Témoignages JO de Paris 2024 : foule, insécurité, embouteillages... Six Franciliens racontent pourquoi ils fuient la capitale pendant les Jeux olympiques

Article rédigé par Clara Lainé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
La tour Eiffel porte les anneaux olympiques, en amont du traditionnel feu d'artifice de la fête nationale, à Paris, le 14 juillet 2024. (DIMITAR DILKOFF / AFP)
Franceinfo a recueilli les paroles de six habitants de Paris et de sa banlieue, qui ont choisi de quitter la capitale pendant les Jeux. La plupart redoutent avant tout les perturbations potentielles liées à l'événement.

Pour eux, le 26 juillet ne rimera pas avec le début des festivités. La capitale s'emballera pour la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris sans Laurent, Guillaume, Christelle, Jean-Michel, Cédric et Françoise. Ces six Franciliens sont loin d'être les seuls à avoir esquivé cet événement mondial.

Embouteillages, foule, considérations éthiques, insécurité, peur du Covid, restriction de circulation... Autant de raisons qui ont conduit la centaine de personnes ayant répondu à l'appel à témoignages de franceinfo à la même conclusion : s'évader de la capitale pendant les JO leur est apparu comme la seule solution viable pendant au moins quinze jours. Ils témoignent. 

Laurent, 44 ans, Paris (20e arrondissement) : "Je ne vois pas dans quel monde les transports pourraient être à la hauteur"

La ligne parisienne de métro 9 ? "Déjà impraticable." La ligne 6 ? "Un cauchemar." Les Jeux n'ont pas encore commencé, mais Laurent assure qu'il subit "déjà les incohérences de la RATP du lundi au vendredi". L'enseignant de 44 ans, ancien sportif de haut niveau et "fan ultime des JO", s'est pourtant résolu à les suivre de loin, depuis Bordeaux. 

"Le fossé entre les annonces [positives] et la réalité du quotidien me font craindre une bombe organisationnelle !"

Laurent, enseignant

à franceinfo

Pour lui, le réseau de transports en commun sera incapable d'absorber l'afflux de touristes attendu. "Les Parisiens ne sont déjà pas les gens les plus bienveillants, mais ils savent où ils vont. Imaginez le même nombre de personnes sur les mêmes horaires, mais qui ne connaissent pas le réseau : l'horreur !" Il assure malgré tout comprendre une partie des difficultés, comme le recrutement de conducteurs de métro ou bus, un métier "difficile" et "peu valorisé". Mais avec une organisation "peu à la hauteur", il ne voit pas "dans quel monde les transports pourraient l'être".

Guillaume, 34 ans, Paris (10e) : "Quand j'ai su qu'Airbnb était partenaire des JO, je l'ai vécu comme une trahison"

"On déroule le tapis rouge aux sponsors et nous, les habitants, on est oubliés." Guillaume aurait aimé assister aux Jeux. Mais l'urbaniste de 34 ans dénonce la "montée en flèche" des locations touristiques temporaires. "Sur 20 logements dans l'immeuble, quatre ou cinq sont déjà loués en Airbnb, et on voit que beaucoup d'autres vont s'y mettre."

Or, qui dit nouveaux venus dit "plus de nuisances", selon lui. "Les poubelles en vrac, les commerces de proximité [pris d'assaut]…" Mais surtout, Guillaume regrette que la lutte contre les logements touristiques ait été "mise sous cloche" par la municipalité. Alors que la ville a pris de nombreuses mesures anti-Airbnb ces dernières années, l'urbaniste lui reproche d'être moins vindicative sur le sujet à l'approche des Jeux. 

"On ne veut pas finir dans des quartiers qui ne se ressemblent plus."

Guillaume, urbaniste

à franceinfo

"Quand on a vu que l'entreprise était partenaire des JO, on a eu un sentiment de trahison", confie-t-il. La stratégie s'est révélée payante pour la plateforme, puisque les annonces pour des meublés de tourisme sur Airbnb en Ile-de-France ont doublé en l'espace d'un an. Ce succès n'est pas du goût de Guillaume et de sa compagne, bien décidés à partir le temps des Jeux… Et à louer leur appartement ? Sûrement pas. "On ne va pas faire subir aux voisins ce qu'on ne souhaite pas subir nous-mêmes !"

Christelle, 53 ans, Paris (12e) : "Je crains que les agressions se multiplient"

Gérald Darmanin l'a promis : près d'un million de personnes feront l'objet d'une enquête préalable de sécurité d'ici à la cérémonie d'ouverture, vendredi 26 juillet. Ce chiffre a beau être impressionnant, il ne rassure pas Christelle, 53 ans. "Il y a bien un ou deux fous qui vont passer entre les mailles du filet", juge cette agente du recouvrement, qui cite l'exemple de l'attaque au couteau survenue en février à la gare de Lyon. "Depuis, je crains le pire", souffle celle qui est convaincue que les agressions risquent "de se multiplier" pendant les Jeux.

