Plans sociaux : le nombre de défaillances d'entreprises de taille moyenne a augmenté de "46% en un an", note la CPME

"On estime aujourd'hui qu'autour de 250 000 emplois sont menacés à travers des plans de sauvegarde ou de mise en redressement", alerte Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CPME.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9min
Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CPME, le 27 novembre 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Ce qu'on constate, c'est une explosion du nombre de défaillances d'entreprises. Sur le segment des moyennes entreprises, plus 46% de défaillances en un an. Le résultat, c'est qu'on estime aujourd'hui qu'autour de 250 000 emplois sont menacés à travers des plans de sauvegarde ou de mise en redressement", alerte mercredi 27 novembre Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

Michelin, ArcelorMittal, Auchan, MA France, Valéo… Les plans sociaux se multiplient dans différents secteurs depuis quelques mois. La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet évoque désormais "près de 250 plans de licenciements en préparation, concernant entre 170 000 et 200 000 emplois", selon un décompte réalisé à partir "des remontées de nos militants".

Franceinfo : Il y a eu ces dernières semaines plusieurs annonces de plans sociaux dans des grands groupes, notamment dans le secteur automobile. Le dernier en date, ce soir, c'est Valeo. On parle beaucoup de ces grands groupes, mais chez vous, au sein des PME, des TPE, comment ça va ?

Jean-Eudes du Mesnil : On est également très inquiets, parce que l'économie marque le pas. Aujourd'hui, la consommation ralentit. On voit bien que l'épargne des Français n'a jamais été aussi élevée. Et surtout, face à l'incertitude politique, les entrepreneurs lèvent le crayon, c'est-à-dire qu'ils arrêtent les investissements, les recrutements. Le résultat, c'est que j'entendais le chiffre donné par Sophie Binet. Malheureusement, de notre côté, ce qu'on constate, c'est une explosion du nombre de défaillances d'entreprises et surtout une augmentation de la taille des entreprises concernées. Sur le segment des moyennes entreprises, plus 46% de défaillances en un an. Le résultat, c'est qu'on estime aujourd'hui qu'autour de 250 000 emplois sont menacés à travers des plans de sauvegarde ou de mise en redressement. Donc il y a une véritable inquiétude pour les entreprises. Et puis, vous savez, le plus grand plan social de France aujourd'hui, il est à bas bruit dans les PME. C'est comme ça malheureusement qu'on ressent les choses. On parle d'entreprises de plus de 50 salariés et ce sont celles-là aujourd'hui qui sont malheureusement les plus concernées par l'augmentation des défaillances.

Tous les secteurs sont-ils touchés ?

Tous les secteurs. La filière immobilière est particulièrement touchée, le transport, l'entreposage, enfin tous les gens dont on sait qu'ils ont des difficultés. Et malheureusement, on sait aussi que dans les mois qui viennent, certains secteurs, comme l'automobile par exemple, vont aussi connaître beaucoup de difficultés. Ça se traduira par des destructions d'emplois. Malheureusement, on peut déjà le prédire sans beaucoup se tromper.

Vous nous dites : "les dirigeants lèvent le crayon". C'est qu'il y a un problème de confiance. Il n'y a pas de baguette magique, mais qu'est ce qui aiderait, selon vous ?

Trois mots : lisibilité, visibilité - c'est le point absolument clé - et stabilité. Ce sont les trois éléments qui manquent aujourd'hui.

"Personne ne sait à quelle sauce on va être mangés sur le plan fiscal, on nous annonce des augmentations du coût du travail, donc une diminution de la compétitivité des entreprises."

Jean-Eudes du Mesnil

sur franceinfo

On nous annonce, par exemple, une baisse des aides aux entreprises quand vous embauchez un apprenti. Or, quand vous embauchez un apprenti, à peu près 20% du temps de la personne qui s'occupe de cet apprenti est consacré à cet apprenti. Donc ça a un coût. Évidemment.

Au cœur du projet de loi sur la Sécurité sociale, il y a la question des allègements de charges et du budget de l’apprentissage. Le gouvernement veut les réduire. Vous rencontrez Michel Barnier au salon "Impact PME" demain à Station F, qu’avez-vous envie de lui dire ?

