Chômage, terrorisme, transparence, écologie... franceinfo dresse le bilan du quinquennat de François Hollande
Du chômage au terrorisme en passant par l'écologie, franceinfo fait le bilan du quinquennat de François Hollande jugé mauvais président par 70% des Français selon un sondage paru jeudi.
Le 7 mai 2017, il ne sera plus le locataire de l'Elysée. François Hollande élu en mai 2012 va terminer son mandat avec une cote de popularité particulièrement basse. Selon un sondage Odoxa pour franceinfo, 70 % des Français estiment que c'est "un mauvais président". Que retiendra-t-on objectivement de son quiquennat ? franceinfo fait le bilan.
Chômage : la promesse de l'inversion de la courbe
Quand François Hollande est entré à l'Élysée en mai 2012, la France comptait 2,92 millions de chômeurs sans aucune activité (catégorie A). Presque cinq ans plus tard, selon les dernières statistisques, il y avait à la fin du mois de février 3,46 millions de chômeurs sans aucune activité dans l'Hexagone.
540 000 de chômeurs de plus. Au 31 janvier, selon le ministère du Travail, il y avait 540 000 personnes sans emploi de plus qu'au début du mandat du chef de l'Etat. Pourtant, le 9 septembre 2012 sur le plateau de TF1, François Hollande y croyait : "L'agenda que je propose c'est : tout est engagé, tout est décidé d'ici la fin de l'année pour que ce soit mis en oeuvre dans l'année 2013 et que nous puissions avoir des résultats pour ce que j'appelle l'agenda du redressement en 2014".
Je pense que nous devons inverser la courbe du chômage d'ici un an
François Hollande9 septembre 2012
François Hollande n'a donc pas réussi son pari, ni un an ni quatre ans plus tard.
Résultats mitigés de sa politique de l'offre
Aides financières pour les entreprises. Pendant son quinquennat, François Hollande avait aussi fait le pari de baisses de cotisations patronales massives et de réductions fiscales pour les entreprises : 41 milliards d'euros au total par an, en rythme de croisière. Il a baptisé cette politique le Pacte de responsabilité, avec comme pierre angulaire le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). En échange de ces efforts budgétaires, le chef de l'État attendait des contreparties, non négociables.
Ces contreparties devront être claires, précises, mesurables et donc vérifiables
François Hollande14 janvier 2014
Mais il n' y a pas eu de contreparties de la part du patronat, le Medef n'a jamais cédé sur le moindre chiffre ou le moindre objectif. Les entreprises ont, certes, restauré leurs marges mais pas suffisamment pour créer massivement des emplois. Le gouvernement espérait que 500 000 emplois seraient créés en un an. Ce sera finalement cinq fois moins, selon France Stratégie dans un récent rapport. Insuffisant donc pour inverser la fameuse courbe en cinq ans.
Concernant l'assouplissement du droit du travail, rendu possible par la loi El Khomri, François Hollande n'en a pas récolté les fruits. Et l'un des premiers référendums sur le temps de travail dans une entreprise, chez RTE, s'est soldé par un échec.
L'échec n'est pas total
La France crée des emplois. 190 000 emplois ont été créés en 2016, selon l'Insee. C'est la meilleure performance depuis près de 10 ans. Et l'Insee compte sur la création de 100 000 emplois au premier semestre 2017. Il s'agit, en partie, du résultat de la politique de François Hollande, notamment grâce à la prime embauche PME créée en janvier 2016 : un coup de pouce pour les entreprises de moins de 250 salariés qui embauchent en CDI.
Augmentation du chômage des jeunes. Les effets de la politique de François Hollande sont donc décalés dans le temps et non satisfaisants pour les populations ciblées par les emplois aidés, surtout les jeunes. Ils sont ainsi 17 800 chômeurs de plus âgés de moins de 25 ans sans aucune activité en cinq ans. Mais les effets des emplois d'avenir sont réels, veut croire le ministère du Travail, entre 300 000 et 400 000 jeunes en ont bénéficié chaque année. Preuve de leur utilité : 58% des jeunes avaient encore un emploi, trois ans après le début de leur contrat. C'est un taux d'insertion jamais atteint avec aucun autre emploi aidé.
