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Cinq questions sur la vente de carburants à prix coûtant dans plus de 4 000 stations annoncée par le gouvernement

D'ici la fin de l'année, plus de 4 000 stations devraient mettre en application cette mesure, imposant aux distributeurs de rogner sur leurs marges.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une station-service à Auch (Gers), le 27 septembre 2023. (JEAN-MARC BARRERE / HANS LUCAS / AFP)

Le gouvernement a fini par obtenir un geste de la part des distributeurs de carburants face à la flambée des prix. Après avoir boudé la vente à perte, proposée par l'exécutif, ces derniers ont été réunis, mardi 26 septembre, par Elisabeth Borne, aux côtés des opérateurs pétroliers et des fédérations représentatives. A l'issue de cette réunion à Matignon, les grandes enseignes "se sont engagées à faire des opérations à prix coûtant" pour soutenir le pouvoir d'achat des Français. Franceinfo revient en cinq questions sur cette annonce.

1 Pourquoi cette mesure a-t-elle été prise ?

Le gouvernement souhaitait agir alors que les prix affichés à la pompe ont continué de grimper ces derniers mois. Elisabeth Borne a rappelé mercredi que le prix du baril était passé à "plus de 90 dollars [environ 85,5 euros] aujourd'hui contre 73 dollars [environ 69,4 euros] fin juin". Désirant aider "les Français à faire face à l'inflation", l'exécutif a plaidé pour que les acteurs de la filière "se mobilisent et prennent leur juste part" – c'est-à-dire rognent sur leurs bénéfices pour alléger la facture des automobilistes.

Elisabeth Borne avait initialement incité les distributeurs à vendre à perte leur carburant, mais cette mesure avait été largement boudée par les entreprises concernées. L'idée a finalement été enterrée par Emmanuel Macron, qui a appelé les protagonistes du secteur, lors de son intervention dimanche sur France 2 et TF1, à vendre le carburant "à prix coûtant", donc sans faire de profit. 

Des enseignes comme Système U, Intermarché ou Leclerc avaient déjà mis en place cette mesure lors certains week-ends. Invité de franceinfo mercredi, