Présidentielle : de l'envol lors de la primaire LR au crash du premier tour, la campagne catastrophe de Valérie Pécresse
Entre les divisions, les défections et les couacs de communication, la campagne de la candidate des Républicains ne s'est pas passée comme prévu. Réduite à moins de 5% des suffrages dimanche, elle réalise le pire score de l'histoire de la Ve République pour la droite républicaine lors d'une élection présidentielle.
Valérie Pécresse ne sera pas au second tour de l'élection présidentielle. En obtenant seulement 4,78% des voix, selon les résultats définitifs communiqués lundi 11 avril, la candidate des Républicains termine la course à l'Elysée à bout de souffle. Comme il y a cinq ans, le second tour se jouera sans le grand parti de la droite républicaine. Pire : si les résultats définitifs le confirment, la candidate LR se place sous la barre fatidique des 5%, synonyme de non-remboursement des frais de campagne. "J'assume, en responsabilité, toute ma part dans cette défaite", a déclaré Valérie Pécresse dimanche soir, en annonçant qu'elle voterait Emmanuel Macron au second tour.
En réalisant son plus mauvais score dans l'histoire de la Ve République (voir graphique ci-dessous), la droite républicaine se retrouve en position de faiblesse, coincée entre la ligne libérale d'Emmanuel Macron et la posture autoritaire de l'extrême droite. "Si Pécresse n'est pas au second tour, LR sera atomisé", prédisait il y a quelques semaines un proche du président de la République.
Tout avait pourtant si bien commencé. Quand la présidente de la région Ile-de-France s'impose avec plus de 60% des voix lors du vote organisé dans le cadre d'un congrès du parti, le 4 décembre, ses proches regardent alors les sondages avec gourmandise. "Elle a pris 11%, donc ça montre que tout est possible et qu'elle est la seule à pouvoir battre Macron", confie à l'époque un porte-parole de la candidate. "On savait qu'il y aurait un effet mécanique, mais on ne pensait pas être à 20% [d'intentions de vote au premier tour]. Cela peut nous permettre d'apparaître comme le 'vote utile'."
Divisions internes
Mais rapidement, le camp Pécresse comprend que la campagne s'annonce difficile. Il y a d'abord la petite musique jouée par Eric Ciotti. Le député des Alpes-Maritimes, finaliste de la primaire interne, souhaite peser de tout son poids sur le programme présidentiel de la candidate. "Je la soutiens, mais j'entends que mes idées soient représentées avec force", prévient-il à l'issue d'une réunion publique à Nice.
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Valérie Pécresse multiplie les déclarations fortes. Elle annonce par exemple début janvier vouloir "ressortir le Kärcher de la cave" pour "nettoyer les quartiers", en référence à une fameuse déclaration de Nicolas Sarkozy.
Mais les divisions perdurent. Alors que la candidate se déclare, en décembre, favorable au pass vaccinal, certains parlementaires LR ne lui rendent pas la vie facile en affichant leurs divisions lors de l'examen du projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal. Tout au long de la campagne, certains courants du parti vont être accusés tour à tour de saboter le travail.
Après le meeting raté de Valérie Pécresse au Zénith de Paris, les dissensions se font encore plus fortes. "Xavier Bertrand daube depuis qu'il a perdu, tout le monde le sait. Il a pas mal de façades sympathiques comme ça en public, mais dans le dos, il dézingue en fait à tout va", confie alors à franceinfo un membre de la garde rapprochée de la candidate. "Les sarkozystes veulent faire perdre Pécresse. Pendant le meeting, j'ai vu certains fidèles s'envoyer des textos pour dire qu'elle était nulle", ajoute un ténor de LR.
"J'ai voulu faire un discours comme un homme"
Le Zénith, mi-février, marque en fait le début des ennuis et de la dégringolade pour Valérie Pécresse. Sur la forme, la candidate apparaît rigide et mal à l'aise. "J'ai voulu faire un discours comme un homme (...), un discours avec des mots très puissants, des mots d'homme", expliquera-t-elle plus tard à franceinfo.
