D'autres sont encore plus irrités par ce choix de se tourner en priorité vers le groupe dirigé par Laurent Wauquiez. Ils hésitent désormais à poursuivre l'aventure au sein du groupe Renaissance. "Le seul message que nous sommes nombreux à défendre, c'est : 'LR, seul, on n'en veut pas, ça ne marchera pas !'", insiste Ludovic Mendes, qui a conservé son siège de député de Moselle.

En face, Les Républicains ne paraissent pas plus enclins à construire des ponts avec l'ex-majorité présidentielle. Laurent Wauquiez a prévenu que son groupe ne participerait pas à une "coalition gouvernementale", estimant qu'il est impossible de répondre à la "crise d'un pays par une combinaison d'appareils". Certaines figures de la droite cependant se sont montrées ouverts à l'idée, à l'image du président LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, ou de l'ancien chef des députés LR, Olivier Marleix, qui ont plaidé pour la nomination d'un Premier ministre issu de leur camp qui prendrait la tête d'un "gouvernement de rassemblement".

"Il faut arrêter de se tirer dans les pattes"

Enfin, une partie des députés macronistes envisage un départ pur et simple de Renaissance. Sacha Houlié, ex-président de la commission des lois, a annoncé mercredi après-midi à l'AFP qu'il refuserait de siéger dans le groupe : "De toute évidence, nous essayons de créer un groupe qui aille de la droite sociale à la gauche socialiste pour que la France soit gouvernable." C'est aussi ce que tente de faire Stella Dupont, autre membre de l'aile gauche. "Notre sensibilité de centre gauche a besoin d'être visible et lisible. Ça passe par un groupe, qui s'inscrit toujours dans une logique de cohérence et de cohésion", a souligné l'élue du Maine-et-Loire depuis l'Assemblée nationale, mercredi.

"Pour moi, il manque un chaînon entre le Nouveau Front populaire et le camp présidentiel. Ce groupe de centre gauche peut être un outil de convergence et un espace de dialogue utile."

Stella Dupont, députée Renaissance

lors d'un point-presse à l'Assemblée nationale

"Il faut faire quelque chose où on peut montrer qu'on peut rassembler, mais il n'y a rien de sûr à ce stade. Nous voulons construire avec des forces extérieures, en bâtissant comme une espèce de sas", prolonge Ludovic Mendes, qui prendra sa décision sur son appartenance ou non à Renaissance jeudi matin.

Divisé, le parti d'Emmanuel Macron tente tant bien que mal de préserver son unité avant la date limite pour la formation des groupes parlementaires, le 17 juillet. "Il faut arrêter de se tirer dans les pattes et faire en sorte que les initiatives d'élargissement soient vues de manière bienveillante", martèle Olga Givernet. "Certains sont prêts, d'une façon ou d'une autre, à aller vers la gauche, d'autres veulent juste prendre leur indépendance, pouvoir dire 'merde' quand ils le veulent, constate Florent Boudié, élu de Gironde. Le député estime toutefois que le "groupe peut rester uni si les voix les plus fortes, comme Gabriel Attal, Elisabeth Borne, Gérald Darmanin, Yaël Braun-Pivet, ou Aurore Bergé font une démarche collégiale". 

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