Sécheresse : qu'est-ce que l'eau grise, cette solution pour arroser les champs ?
Emmanuel Macron présente jeudi 30 mars dans les Hautes-Alpes un plan très attendu destiné à améliorer la gestion de l'eau, ressource menacée par le réchauffement climatique. La réutilisation des eaux usées est l'une des solutions, même si elle reste très marginale en France. L'eau qui sort des stations d'épuration représente pourtant plus d’un milliard de mètres cubes d’eau, majoritairement rejetés dans la nature ou dans les rivières.
Une eau qui sort des stations d'épuration
On compte environ 150 projets d'irrigation avec de l'eau grise. Depuis les années 1990, près de Clermont-Ferrand, une cinquantaine d’agriculteurs font de l’irrigation sur 750 hectares de culture avec l’eau qui sort de la station d’épuration de la métropole. À Noirmoutier, les pommes de terre primeurs sont arrosées avec l’eau qui sort de la station d’épuration. Cette eau subit un traitement bactérien, puis elle est soumise aux rayons du soleil dans des réservoirs. Elle est réglementée et les seuils sanitaires ne sont pas les mêmes pour les légumes ou les fruits : ils sont plus exigeants pour une consommation sans cuisson.
En 2022, le gouvernement a fait un premier pas vers l’élargissement des usages, en autorisant à titre expérimental l’utilisation de cette eau pour laver les voitures et la voierie. Un décret est actuellement devant le conseil d’État pour "assouplir et clarifier certaines choses", d’après les dernières déclarations de Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture. À Paris, un système est expérimenté depuis 2019 par la mairie pour utiliser les eaux usées afin de chauffer les bâtiments.
Une eau qui coûte plus cher
D’après les spécialistes, il existe un cumul de freins. Le premier est culturel car, avant la sècheresse de l'été dernier, proposer des fruits et légumes arrosés à l’eau qui sort d’une station d’épuration n’était pas un argument de vente. Le deuxième frein est financier. Traiter l’eau avec les normes sanitaires renchérit le prix de l’eau par rapport à ce qu’un agriculteur peut dépenser pour puiser dans une rivière ou un sous-sol.
Certains spécialistes proposent donc de séparer en amont, dans les maisons, les eaux des toilettes des eaux de la cuisine ou de la salle de bain pour limiter le coût de traitement. La France a aujourd’hui un objectif en matière d’utilisation de cette ressource. Elle doit tripler le volume d’ici deux ans, ce qui restera relativement marginal.
Des "travaux considérables" à réaliser
L'une des idées serait de changer les normes sanitaires et les circuits pour que l'eau de la douche, au moins, puisse alimenter les toilettes. Ce serait un gain important, selon Willy Fortunato, directeur général de l'entreprise UV Germi, qui travaille dans le domaine de la dépollution : "Cela représenterait entre 15 et 20 % d'économies sur la consommation d'eau par an, assure-t-il à franceinfo. Et on peut aller bien au-delà si les individus disposent d'un jardin, s'ils lavent leur voiture, tous ces usages-là peuvent être remplacés par des eaux usées traitées plutôt que par de l'eau potable de première utilisation", ajoute-t-il.
Reste que cela nécessite des investissements. Car pour arriver à un tel parcours de l'eau, il faut créer deux circuits et contrôler l'état sanitaire de l'eau de la douche qui va stagner dans les toilettes. Cela va prendre du temps, explique Laurent Brunet, de la Fédération des entreprises de l'eau. "Ce n'est pas une mesure d'urgence parce qu'il va falloir regarder comment tout ça peut être mis en œuvre sans compromettre évidemment la santé. Dans les bâtiments qui sont les bâtiments existants. Et les travaux à faire seraient assez considérables", décrypte-t-il. En France, où on consomme presque 150 litres d'eau par jour et par personne, presque la moitié pour les toilettes, le linge et la vaisselle.
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