Mais sur la fond aussi, elle se met en difficulté en reprenant le terme de "grand remplacement", porté avec force depuis plusieurs semaines par Eric Zemmour. "Je pense que c'est toujours une erreur d'employer les mots de ses adversaires, même si c'est pour condamner ces mots", lui reproche Jean-Christophe Lagarde, patron de l'UDI. "Le problème, c'est qu'elle essaie de tenir les deux tendances de l'électorat de droite, qui sont peut-être incompatibles", relève alors Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos. "C'est un objectif extrêmement compliqué, qui entraîne un grand écart permanent. D'où des situations qui créent une ambiguïté."
La courbe des intentions de vote de l'ancienne ministre commence à fléchir début février, mais la chute s'accélère à partir du meeting parisien. D'autant que la candidate va enchaîner les ennuis, en commençant par les défections d'une partie de ses troupes.
Des défections et un silence lourd de sens
Eric Zemmour n'est parvenu à rallier qu'une poignée de LR, comme l'ancien numéro 2 du parti, Guillaume Peltier, mais le camp d'Emmanuel Macron va vite revendiquer de nombreuses prises de guerre : l'ancien ministre Eric Woerth, la maire de Calais, Natacha Bouchart, l'ancienne secrétaire d'Etat Nora Berra, la présidente du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, le président de la région Paca, Renaud Muselier, ou encore l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
L'effet de cette série de défections est amplifié par le silence pesant de Nicolas Sarkozy. L'ancien président refuse d'apporter le moindre soutien à la candidate issue de sa famille politique. "Il est persuadé qu'elle ne sera pas la prochaine présidente de la République, donc il se garde bien de tout commentaire", explique en mars un parlementaire LR. "On a beaucoup travaillé pour que Nicolas Sarkozy ne dise rien et le fait qu'il ne dise rien est déjà une victoire pour nous", commente même un conseiller ministériel.
Erreurs de communication
Au-delà du manque de soutien au sein de son camp, Valérie Pécresse n'a pas été épargnée par les polémiques. Une enquête de Libération révèle le 23 février que le parti LR a vu entrer dans ses rangs "plusieurs centaines d'adhérents" qui n'ont pas de souvenir de leur adhésion, d'autres inexistants ou même morts. Le quotidien évoque même la présence d'un... chien dans les listings, du nom de Douglas, inscrit en région Paca par son propriétaire pro-Ciotti. La victoire de Valérie Pécresse au congrès, déjà questionnée par une enquête de Mediapart sur la participation d'électeurs étrangers, se retrouve une nouvelle fois affaiblie. Et le chien Douglas devient vite un objet de détournements sur les réseaux sociaux.
Parfois, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy se met elle-même en difficulté avec une communication malhabile. Dans un communiqué publié le 28 février, celle qui tente de démontrer sa stature de femme d'Etat annonce réunir un conseil stratégique de défense autour d'anciens ministres et parlementaires de droite, pour "suivre l'évolution du conflit [en Ukraine] et analyser à ses côtés les enjeux géopolitiques". Un cliché montre la candidate assise autour d'une table rectangulaire ornée d'une nappe non repassée, accompagnée des anciens ministres Michel Barnier, Michèle Alliot-Marie, Gérard Longuet et Hervé Morin. La photo va là encore susciter de nombreuses moqueries.
Très choqué par l'absence du chien Douglas dans le conseil de défense de Valérie Pécresse. pic.twitter.com/VPtOE8vcQw
— Ceci est mon tweet (@ceciestmontweet) March 1, 2022
Pour couronner le tout, le Covid s'invite, fin mars, dans sa campagne. Le virus force Valérie Pécresse à s'isoler plusieurs jours et à assurer ses rendez-vous en visioconférence. Dans les dernières semaines de la campagne, elle tente bien de reprendre la main, en se montrant offensive lors d'un débat télévisé face à Eric Zemmour ou en faisant preuve de plus de naturel lors de son dernier grand meeting. Mais elle ne sera jamais parvenue à inverser la tendance.
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