Cinq révélations au cœur du scandale des prothèses PIP
Un gel toxique, des recrutements fantasques, des victimes dans le monde entier... Retour sur les découvertes marquantes de l'affaire.
Un gel industriel, des recrutements fantasques, des victimes innombrables à travers le monde... Les révélations se sont multipliées depuis le début de l'affaire des implants mammaires frauduleux de la marque Poly Implant Prothèse (PIP), en mars 2010. Trois ans plus tard, un premier procès, pour "tromperie aggravée" et "escroquerie", s'ouvre devant le tribunal correctionnel de Marseille (Bouches-du-Rhône), mercredi 17 avril. L'occasion pour francetv info de revenir sur les cinq révélations qui ont fait de cette affaire un scandale.
1Du silicone pour carburants dans les prothèses
Ouverte en mars 2010, l'enquête préliminaire du parquet de Marseille met au jour une fraude : la société PIP utilisait du silicone industriel à usage non médical. Dans la liste des ingrédients des prothèses, du Baysilone, une huile de silicone utilisée entre autres comme additif pour carburants, du Silopren ou encore du Rhodorsil, qui servent dans l'industrie du caoutchouc.
"PIP savait qu'il n'était pas en conformité, mais ce n'était pas un produit nocif", plaide Yves Haddad, l'avocat de Jean-Claude Mas, fondateur de la société PIP, sur le banc des prévenus à partir de mercredi. "Le caractère irritant, cela concerne tous les gels de silicone", assure-t-il.
Le plus important distributeur de produits chimiques au monde, l'allemand Brenntag, confirme, par la suite, avoir procuré du silicone industriel à PIP. Ce silicone s'appelle bien Baysilone et est normalement utilisé pour sceller des matériaux de construction ou dans la composition d'équipements électroniques, selon Brenntag. "C'est un silicone qu'on va retrouver dans des produits de lubrification, de chauffage, de climatisation, dans des isolants électriques. Mais en aucun cas pour un usage médical", renchérit Bluestar Silicones, un producteur lyonnais de silicone.
2Deux cas mortels
"En dix mois, même pas, ça l'a emportée." Le 21 novembre 2011, Edwige Ligoneche meurt à 53 ans. Elle avait développé un lymphome, une forme rare de tumeur, à l’endroit même de son implant mammaire de marque PIP. Sa sœur et son frère ont raconté aux caméras de France 2 les souffrances qu'elle a endurées.
Moins de trois semaines après la mort d'Edwige Ligoneche, nouveau rebondissement. Le 8 décembre 2011, une information judiciaire est ouverte à Marseille, après la mort d'une porteuse de prothèses PIP des suites d'un cancer du sein, survenue en 2010, dans le Gers. C'est la mère de la victime qui a déposé plainte. Ce volet sanitaire pour "blessures et homicides involontaires", différent du volet tromperie et du premier procès qui s'ouvre mercredi, est instruit par la juge Annaïck Le Goff. A ce stade, il inclut 320 victimes reconnues, qui ont porté plainte après divers problèmes de santé.
Au total, 64 cas de cancer du sein chez des femmes porteuses de prothèses PIP ont été déclarés à l'Agence des produits de santé, l'Afssaps (devenue aujourd'hui l'ANSM), d'après un bilan établi fin décembre 2012. Mais selon l'agence, qui cite les avis formulés par l'Institut national du cancer et les experts de la Commission européenne, ces tumeurs déclarées ne sont pas reliées aux caractéristiques des prothèses PIP.
3Des centres anticancéreux fournis en prothèses PIP
Une grande majorité de centres anticancéreux, dont les plus prestigieux, ont utilisé des prothèses PIP pour les reconstructions mammaires de patientes : c'est ce que révèle Le Figaro, le 4 janvier 2012. PIP commercialisait une prothèse asymétrique particulièrement appréciée en chirurgie reconstructrice, précise le quotidien.
"PIP a, pendant plusieurs années, été retenu pour approvisionner les trois centres anticancéreux publics de Paris et sa banlieue", indique alors un chirurgien plasticien au Figaro. Un autre praticien déclare au quotidien que "les prix bas pratiqués par PIP ont sans doute joué dans ce choix".
4Des employés soudeur, esthéticienne ou pâtissier
Autre information du Figaro : les qualifications des salariés de PIP n'ont rien à voir avec leur travail. Le 13 février 2012, le quotidien publie le contenu des procès-verbaux d'audition, réalisés dans le cadre de l'enquête préliminaire sur le volet "tromperie". Un soudeur raconte comment il est devenu directeur du directoire de l'entreprise, un pâtissier assistant de production, une esthéticienne trésorière, ou encore un cuisinier technicien, puis contrôleur qualité.
Le récit de cet homme est d'ailleurs le plus édifiant. "J'ai obtenu un CAP de cuisinier en 1980. J'ai travaillé dans le milieu de la restauration (...) et dans une maison de retraite. Lorsque je travaillais à la maison de retraite (...), la maman de la compagne de monsieur Mas y travaillait également. Nous avions sympathisé et monsieur Mas m'a proposé un poste au laboratoire", confie-t-il.
"Cette 'cooptation' apparaît dans les différents témoignages comme un élément clé du recrutement des salariés de PIP", relève Europe 1.fr.
Ainsi, un salarié de 62 ans, qui "a travaillé pour les chantiers de La Seyne-sur-Mer en tant que soudeur, charpentier de fer pendant douze ans", explique : "Monsieur M. [qui travaillait à la production chez PIP] est le frère de madame Lucciardi [l'ancienne compagne de Jean-Claude Mas] qui est la cousine de mon épouse. C'est comme ça que je suis rentré dans cette société."
5Des milliers de femmes concernées dans le monde entier
Le scandale se caractérise aussi par son ampleur. Allemagne, Italie, Suisse, Autriche, Royaume-Uni, Brésil, Venezuela... Plus de 300 000 femmes seraient porteuses de prothèses PIP dans le monde entier. La société française, fondée en 1991, destinait 80% de sa production à l'export. Les gouvernements étrangers ont réagi. Comme en France, certains ont recommandé le retrait des prothèses PIP par précaution. Un peu partout dans le monde, les porteuses de ces prothèses défectueuses ont créé des associations et ont porté plainte contre PIP. Mais certaines n'ont pas pu le faire, à l'instar de cette Britannique, qui s'est confiée le 6 janvier 2012 au correspondant de France 2 à Londres.
Pour le premier procès qui s'ouvre mercredi, le parquet de Marseille a reçu 5 127 plaintes, dont 220 plaintes étrangères, principalement argentines et autrichiennes.
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