Open d'Australie : cinq questions sur l'exemption médicale accordée à Novak Djokovic
Le numéro 1 mondial serbe a pu prendre la direction de l'Australie mardi grâce à une exemption médicale.
Rarement une photo prise sur un tarmac n'aura autant fait réagir le monde de la balle jaune. Novak Djokovic a annoncé, mardi 4 janvier, avoir obtenu une exemption médicale pour pouvoir rentrer sur le territoire australien, et ainsi défendre son titre à l'Open d'Australie de tennis (17 janvier – 30 janvier). L'information, confirmée par l'organisation du tournoi, n'a pas tardé à faire réagir, tant dans le microcosme sportif qu'en Australie, où le Covid-19 sévit toujours. Cette décision, pourtant à l'apparence ferme et définitive, est loin d'avoir mis fin à tous les débats. Le visa du joueur lui a finalement été annulé mercredi, après 36 heures d'un feuilleton qui n'est pas encore tout à fait terminé. Djokovic a déposé un recours en justice contre les autorités australiennes a-t-on appris jeudi.
Que sait-on du statut vaccinal de Novak Djokovic ?
Le numéro 1 mondial n'a jamais clairement énoncé son statut vaccinal, et s'est même fait l'une des voix les plus audibles contre la vaccination au sein du circuit. Le Serbe a toujours exprimé ses réticences au vaccin contre le Covid-19, encore plus si celui-ci devenait la condition sine qua non pour pouvoir disputer des tournois. "Sur le sujet de la vaccination, je pense que tout le monde devrait être libre de prendre la décision de se faire vacciner ou non, clamait-il en marge du tournoi de Belgrade en avril dernier. J'espère que ça ne deviendra pas obligatoire. Tout le monde devrait être libre de le faire ou non et chacun doit respecter ce choix."
Cette position a longtemps jeté le trouble sur sa participation à l'Open d'Australie, alors que le directeur du tournoi, Craig Tiley, confirmait le 20 novembre dernier que les personnes présentes sur le site de Melbourne devaient être vaccinées, suivant les directives de l'Etat de Victoria. Le père du joueur lui-même, habitué aux déclarations tapageuses - avait laissé entendre le 28 novembre dernier que "Nole" pourrait ne pas faire le déplacement.
Quelles contraintes pour rentrer en Australie ?
Depuis le 15 décembre dernier, l'étau pour entrer sur le sol australien s'est un peu desserré. Il est désormais possible d'entrer dans les frontières de l'Etat, en fonction de son type de visa, sans obtenir de dérogation, pour peu que l'on puisse apporter la preuve de son schéma vaccinal complet. Pour les exceptions à cette règle, il faut faire une demande auprès des Home Affairs, le Ministère australien de l'immigration et de la citoyenneté, et respecter des critères précis pour bénéficier de cette exemption. Qu'a donc rempli Novak Djokovic, dont le dossier a fait l'objet d'un "processus d'examen rigoureux impliquant deux panels indépendants d'experts médicaux", selon l'Open d'Australie ?
Here’s a statement from the #AusOpen which confirms that Djokovic got a medical exemption. pic.twitter.com/WPDGmrzuJR
— Ben Rothenberg (@BenRothenberg) January 4, 2022
Le joueur remplirait donc un des critères suivants, fixés par le Groupe technique australien sur la vaccination (ATAGI) :
• avoir été victime d'une maladie cardiaque inflammatoire lors des trois derniers mois
• avoir été victime d'un problème médical grave (comme une opération, ou une admission à l'hôpital pour un problème sérieux)
• avoir eu des effets secondaires physiques sérieux à la suite d'une précédente dose de vaccin
• être en mesure de justifier que l'on présente un risque pour soi ou pour les autres durant le procédé de vaccination
• avoir été contaminé par le Covid-19 (avec un test PCR comme confirmation) dans les six mois précédents la demande
Novak Djokovic n'a jusqu'à présent jamais indiqué rentrer dans ces cas, et est couvert par le secret médical. Il a par ailleurs pu prendre part aux grands rendez-vous de la deuxième partie de saison 2021, des JO en août, jusqu'à la Coupe Davis terminée le 5 décembre dernier. Depuis, Djokovic a notamment été vu dans les gradins pour un match d'Euroligue de basket, entre son club de cœur l'Etoile Rouge de Belgrade, et le FC Barcelone, le 14 décembre dernier. Il y était apparu, sans masque, en compagnie de plusieurs joueurs, dont le Barcelonnais Nigel Hayes-Davis, déclaré positif au Covid-19 trois jours plus tard.
Cette exemption n'a finalement pas trouvé grâce auprès de l'Etat australien. Mercredi soir, le ministre de la Santé Greg Hunt a annoncé que le visa de Novak Djokovic lui était finalement retiré, faute d'avoir fourni "les preuves appropriées" pour entrer sur le territoire de l'île.
Est-ce que d'autres joueurs ont obtenu le même traitement ?
Les autorités australiennes et les dirigeants du tennis australien l'ont martelé ces dernières semaines, aucun passe-droit ne serait accordé sans raisons médicales justifiées. Craig Tiley le rappelait le 22 décembre, seul un "petit pourcentage" de personnes non vaccinées allait pouvoir bénéficier d'exemptions. Le directeur de l'Open d'Australie assurait qu'aucun joueur n'était alors concerné. La situation a changé depuis.