Les autres mesures mises en place par François Hollande en faveur des populations les plus éloignées de l'emploi : chômeurs de longue durée avec le plan 500 000 formations ou jeunes sans aucune qualification avec la garantie jeunes, sont difficilement quantifiables pour l'instant.
Transparence : la promesse d'une "République exemplaire"
Pour remporter la présidentielle face à Nicolas Sarkozy, François Hollande a mis l'accent sur la probité, comme en atteste sa fameuse anaphore du moi président, pendant le débat de l'entre-deux tour : "Moi, président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit à chaque instant exemplaire.
Moi président de la République, il y aura un code de déontologie pour les ministres
François Hollande2 mai 2012
Jérôme Cahuzac : la première affaire. Ces promesses de campagne vont très vite rattraper François Hollande puisque sept mois après sa victoire, en décembre 2012, l'affaire Cahuzac éclate. La défense du ministre délégué chargé du Budget, chantre de la rigueur, vire à l'entêtement et au mensonge. Jérôme Cahuzac, jour après jour, s'enfonce et répète à l'envie dans tous les studios de radio et sur tous les plateaux de télévision : "Je n'ai pas, et je n'ai jamais eu un compte à l'étranger".
Finalement, Jérôme Cahuzac finit par avouer, il est même condamné en première instance à trois ans de prison ferme. L'appel est toujours en court. Cette affaire oblige François Hollande à accélèrer sur ses réformes : il met en place un parquet national financier (PNF) et une Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Les résultats sont quasi-immédiats.
Multiplication des affaires. Le 31 mars 2014, la ministre déléguée à la francophonie Yamina Benguigui, soupçonnée d’avoir menti sur sa déclaration de patrimoine, n’est pas reprise dans le gouvernement de Manuel Valls remanié après les élections municipales. Le 4 septembre 2014, neuf jours seulement après sa nomination, le secrétaire d’Etat au commerce extérieur Thomas Thévenoud démissionne du gouvernement à cause de sa fameuse phobie administrative. Une enquête finalement classée sans suite vise également le conseiller du président Aquilino Morelle, un temps soupçonné de conflits d'intérêt.
Les affaires se multiplient donc, mais c'est le paradoxe, elles sont révélées par les outils mis en place durant le quinquennat, ce qui fait dire à François Hollande dans le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme Un Président ne devrait pas dire ça : "L'affaire Cahuzac c'est la preuve d'une République exemplaire. La justice a enquêté sans pression, il a été écarté du gouvernement, et on a fait une loi sur la transparence".
L’écotaxe : retour sur l’un des plus gros gachis du quinquennat
Le revirement sur l’écotaxe reste en travers de la gorge des écologistes comme un rendez-vous manqué pour une fiscalité écologique appliquée à la route. C'est aussi un gâchis financier avec une lourde amende à payer puisque l’État a repris sa parole.
Un gâchis industriel et social. Ce sont les mots employés par la Cour des comptes dans son rapport, en février dernier, à propos de l’écotaxe. Pour les Sages, le gouvernement a manqué d’anticipation et ses atermoiements face à la pression des Bonnets rouges a finalement mis fin à un principe pourtant voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale en 2008, lors du Grenelle de l’environnement.
Les écologistes sont les plus déçus parce qu’ils voyaient enfin dans cette écotaxe le respect du principe "pollueur/payeur" pour les camions qui empruntent les routes nationales ou départementales entretenues par l’État et les collectivités. L’écotaxe devait aussi financer des projets de transports en commun dans les collectivités. Au moment où l’écotaxe est suspendue, 117 projets de tramways, de bus se retrouvent privés d’une partie de leur financement. Finalement, le gouvernement prendra dans l’augmentation du gazole les ressources nécessaires pour aider les collectivités. Mais il lui reste une grosse épine dans le pied.
