Résultats des législatives 2024 : aux portes du pouvoir, le RN mise "sur un petit réservoir de voix" pour décrocher la majorité absolue

Article rédigé par Laure Cometti
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Eric Ciotti, Jordan Bardella et Marine Le Pen. (ASTRID AMADIEU / FRANCEINFO)
Le Rassemblement national et ses alliés sont arrivés en tête du premier tour des élections législatives anticipées, dimanche, avec 33,15% des voix. L'extrême droite semble en mesure d'obtenir les 289 sièges nécessaires pour gouverner.

"L'alternance commence." Le slogan, en majuscules, a été choisi pour orner les pupitres de Marine Le Pen et Jordan Bardella au soir du premier tour des élections législatives, dimanche 30 juin. Le tandem à la tête du Rassemblement national (RN) s'est réjoui d'être arrivé en tête du scrutin, avec 33,15% des voix, selon les résultats quasi définitifs affichés par le ministère de l'Intérieur, lundi.

Comme lors des européennes il y a trois semaines, ce score historique reflète une progression dans de très nombreux territoires et permet au RN de maintenir son objectif : décrocher la majorité absolue et envoyer Jordan Bardella à Matignon. Pour atteindre la barre fatidique des 289 sièges, avec ses alliés, le parti d'extrême droite compte jeter toutes ses forces dans la bataille pour mobiliser ses électeurs et recueillir de nouveaux soutiens d'ici le 7 juillet.

Depuis son fief d'Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, où elle a été réélue dès ce premier tour (pour la première fois depuis sa première victoire en 2012), Marine Le Pen s'est félicitée de la victoire de son parti et du fait que le "bloc macroniste" soit "pratiquement effacé". Déjà tournée vers le second tour, l'ex-candidate à la présidentielle a assuré qu'il s'agit d'une "première étape vers un choix d'alternance" et que "rien n'est gagné".

A Paris, Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, a, lui aussi, estimé que le second tour à venir sera "l'un des plus déterminants de toute l'histoire de la Ve République". En fonction des résultats, le parti d'extrême droite et ses alliés, qui disposent déjà d'une quarantaine de députés élus dès le premier tour, peuvent espérer obtenir une majorité relative ou absolue, selon les différentes projections des instituts de sondage.

Pour confirmer sa dynamique, le RN entend convaincre de nouveaux électeurs. "Je vous invite à renouveler votre vote", a lancé Marine Le Pen aux électeurs ayant choisi le RN dès le premier tour.

"Si vous avez fait un autre choix, je vous invite à rejoindre la coalition de la liberté, de la sécurité et de l'unité."

Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais

lors d'une allocution

Le RN peut effectivement miser sur un "petit réservoir de voix", estime le politologue Jean-Yves Camus, codirecteur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, rappelant que Marine Le Pen avait recueilli près de 13,3 millions de voix au second tour de la présidentielle en 2022, quand le parti et ses alliés récoltent un peu plus de 10,6 millions de voix dimanche 9 juin, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.

"Reconquête est cérébralement mort", souligne par ailleurs le chercheur. "Et chez Les Républicains, il n'y a pas de consigne de vote." Le parti de droite, divisé par l'alliance de son président Eric Ciotti avec le Rassemblement national, a en effet publié un communiqué pour dire qu'il ne dirait pas à ses électeurs pour qui voter. Mais François-Xavier Bellamy, tête de liste aux européennes et directeur par intérim du mouvement, avait déclaré au début de la campagne qu'il voterait "bien sûr" pour le parti d'extrême droite en cas de duel entre le Nouveau Front populaire. En 2022, le RN avait gagné 56% de ses duels face aux candidats de la Nupes, et 49% face aux candidats du camp présidentiel.

Un barrage qui prend l'eau

Dans la soirée, les adversaires du RN ont appelé à faire barrage face à l'extrême droite. Avec plus ou moins de clarté, la majorité sortante et le Nouveau Front populaire envisagent ainsi de retirer leurs candidats s'ils sont en troisième position dans une triangulaire. Dans la Somme, Albane Branlant, candidate du camp présidentiel, a par exemple annoncé son désistement, alors qu'elle est arrivée derrière la candidate lepéniste et l'insoumis François Ruffin.

Si les candidats ont jusqu'à mardi 18 heures pour déposer leur candidature pour le second tour, le député européen Gilles Pennelle est persuadé que "tout ça ne fonctionne plus". "La preuve : nous progressons partout, dans tous les territoires, toutes les catégories d'âge et toutes les classes sociales. Et nous serons présents au second tour dans presque toutes les circonscriptions", relève l'élu du Rassemblement national. Selon le decompte de franceinfo, les candidats du RN et leurs alliés sont qualifiés dans 485 des 577 circonscriptions, soit plus du double par rapport à 2022. 

Au siège du parti, on se réjouit déjà de compter une quarantaine de députés élus dès le premier tour (soit déjà près de la moitié des 88 dont le groupe RN disposait à l'Assemblée avant la dissolution). "Leur boussole, ce sera d'aller soutenir les copains", assure Gilles Pennelle. Les cadres comme Marine Le Pen, Sébastien Chenu ou Julien Odoul, déjà certains de prendre place dans le prochain hémicycle, devraient occuper le terrain dans les circonscriptions et sur les plateaux télé. Jordan Bardella est d'ailleurs attendu sur TF1, lundi soir, à 20 heures, avant un nouveau débat jeudi.

Une main tendue vers la droite

Car malgré la confiance affichée, les cadres du RN savent qu'ils vont devoir amplifier leur dynamique pour espérer une majorité absolue à l'Assemblée. "Nous aurons une stratégie d'ouverture, avec des propositions concrètes", promet Gilles Pennelle, avant une réunion du bureau exécutif prévue lundi en fin de matinée pour affiner la stratégie d'entre-deux-tours. "Nous tendons la main à ceux qui ne partagent pas la totalité de notre programme, à ceux qui veulent faire barrage au front populaire de Monsieur Mélenchon et qui veulent tourner la page d'Emmanuel Macron..."

Marine Le Pen mise aussi sur d'éventuels ralliements de personnalités, en particulier issues de la droite, pour régner sur le Palais-Bourbon. Pour engranger plus de voix, le RN a donc soigné ses discours dès dimanche soir. "Aucun Français ne perdra de droits. Au contraire, les droits seront garantis", a insisté Marine Le Pen depuis Hénin-Beaumont. "On peut interpréter cette phrase comme une promesse que personne ne serait discriminé", traduit Jean-Yves Camus.

De son côté, Jordan Bardella a promis d'être "le Premier ministre de tous les Français". La semaine qui s'ouvre sera décisive, tout comme les éventuels désistements des adversaires du RN. Le parti peut d'ores et déjà se réjouir d'avoir largement amplifié son ancrage territorial, un résultat de bon augure pour les municipales de 2026.

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