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Vidéo "Le secret de la confession est supérieur aux lois de la République", dit Mgr Eric de Moulins-Beaufort : sa phrase remise dans son contexte

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Article rédigé par franceinfo
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Avec #Contexte, franceinfo remet en situation la phrase polémique de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France.

Séance d'explication attendue mardi 12 octobre après-midi place Beauvau. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, en charge des cultes, a "invité" le président de la Conférence des évêques de France après ses propos controversés sur le secret de la confession. "La confession s'impose à nous, et en ce sens là elle est plus forte que les lois de la République". C'est ce qu'avait déclaré Mgr Eric de Moulins-Beaufort mercredi 6 octobre sur franceinfo, en réponse à une question sur la légitimité du secret de la confession après les conclusions accablantes du rapport Sauvé sur la pédocriminalité dans l'Eglise.

Difficile pour le ministre de l'Intérieur, initiateur d'une loi contre le séparatisme, de laisser passer de tels propos. "La loi de la République s'impose aux Églises"a-t-il déjà rappelé. Eric de Moulins-Beaufort, lui, est "honteux, meurtri d'avoir déclenché une telle polémique", assure son entourage. L'archevêque de Reims va donc sans doute répéter ce qu'il a déjà tenté de rectifier par communiqué. Selon lui, pas nécessaire d'opposer le secret de la confession aux lois de la République, car la République "respecte" ce secret. Ce qui est vrai, à une exception près : il y a une "impérieuse obligation" de "mettre un terme" aux faits de pédocriminalité toujours en cours, a précisé le ministre de la Justice. Au-delà de ce secret de la confession, le président de la Conférence des évêques de France sera aussi questionné sur les suites à donner au rapport Sauvé. "Au regard du nombre de victimes, cela ne peut rester sans réponse", prévient la place Beauvau.

Voici, remis dans leur contexte, les propos de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, interviewé par les journalistes Salhia Brakhlia et Marc Fauvelle, mercredi 6 octobre, sur franceinfo.

Salhia Brakhlia : Est ce que vous considérez encore que la confession doit rester secrète, dans ces cas précis de pédocriminalité ?

Mgr Eric de Moulins-Beaufort : La confession doit rester secrète et le secret de la confession restera parce que ça ouvre un espace de parole libre. 

Salhia Brakhlia : Même pour ces sujets-là ?

Il faut que nous regardions de très près la recommandation de la Ciase [Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église], qui est assez précise, assez subtile, assez nuancée.

Marc Fauvelle : C'est à dire que la confession n'obéit pas aux lois françaises ? Normalement, il y a une obligation. Si je vous dis à ce micro que j'ai été victime ou témoin de quelque chose, vous avez le devoir d'aller voir un policier ou un gendarme. Ce que vous dites, c'est que le secret de la confession aujourd'hui est plus fort que les lois de la République ?

En tout cas, la confession s'impose à nous.

Marc Fauvelle : Elle est plus forte que les lois de la République ?

En ce sens là, elle est plus forte que les lois de la République. Maintenant, il faut que nous voyions parce que [le secret de la confession] ouvre un espace de parole libre qui se fait devant Dieu. J'ai eu l'occasion d'exposer ça l'année dernière devant une commission sénatoriale qui a très bien compris de quoi il s'agissait et très bien vu la différence entre le moment de la confession et le moment de la confidence. Et la commission sénatoriale a très bien fait la différence entre ce qui est en jeu dans la confession et ce qui peut être en jeu dans toute relation professionnelle.

Maintenant, il est certain que nous devons trouver les moyens, si un enfant... Il y a deux cas. Il y a le cas du pédophile qui viendrait se confesser. Comme c'est secret, on ne sait pas s'il y en a qui le font et il est vraisemblable qu'il n'y en a pas beaucoup, ou qui le font de manière très euphémisée. Donc c'est difficile...

Marc Fauvelle : Dans ce cas là, on le laisse repartir tranquillement à la maison ?

C'est un vrai souci. Hitchcock en a fait tout un film qui s'appelle La Loi du silence. Et donc là encore, il faut certainement que nous soyons plus précis, plus fermes, sur le fait que les violences sexuelles ne sont pas un problème de chasteté. C'est un problème d'atteinte à la vie. C'est un problème de crime, de meurtre, symboliquement au moins. Et il est très important de le voir, donc il faut que les confesseurs soient bien conscients de cela.

Et puis d'autre part, il peut y avoir le cas d'un enfant qui dit quelque chose, qui laisse entendre ou qui fait comprendre qu'il est lui-même victime. Donc il faut que nous trouvions le moyen de permettre à cet enfant de parler autrement. Mais beaucoup d'enfants ne parlent en confession que parce que c'est la confession, que parce qu'ils savent que c'est secret. S'ils découvrent que nous utilisons ce qu'ils nous disent pour aller faire du mal à leurs parents, dans la psychologie des enfants, c'est un problème. Parce que souvent, les enfants ne veulent pas que l'on touche à leurs parents. C'est déjà un premier pas pour eux de pouvoir parler en confession. Donc il faut que nous apprenions, à partir de cette parole, pour rendre possible une autre parole. Ça me paraît beaucoup plus important et ce sera porteur de meilleurs fruits. 

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