Écomouv'. La société chargée de percevoir cette écotaxe a recruté jusqu’à 200 salariés installés à Metz pour la plupart. En suspendant le principe de la taxe poids lourd, le gouvernement rompt le contrat avec la société et s’engage à lui rembourser presqu’un milliard d’euros. Les salariés d’Écomouv', les contribuables, les automobilistes, les écologistes... tout le monde se sent floué. Les Bonnets rouges et les agriculteurs bretons qui avaient manifesté contre l’écotaxe sont rassurés. Dans sa réponse à la Cour des comptes, en février dernier, le gouvernement conteste l’analyse des Sages et estime qu'il n'a pas cédé à la pression mais mis fin à un choix bancal fait par la mandature précédente.
Le terrorisme, une menace désormais quotidienne
Quand il était encore candidat, François Hollande n’imaginait pas qu’il serait contraint, en tant que chef d’Etat, à gérer un pays qui réapprend à vivre avec la menace terroriste au quotidien. Celle d’une France frappée sur son propre sol par des attentats de masse perpétrés par des étrangers mais aussi et surtout par des Français.
En 2012, dans ses 60 engagements pour la France, le candidat Hollande ne cite d’ailleurs le mot "terrorisme" qu’une seule fois. Et encore c’est pour évoquer la menace extérieure. La lutte anti-terroriste n’était pas une priorité de son quinquennat. Hollande croit au retrait des forces françaises en Afghanistan, il croit à la diplomatie internationale, à l’efficacité des services de renseignement français pour étouffer dans l’oeuf le "terrorisme intérieur". Mais, comme toute la classe politique française (et on peut y inclure les spécialistes et les médias), il n’a pas vu venir la guerre en Syrie et cette vague de départs sans précédent de jeunes djihadistes français.
Avant les premiers attentats, pour lutter contre le terrorisme, François Hollande a acté la création avec Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, d’une direction générale du renseignement, la DGSI. Il a, par ailleurs, fait voter la loi anti-terroriste pour interdire du territoire les suspects candidats au djihad et créer le "délit d’entreprise terroriste individuelle". La loi avait aussi pour objectif de tenter de prévenir les départs vers la Syrie et la radicalisation des jeunes Français. Ce qui n'a pas vraiment fonctionné. Avant les attentats de 2015, 1 550 femmes, hommes et adolescents sont partis rejoindre Daech.
L'attentat de Charlie Hebdo, un tournant
En janvier 2015, les attentats de Charlie Hebdo et de l’hyper Casher ont obligé François Hollande a assumer le tournant sécuritaire. Celui qui ne voulait pas de nouvelles lois antiterroristes, devient le président qui renforcera le plus l’arsenal législatif contre le terrorisme. François Hollande fait alors adopter en urgence la loi sur le renseignement qui autorise les services à utiliser tous azimuts algorithmes, logiciels espions et aspirateurs de données pour empêcher les attentats qui se préparent souvent sur Internet.
En novembre 2015, après les attentats du 13-Novembre, François Hollande endosse quasiment des habits de chef de guerre. Dans une allocution, juste après la tuerie, de l'Elysée, il annonce : "C'est une horreur, nous devons faire preuve de compassion et de solidarité. Mais nous devons faire preuve également d'unité et de sang-froid." Et il ajoute : "Face à la terreur, la France doit être forte". "Etre forte", c’est décréter l’état d’urgence et rétablir un moment le contrôle aux frontières, fermer des lieux de cultes mais aussi expulser les étrangers supectés de terrorisme. Mais François Hollande va plus loin. Devant le Congrès, il dit vouloir inscrire la déchéance de nationalité pour les terroristes dans la Constitution. "Nous devons pouvoir déchoir un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou ou un acte terroriste, même s'il est né Français" lance François Hollande, devant les parlementaires. C’est le premier vrai faux pas du chef de l'Etat dans la lutte anti-terroriste. La déchéance provoque un violent débat à gauche et le président finit par reculer. Le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation est abandonné. Beaucoup le jugeait de toute façon inefficace.