Invité à réagir sur l'autorisation dont bénéficie Novak Djokovic, Tiley a donné davantage de précisions sur la situation. 26 personnes, joueurs et membres de staff, ont fait la demande, alors que le tournoi devrait impliquer plus de 3000 personnes. Seul "quelques-unes" de ces demandes ont été reçues positivement. Craig Tiley a par ailleurs rappelé que ces dossiers étaient anonymes, balayant l'hypothèse d'un traitement de faveur accordé au n°1 mondial. Plusieurs joueurs ne souhaitant pas être vaccinés, comme le Français Pierre-Hugues Herbert, ont préféré ne pas effectuer de demande, estimant ne pas remplir les critères. Les dossiers devaient être déposés avant le 10 décembre dernier, excluant ainsi l'hypothèse d'exemptions de dernière minute.
Novak Djokovic est-il assuré de participer au tournoi ?
Le Serbe a pu prendre l'avion pour se rendre en Australie. Mais la partie n'est peut-être pas terminée pour autant. Cette exemption ne privera pas Novak Djokovic du respect des mesures sanitaires sur place : test Covid à la descente de l'avion, puis un autre dans les 5 à 7 jours, port du masque en intérieur… S'il est bien autorisé à pouvoir rester sur le sol australien.
Craig Tiley a appelé le joueur à donner les raisons de sa dérogation médicale et "apprécierait certaines réponses" de la part du Serbe. La ministre de l'intérieur Karen Andrews, responsable du programme d'entrée sur le territoire australien Home Affairs, s'est fendue d'un communiqué pour rappeler que le gouvernement fédéral du pays pouvait surpasser les décisions des Etats, ou encore de Tennis Australia. "La police australienne aux frontières continuera à s'assurer que ceux qui arrivent à nos frontières sont en conformité avec nos règlements stricts" a-t-elle insisté.
Comments by Australian Home Affairs Minister Karen Andrews suggest that the federal government could overturn Djokovic’s exemption to enter Australia. pic.twitter.com/G355p25aVz
— Eryk Bagshaw (@ErykBagshaw) January 5, 2022
Le premier ministre australien Scott Morrison est allé encore plus loin, déclarant que Djokovic "retournera chez lui par le premier avion" si les preuves de son exemption sont "insuffisantes".
D'autant qu'il semblerait qu'en plus, le tennisman des Balkans soit confronté à un problème administratif. Le staff du numéro un mondial n'aurait pas demandé le bon type de visa pour entrer sur le territoire australien, obligeant le service de protection des frontières à faire une demande en urgence pour le corriger. La requête a été refusée par l'Etat de Victoria, qui a expliqué par la voix de Jaala Pulford, membre du gouvernement victorien, ne pas être en charge de ces prérogatives. La femme politique du parti travailliste fait partie de l'opposition au gouvernement conservateur de Scott Morrison. Pulford a ainsi rejeté la responsabilité de l'approbation du visa de Novak Djokovic à l'état fédéral d'Australie. La polémique Djoko est devenue un enjeu politique national.
Update on #AusOpen2022…
— Jaala Pulford MP (@JaalaPulford) January 5, 2022
The Federal Government has asked if we will support Novak Djokovic’s visa application to enter Australia.
We will not be providing Novak Djokovic with individual visa application support to participate in the 2022 Australian Open Grand Slam.
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Pourquoi cette décision fait tant polémique ?
L'incendie est loin d'être terminé, et il a de quoi être encore attisé quelque temps. Par sa prise de position contre le vaccin, Novak Djokovic s'était déjà attiré les foudres de certains commentateurs et d'autres visages forts du circuit. L'ATP assurait que 95 des 100 meilleurs joueurs du monde étaient vaccinés et milite pour que ce nombre grandisse encore. Aux yeux du grand public, l'image déjà contrastée du joueur de 34 ans ne plaide pas non plus en sa faveur. L'opacité qui règne pour le moment, et à laquelle les organisateurs sont tenus en raison du secret médical, ne fait qu'ajouter du doute au mystère entourant cette décision des autorités australiennes.
Sur place, l'annonce a au moins fait l'unanimité. La presse locale fait sa Une pour exprimer son incompréhension, voire son indignation, alors que la population de l'Etat de Victoria reste soumise à un protocole très strict et a connu plus de 260 jours de confinement pour endiguer la propagation du Covid-19. Le Courrier Mail titre "You must be Djoking", un jeu de mot sur la phrase "Tu plaisantes" et le patronyme du Djoker, transformé en "No-vax" Djokovic.
In Wednesday's @couriermail, fury as @DjokerNole to compete at @AustralianOpen with exemption + National Cabinet plan amid #COVID19 chaos pic.twitter.com/TGXTBv9ch7
— The Courier-Mail (@couriermail) January 4, 2022
L'ancien tennisman australien Sam Groth, aujourd'hui consultant, a lui qualifié cette dérogation de "crachat dans la face de tout habitant de l'Etat de Victoria et de tout Australien" dans une tribune publiée dans le Harald Sun.
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