Alors, la quinquagénaire a prévu le coup. Elle a posé ses vacances pendant les JO pour fuir l'insécurité, mais aussi pour ne pas assister à une possible "débâcle". Pour Christelle, le coup de projecteur sur la capitale n'a rien de réjouissant et les touristes vont tomber de haut. Selon elle, "Paris est sale, malfamé. On se dit entre nous qu'on va se taper une honte internationale !" 

Jean-Michel, 75 ans, Paris (13e) : "Les Jeux sont une aberration écologique et démocratique"

Rassembler toutes les nations du monde, en participant à sa destruction ? Pour Jean-Michel, les grandes promesses de Jeux plus écologiques sont, au mieux, des vœux pieux, au pire, des mensonges éhontés. "Les JO tels qu'ils sont conçus à notre époque provoquent des déplacements de populations massifs inimaginables. Pour beaucoup, par avion", tempête le retraité de 75 ans.

Une "aberration écologique" qui se double d'un "déficit démocratique", à ses yeux. "Ce qui m'a surtout énervé, c'est qu'on a mis les JO sans nous demander." A ces préoccupations éthiques, Jean-Michel rajoute celle du budget. "A chaque fois, on promet une rigueur formidable dans les dépenses, mais c'est toujours dépassé dans les grandes largeurs, et cette fois n'échappera pas à la règle", anticipe le retraité.

Les dernières études se montrent moins alarmistes que Jean-Michel sur le sujet, même si les estimations du cabinet de conseil Asterès lui donnent raison : l'enveloppe consacrée à l'événement a effectivement été revue à la hausse depuis 2017, passant de 6,8 milliards d'euros à 11,8 milliards. Pour autant, "les Jeux de Paris devraient être les troisièmes les moins chers depuis 1988, après Atlanta et Sydney", soulignait le cabinet en mars.

Cédric, 46 ans, Suresnes (Hauts-de-Seine) : "La perspective d'une vague épidémique m'angoisse"

Confinement, masques, vaccin... Autant de mots qui ne font plus partie du quotidien de tous, mais que Cédric, 46 ans, appréhende de voir resurgir avec les Jeux. "La perspective d'une vague épidémique de Covid m'angoisse, quand j'imagine autant de personnes dans un endroit, venant de pays très éloignés", s'inquiète ce professeur d'arts plastiques. Pour lui, la crainte de la propagation d'un énième variant se mêle à "un problème bien plus concret"

Victime d'un AVC en 2016, le Francilien se déplace depuis à l'aide d'une canne et vit très mal ses déplacements "encore plus complexes que d'habitude". Il dénonce les travaux aux alentours des sites olympiques "situés en plein Paris intramuros", à l'instar du pont Alexandre III. Palissades, grillages et barrières jalonnent la ville, en proie à de nombreuses restrictions de circulation. "Vraiment, ça fait beaucoup", soupire celui qui n'a pourtant "rien contre les JO à la base".

A l'adolescence, le quadragénaire avait même été "fasciné" par les Jeux olympiques d'hiver à Albertville, en 1992. Au point de se réjouir à l'annonce de ceux de Paris ? "Non", tranche-t-il. Selon Cédric, le choix de la capitale est "un non-sens à tous les niveaux". 

Françoise, 65 ans, Paris (11e) : "Le QR code, c'est de la pure surveillance policière"

D'habitude, Françoise aime l'été à Paris : chaque année, elle profite des mois de juillet et d'août pour "faire du tourisme" dans la ville où elle habite depuis ses dix ans. Mais cette fois, la retraitée de 65 ans a dû se résoudre à faire une croix sur ses traditionnelles sorties culturelles estivales. Une décision de longue date, prise l'année dernière "au moment où les premières mesures de sécurité ont été annoncées". 

"Ce système de QR code est incompatible avec mon mode de vie, je refuse de m'y soumettre."

Françoise, retraitée

à franceinfo

"Je n'ai aucune envie d'aller au musée avec un QR code. Ce système, c'est de la pure surveillance policière", dénonce-t-elle, "allergique aux mesures intrusives". Plusieurs monuments culturels se trouvent effectivement dans les zones soumises à la détention d'un QR code, mais pour la plupart, les billets feront office de laissez-passer. Peu importe pour Françoise, dont le choix est davantage idéologique que logistique."Je refuse de devoir subir ce flicage (...) disproportionné", assume-t-elle. 

La Parisienne a toutefois pris ses billets pour les Jeux paralympiques, où elle redoute de voir des gradins "vides", malgré "des expériences sportives époustouflantes"

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