Ce qu'on va lui dire, sur cette question des allégements de charges, c'est qu'on met beaucoup en avant le mot "allègements de charges" et "cadeaux aux entreprises". Mais la réalité, c'est augmentation du coût du travail. Et mécaniquement, quand vous augmentez le coût du travail, notamment sur les plus bas salaires, vous détruisez de l'emploi et on ne va faire qu'accroître l'écart de compétitivité entre la France et les pays avec lesquels nous sommes en concurrence. Le rapport Draghi, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps, mettait en avant le fait qu'entre l'Europe et les États-Unis, en 20 ans, l'écart de compétitivité est passé de 15 à 30%. Ça se traduit ensuite par des absences de créations d'emplois, des destructions d'emplois et une diminution aussi du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Donc ce n'est pas simplement un problème d'entreprise, ça concerne tous les Français.

À côté de ça, il y a une question mathématique, une équation que doit résoudre Michel Barnier, c'est celle des finances publiques. Il dit qu'il faut qu'on trouve des milliards d'euros d'efforts. Que faut-il faire, selon vous ?

Évidemment, rien n'est simple. On n'a pas de baguette magique. En tout cas, on ne s'en prendrait certainement pas à l'augmentation du coût du travail, ce qui est une erreur fondamentale parce qu'on va mettre l'économie en mode pause. Il y a un sujet qui est celui de la simplification administrative, c'est à peu près 4% du PIB. Donc, là, il y a une source d'économies absolument formidable. Et puis quand même, il y a une chose dont on ne parle pas beaucoup ces derniers temps, c'est le nombre d'emplois dans la fonction publique qui est en augmentation constante ces dernières années. On pourrait au moins, je ne dis pas diminuer, mais geler…

Le dossier a été mis sur la table récemment, notamment par le ministre de la Fonction publique.

Oui, il a été mis sur la table, mais on n'a pas beaucoup vu de conclusions sur ce dossier. Croyez-vous que les augmentations ces dernières années dans les effectifs de la fonction publique ont permis d'améliorer, par exemple, le fonctionnement de l'hôpital ? La réponse est non. Est-ce plus simple quand vous allez dans une collectivité territoriale ? La réponse est non. Donc on ne dit pas forcément de diminuer, mais au moins de réformer l'action publique. C'est ça qu'on attend. Et pour l'instant, malheureusement, on est un peu sur notre faim.

N'est-ce pas aussi aux entreprises de prendre leur part ?

Mais vous ne croyez pas que les entreprises, quand elles créent des emplois, quand elles créent de la richesse, quand elles sont les plus ponctionnées d'Europe, il faut le rappeler, elles ne prennent pas déjà leur part, très largement ? Quand les entreprises, l'année dernière, ont embauché un million d'apprentis, elles ne prennent pas leur part ?

"Sans entreprises pour créer de la richesse, on ne pourrait pas la distribuer et on n'aurait pas de dispositif de protection sociale en France. Donc, surtout, il faut leur rendre la vie plus facile plutôt que de leur rendre plus compliquée."

Jean-Eudes du Mesnil

sur franceinfo

Il y a aussi des incertitudes pour le Premier ministre. Il est aujourd'hui sous la menace d'une motion de censure. Quel impact ça aurait, selon vous ?

Le débat et le sujet, ce n'est pas pour ou contre Michel Barnier. C'est la question de la motion de censure et de faire tomber le gouvernement. Nous, ce qu'on sait, ce qu'on a vécu, c'est la période de dissolution où, sur le plan économique, ça a été absolument catastrophique. Pourquoi ? Parce que personne ne savait à quelle sauce on allait être mangés. On entendait des propos plus fantaisistes les uns que les autres, avec une augmentation des prélèvements qui étaient lancés tous les jours à droite et à gauche, je dis bien à droite et à gauche. Et c'est exactement ça que craignent les entreprises. À ce moment-là, comment voulez-vous investir quand vous n'avez plus confiance ? C'est un problème de confiance. Et surtout, vous n'avez aucune espèce de visibilité sur la manière dont les choses vont évoluer, notamment sur le plan fiscal. Résultat, vous faites quoi ? Vous attendez. Et quand vous attendez, il y a d'autres entreprises qui attendent vos commandes qui ne les ont pas. Il y a des salariés qui attendent d'être embauchés, qui ne le seront pas, et ainsi de suite. Et vous rentrez malheureusement dans une forme de cercle vicieux. Et c'est d'autant plus dommage que, quand vous regardez les fondamentaux de l'économie aujourd'hui, on ne devrait pas être dans une situation catastrophique. Les prix de l'énergie ont diminué, les taux d'intérêt ont diminué, l'inflation est revenue sous contrôle. On a des investissements colossaux à réaliser dans l'intelligence artificielle, dans la transition écologique, dans la construction de logements, il n'y en a pas assez. Donc on devrait être en boom économique. Malheureusement, on va bien voir de quel côté tombe la pièce, si c'est du bon ou du mauvais.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.