Reste qu'une bonne partie des dispositions de l'état d'urgence sont désormais inscrites dans la loi. Dans la lutte anti-terroriste, François Hollande a fait le job, occupé la fonction. Mais il restera aussi le président qui aura autorisé plus de contrôle et une limitation de leurs libertés pour davantage de sécurité.
Hollande, chef de guerre ?
Considéré comme le président le plus guerrier de la Ve République, François Hollande n’avait pourtant jamais manifesté d’intérêt particulier pour les questions militaires. Le Corrézien enfilera ce costume de chef de guerre dès le début de son mandat et ne le quittera plus, engageant la France sur neuf théâtres d'opération différents, bien plus qu'aucun président français ne l'a jamais fait auparavant.
En quelques heures, l’opération Serval est déployée
Après les attentats, la légitime défense ? François Hollande veut surtout frapper là où se préparent les attentats. C’est, dit-il, de la légitime défense. En janvier 2013, poussé par son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian décide, en quelques heures seulement, de lancer l'opération Serval contre les jihadistes du nord-Mali. C'est son premier acte fort. Et un succès militaire. Le chef de l'État a ces mots surprenants lors d'un déplacement à Tombouctou : "Je vis la journée la plus importante de ma vie politique." François Hollande prend conscience que l’étranger peut lui apporter une certaine stature au moment où sur le plan intérieur, sa côte de popularité vacille.
Quatre ans plus tard, le bilan est mitigé. Des attaques sporadiques continuent de viser les forces de l'ONU ou les soldats maliens. En décembre 2013, deuxième intervention d'envergure cette-fois ci en Centrafrique. Jusqu'à 2 500 soldats français s'interposent entre chrétiens et musulmans. Aujourd'hui, la force Sangaris s'est retirée, le pays vit dans un calme extrêmement précaire mais le chef de l'État estime que la France a rempli sa mission.
Hollande conserve une rancœur à l’égard d’Obama
Lâché par les Américains. Sur la lutte contre Daech, en Syrie et en Irak, le grand échec de François Hollande c'est d'avoir été lâché par les Américains en 2013 quand Bachar al-Assad utilise pour la première fois des armes chimiques contre la population et franchit la ligne rouge posée par la communauté internationale.
François Hollande veut intervenir contre Damas, mais au dernier moment Barack Obama recule. Le chef de l'État en gardera une rancune tenace… "Tout serait différent aujourd'hui, dit-il, si à l'époque j'avais été suivi." En septembre 2014, il ordonne les premiers bombardements aériens français en Irak puis en Syrie contre l'État islamique, cette fois. Après les États-Unis, la France est le pays le plus actif au sein de la coalition internationale. Tous les moyens sont mobilisés : près de 40 000 soldats sont engagés sur les opérations extérieures. Les hommes et le matériel sont en surchauffe, mais le chef de l'État assume : "Les succès militaires sont là, dit-il, et Daech recule."
Échec sur le plan diplomatique
Sur le dossier syrien, la France s'isole. Sur le plan diplomatique, François Hollande n’a pourtant pas réussi à imposer son point de vue. Longtemps, le départ de Bachar al-Assad a été l’unique mot d'ordre de la politique étrangère de la France qui s'est retrouvée isolée, certains lui reprochant une position trop rigoriste. Paris a dû évoluer et se caler, sans vraiment le crier haut et fort, dans les pas des Américains qui, eux, privilégient la lutte contre le terrorisme jihadiste. Et n’étaient pas hostiles à des discussions avec le chef de Damas. En tout cas jusqu’au 4 avril 2017, après l'attaque au gaz menée à Khan Cheikhoun, un village de la province d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, contrôlée par les rebelles. Aujourd’hui, le processus de paix s'est complètement enlisé, l'entrée en jeu de la Russie qui soutient Damas complique encore plus la donne. Mais sur ce point, la France est aussi impuissante que ses alliés occidentaux…
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