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Remaniement : un nouveau gouvernement qui puise dans le vivier de la macronie, "sans bouleversement du centre de gravité politique"

Aurore Bergé nommée ministre des Solidarités, Gabriel Attal à l'Education nationale, Aurélien Rousseau à la Santé... Après de longues négociations en coulisses, l'exécutif a procédé à plusieurs changements dans l'équipe gouvernementale.
Article rédigé par Margaux Duguet, Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La Première ministre Elisabeth Borne, le 19 juillet 2023, au palais de l'Elysée, à Paris. (QUENTIN DE GROEVE / HANS LUCAS / AFP)

"C'est un sketch", s'impatiente, jeudi 20 juillet au matin, un conseiller ministériel. "Ils ne vont jamais le sortir ce communiqué de presse ?" Dans les couloirs des ministères comme dans les rédactions, l'attente du nouveau gouvernement ces dernières semaines aura été longue, très longue, avant que les noms des élus, confirmés ou nouveaux entrants, soient révélés. La confirmation d'une prolongation d'Elisabeth Borne à Matignon avait laissé présager un remaniement a minima, ce qui s'est confirmé avec huit entrants et huit sortants. "L'idée, c'est de faire un point sur le gouvernement pour bien redémarrer la rentrée, explique un conseiller ministériel. Cela ne peut pas être autre chose que restreint puisque ça intervient quand même fin juillet, c'est le dernier moment pour en faire un."

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Selon nos informations, les derniers arbitrages ont ensuite été douloureux à obtenir. Plusieurs sources évoquent une bataille rugueuse entre le président de la République et sa Première ministre. "Les raisons de ces freins sont venues davantage de l'intérieur de l'exécutif que des équilibres politiques dans la majorité", estime un stratège du camp présidentiel. "Je pense qu'il y a eu des différences de point de vue assez fortes sur certains noms", confirme un conseiller ministériel. "Elisabeth Borne a demandé la tête de 15 ministres et le président de la République a dit 'non'", croit savoir un autre.

"Ni dissensions, ni désaccords"

L'enjeu ? Elisabeth Borne avait tout intérêt à obtenir le remaniement le plus large possible pour se donner une nouvelle impulsion. Le président préférait en rester à des "ajustements", selon les mots choisis par son entourage. Du côté de l'exécutif, on réfute toute divergence. "Il n'y a ni dissensions, ni désaccords, mais cela amuse certains d'alimenter ce narratif", assure l'entourage d'Elisabeth Borne. "Le président a demandé à la Première ministre de proposer des noms. C'est ce qu'elle a fait. Ensemble, ils regardent portefeuille ministériel par portefeuille ministériel si les objectifs qui avaient été fixés en 2022 aux ministres ont été atteints", complète l'entourage d'Emmanuel Macron.

"C'est une machine à fantasmes. Le président vient de relégitimer la Première ministre, ça n'est pas pour se lancer dans des bras de fer avec elle."

L'entourage du président de la République

à franceinfo

Dans la matinée de jeudi, les heures filent et la composition du gouvernement n'est toujours pas bouclée. Il faut gérer les couacs de dernière minute. Ainsi, le rapporteur général du Budget, Jean-René Cazeneuve, un temps pressenti pour remplacer Gabriel Attal aux Comptes publics, doit renoncer. Sa suppléante dans le Gers, Véronique Thieux Louit, ne souhaite pas devenir députée à sa place et la majorité ne peut pas risquer de perdre une législative partielle. C'est finalement le député Thomas Cazenave qui hérite du maroquin.

"Des annonces au goutte-à-goutte"

En milieu d'après-midi, les médias commencent à égrener les noms des nouveaux ministres. "C'est vraiment bizarre cette stratégie de communication", confie le politologue Bruno Cautrès, s'interrogeant sur une méthode visant à donner "de la visibilité" aux nouveaux ministres les plus importants. "On a vécu une séquence extrêmement bizarre depuis ce drôle de dîner à l'Elysée jusqu'à ces annonces au goutte-à-goutte, sans communication officielle, sans annonce sur le perron", observe le chercheur au CNRS et au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).

"Il y a sans doute une volonté pour Emmanuel Macron de tenter quelque chose en termes de communication, de casser les codes de l'annonce officielle d'un gouvernement."

Bruno Cautrès, politologue

à franceinfo

Finalement, environ un quart du gouvernement est renouvelé, avec à peine une dizaine de changements dans l'équipe. Un remaniement plus important qu'attendu dans un premier temps, en raison notamment du remplacement de Pap Ndiaye par Gabriel Attal à l'Education nationale et de François Braun par Aurélien Rousseau à la Santé, deux des trois priorités (avec l'Ecologie) annoncées par Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle.

"Aucune grosse prise de guerre"

Les départs de Pap Ndiaye et de François Braun, ajoutés à celui de Jean-Christophe Combe (remplacé au ministère des Solidarités par Aurore Bergé), révèlent les limites des ministres choisis au sein de la société civile. "On reste des ovnis dans le paysage politique, car on n'a pas les canons habituels", se lamentait récemment l'un de ces ministres, écarté aujourd'hui. "La tentative de faire appel à la société civile avec un gouvernement d'experts se termine toujours un peu de la même manière", estime Bruno Cautrès.

"On a des personnalités projetées trop rapidement sur la scène politique, à l'Assemblée, dans la tuyauterie de la haute administration... et qui ont beaucoup de mal à y arriver."

Bruno Cautrès, politologue

à franceinfo

D'ailleurs, une partie des cadres de la majorité organise depuis plusieurs mois le procès de cette société civile. "Il faut des ministres politiques qui savent tenir leur administration. Des ministres solides politiquement et médiatiquement", réclamait en début d'année une cadre de la majorité. "On n'est plus à l'époque de la société civile, il faut des politiques", ajoutait un député Renaissance. Ce virage plus politique, nécessaire pour beaucoup en période de majorité relative, se traduit donc par les arrivées de la cheffe de file des députés Renaissance, Aurore Bergé, de l'ancien directeur de cabinet d'Elisabeth Borne, Aurélien Rousseau, ainsi que de plusieurs parlementaires influents.

"Emmanuel Macron semble vouloir nous renvoyer le message qu'il a un banc de touche, qu'il a dans le corpus des députés de nouveaux talents, de nouvelles personnalités", estime Bruno Cautrès. Pour autant, les équilibres politiques ne sont pas bouleversés et le nouveau gouvernement paraît marqué du sceau de la continuité. "Il n'y a aucun bouleversement du centre de gravité politique de ce gouvernement, ça ne penche pas davantage à gauche ou à droite, les principaux ministres régaliens restent en poste, c'est de la macronie resserrée", poursuit le chercheur.

Les partenaires de la majorité (MoDem, Horizons) conservent leurs positions. Et il n'y a aucune prise de guerre du côté des Républicains. "En réalité, nous n'avions jamais imaginé qu'il ferait du débauchage cette fois-ci", commente le sénateur LR Bruno Retailleau. La seule ouverture correspond à l'arrivée de l'actuel maire divers gauche de Dunkerque, Patrice Vergriete, au ministère du Logement. Cela paraît bien maigre pour un président qui avait fait du dépassement politique une ligne directrice depuis son arrivée à l'Elysée en 2017. "Il n'y a pas de grosse prise de guerre dans les camps d'en face, avec une personnalité qui représente une coalition politique, conclut Bruno Cautrès. Le problème de l'absence de majorité absolue n'est donc toujours pas réglé."

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