Pourquoi Emmanuel Macron a choisi Edouard Philippe pour le poste de Premier ministre
En nommant une personnalité venue de la droite à Matignon, lundi, le président de la République effectue un choix stratégique.
Matignon a un nouveau locataire. Edouard Philippe, 46 ans, vient d'être nommé Premier ministre par Emmanuel Macron. Le nouveau chef du gouvernement va devoir composer avec le chef de l'Etat une équipe pour diriger le pays en respectant les équilibres politiques.
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Le choix d'un homme de droite, proche d'Alain Juppé, se révèle stratégique pour le nouveau président de la République. Le profil de cet énarque ouvre des perspectives au chef de l'Etat pour obtenir une majorité aux élections législatives. Franceinfo se penche sur les raisons qui ont poussé Emmanuel Macron à choisir un homme de droite pour prendre la tête du gouvernement.
Il respecte les critères qu'il avait fixés
Renouvellement, compétence, loyauté, expérience parlementaire... Emmanuel Macron avait, au fil de la campagne présidentielle, dressé le profil idéal de son Premier ministre. Edouard Philippe n'a jamais participé à un gouvernement. Il a une expérience parlementaire en tant que député sortant, mais n'a siégé que cinq ans à l'Assemblée nationale et n'apparaît pas comme un vieux routard de la politique. "Il est l’un de ceux qui correspondent très clairement au profil défini", confirmait, lundi matin, sur Europe 1 Benjamin Griveaux, porte-parole de La République en marche.
Maire du Havre depuis 2010, passé par le privé avec une expérience chez Areva et une autre en tant qu'avocat, le nouveau Premier ministre dispose de plusieurs cartes. Ses proches louent ses compétences et la richesse de son parcours. "Il a eu une multitude d’expériences et dispose donc d’un profil intéressant, car il a eu à la fois une vie administrative, de cabinet et de politique nationale, en étant directeur général de l’UMP, puis parlementaire", confie au Monde Benoist Apparu, autre proche d'Alain Juppé.
Il place un homme qu'il apprécie
Même s'ils ne viennent pas du même camp, le président de la République et le Premier ministre ont de l'estime l'un pour l'autre. "Ils ont très souvent dîné ensemble", assure L'Opinion. "Ils se connaissent et ils s’apprécient pour leur honnêteté intellectuelle et leur rigueur", confirme sur Europe 1 Benjamin Griveaux, porte-parole de La République en marche. Le nouveau Premier ministre connaît bien également le nouveau secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, avec qui il partage une expérience commune au sein des jeunes rocardiens.
Il reste fidèle au dépassement du clivage gauche-droite
"C'est un signal que la recomposition politique est en marche", s'est réjouie Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem, sur franceinfo. "On en a fini avec les clivages", ajoute sur BFMTV le sénateur LR de l'Yonne Jean-Baptiste Lemoyne. Fidèle à sa volonté de dépasser le clivage gauche-droite, Emmanuel Macron a choisi un homme de droite qui peut lui permettre de contrebalancer son image d'ancien ministre d'un gouvernement socialiste.
Il a aussi misé sur un profil original. Quand il étudiait à Sciences Po, Edouard Philippe a milité au PS pour soutenir Michel Rocard, rappelle Le Point, avant de rendre sa carte après l'éviction de l'ancien Premier ministre. Il a fait route par la suite avec Alain Juppé, de la fondation de l’UMP à la primaire de la droite en 2016. Au niveau local, il a aussi montré sa capacité à dépasser le clivage droite-gauche.
"Edouard est de droite sur les sujets économiques, mais est modéré sur les sujets sociétaux. Il est également pragmatique en étant maire, ce qui le ramène plutôt au centre qu’aux extrêmes", estime le juppéiste Gilles Boyer dans Le Monde. Mais lors de la passation de pouvoirs, face à un Bernard Cazeneuve se dépeignant en "homme de gauche", il n'a pas hésité pour sa part à se présenter comme "un homme de droite".
Il est toujours dans la nuance et la modération.
Gilles BoyerLe Monde
Il prépare les élections législatives
Pour mener la bataille des législatives, Edouard Philippe présente plusieurs qualités. Il a de solides réseaux et possède une connaissance des rouages des partis politiques – qui ne sont pas encore tout à fait morts à la veille des législatives – pour avoir participé, en tant que directeur général de l'UMP entre 2002 et 2004, à la fondation du grand parti de droite. Mais sa nomination va surtout déstabiliser le parti Les Républicains, encore groggy après la défaite subie au premier tour de la présidentielle.
Emmanuel Macron a lui-même exposé sa stratégie dans l'émission "Envoyé spécial", diffusée jeudi 11 mai sur France 2. Le nouveau président, suivi par les caméras pendant sa campagne, confie ses objectifs pour capter l'électorat de droite : "Je cherche à les déstabiliser en leur ouvrant les bras pour que le coût de la rupture soit de leur côté." Emmanuel Macron mise sur une explosion des Républicains comme du Parti socialiste afin d'obtenir en juin une majorité parlementaire.
Une stratégie qui a déjà produit ses premiers effets : 22 élus de droite ont appelé, lundi, leur parti à "répondre à la main tendue par le président de la République", après la nomination d'Edouard Philippe au poste de Premier ministre.
Une 20aine d'élus juppeistes et lemairistes interpellent leur parti LR pour "être à hauteur" des enjeux. #scission pic.twitter.com/sjhDy9V7PU
— Olivier Beaumont (@olivierbeaumont) 15 mai 2017
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