Déclaration de politique générale de Michel Barnier : quels sont les enjeux du discours du Premier ministre devant l'Assemblée nationale ?

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Michel Barnier, Premier ministre, à la sortie de l'hôtel de Matignon, à Paris, le 27 septembre 2024. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
Michel Barnier doit détailler mardi après-midi la feuille de route de son gouvernement devant les députés. Près d'un mois après sa nomination à Matignon, il aura face à lui un hémicycle hostile.

"Mardi, ça va être l'horreur absolue, la gauche va être folle furieuse." A l'instar de ce député Les Républicains, beaucoup redoutent une atmosphère tendue dans les travées de l'Assemblée nationale pour la déclaration de politique générale de Michel Barnier, mardi 1er octobre à 15 heures. Face aux députés, le Premier ministre doit prendre la parole pour un discours censé détailler ses priorités et la méthode qu'il compte appliquer depuis Matignon.

Prévu par la Constitution, cet exercice revêt une importance particulière pour ce nouveau gouvernement, tant son assise politique est fragile : plusieurs partis, y compris au sein du camp présidentiel, ont mis en garde Michel Barnier contre des "lignes rouges" qu'il ne devrait pas franchir sous peine de perdre leur soutien, voire de déclencher le vote d'une motion de censure. Voici les enjeux de ce rendez-vous déjà capital pour Michel Barnier et son gouvernement

Un exercice crucial mais sans vote de confiance à la fin

Presque quatre semaines après sa nomination par Emmanuel Macron, Michel Barnier doit descendre dans l'arène de l'Assemblée nationale, mardi, avec une équipe gouvernementale complète à ses côtés. Peu de choses ont filtré sur le contenu du discours qu'il entend prononcer et qui doit donner le cap de sa politique pour les semaines et les mois à venir. Ce ne sera "pas un catalogue, mais un panel de grandes priorités et quelques mesures de rupture", se contente d'expliquer l'entourage du chef du gouvernement auprès de France Télévisions.

Pour préparer ce rendez-vous, le Premier ministre a pu s'inspirer du séminaire gouvernemental organisé vendredi à Matignon. Un conseiller ministériel a expliqué à franceinfo que le chef du gouvernement avait demandé à chacun de ses ministres de venir avec ses propositions pour l'aider à construire la déclaration de politique générale. Reste à savoir si ces pistes auront été retenues par Michel Barnier.

Une chose est sûre : il n'y aura pas de vote de confiance à l'issue de ce discours, comme l'a confirmé l'entourage de Michel Barnier à franceinfo, lundi. C'est un "usage constant hors majorité absolue", "pas une obligation constitutionnelle", justifie-t-on à Matignon, où l'on assure que "chaque texte fera l'objet de discussions avec tout le monde". Les prédécesseurs de Michel Barnier, Elisabeth Borne et Gabriel Attal, n'avaient pas non plus sollicité la confiance des députés.

Les annonces sur la gestion des finances publiques au centre de l'attention

Le Premier ministre sera particulièrement attendu sur la question budgétaire, sujet brûlant dans un contexte de finances publiques très difficile. Pour tenter de remettre les comptes à l'endroit, va-t-il annoncer une forte réduction des dépenses de l'Etat ou une augmentation de certains impôts ? Parmi les pistes envisagées, selon une source du ministère de l'Economie à France Télévisions, les collectivités territoriales pourraient être appelées à réduire leurs dépenses. Leur surcroît de dépenses a conduit à un "dérapage" du déficit de 16 milliards d'euros en 2024, selon l'ancien ministre Bruno Le Maire. Sur le plan des recettes, "Michel Barnier a parlé de ne pas taxer ceux qui travaillent. Les retraités ne travaillent pas, donc les plus aisés pourront être taxés", avance par ailleurs cette source à Bercy. 

Des propos sur l'Etat de droit scrutés  

Depuis sa prise de fonction, Michel Barnier a fait de l'immigration l'un des axes majeurs de sa politique. "On va faire des choses pratiques pour limiter et maîtriser l'immigration qui devient souvent insupportable et qui conduit à ne pas bien accueillir ceux qu'on accueille chez nous", a-t-il prévenu sur France 2, dimanche 22 septembre. Nul doute que cette question sera de nouveau abordée durant la déclaration de politique générale, mardi. 

Par ailleurs, sa position sera aussi très scrutée sur l'Etat de droit alors que Bruno Retailleau, le nouveau ministère de l'Intérieur, a déclenché une polémique en déclarant dans Le JDD que "l'Etat de droit, ça n'est pas intangible, ni sacré". Une partie du bloc présidentiel, dont plusieurs membres sont au gouvernement, ont vivement dénoncé ces déclarations. La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a par exemple rappelé que l'Etat de droit "protège[ait] notre démocratie", se disant "inquiète" des propos de l'ancien patron des sénateurs LR.

La réaction du RN regardée de près

La manière dont le Rassemblement national va accueillir le discours de Michel Barnier déterminera en partie la durée de vie de ce dernier. Depuis l'arrivée à Matignon de l'ancien commissaire européen, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella a le destin de l'exécutif entre ses mains : en joignant ses voix à celles de la gauche dans le cadre du vote d'une motion de censure, il pourrait directement faire tomber le gouvernement. Pour l'heure, le RN se montre très prudent et exigeant. Si Michel Barnier "fait le jeu de la gauche, alors il y aura censure", a ainsi rappelé sur franceinfo Laurent Jacobelli. Le porte-parole du RN met en avant les "lignes rouges" de sa formation politique sur l'immigration, le pouvoir d'achat ou la sécurité des Français. 

La gauche attendue sur le dépôt d'une motion de censure

Contrairement au RN, la gauche a décidé de ne pas attendre les intentions du gouvernement de Michel Barnier pour se prononcer : les quatre groupes parlementaires du Nouveau Front populaire à l'Assemblée nationale voteront la censure. Deux choses sont néanmoins à surveiller chez les 193 élus du bloc de gauche : vont-ils déposer une motion de censure dans la foulée de la déclaration de politique générale, mardi en fin de journée ? Dans ce cas, le vote interviendrait jeudi et obligerait l'ensemble des 11 groupes parlementaires à se positionner très rapidement sur le sort du gouvernement Barnier. L'autre élément à scruter relève davantage de la forme : des élus de gauche vont-ils perturber le discours du chef du gouvernement mardi après-midi ? "J'ai très peur : ça fait quatre mois que les insoumis n'ont pas été dans le chaudron, ça va être le boxon", anticipe un député LR. 

La réponse d'une partie du bloc présidentiel guettée

En théorie, les trois partis de l'ex-majorité présidentielle font partie du "socle commun" sur lequel repose le gouvernement de Michel Barnier. Ils ne devraient donc pas manifester d'opposition à son discours. Dans les faits, ils se montrent très exigeants et demandent des gages au nouveau chef du gouvernement. Certains sont remontés après la sortie de Bruno Retailleau sur l'Etat de droit, quand d'autres s'opposent à une hausse des impôts. Il faudra par conséquent surveiller les réactions, en particulier celles des députés de l'aile gauche d'Ensemble pour la République et du MoDem, pour voir si le socle de Michel Barnier s'effrite déjà. 

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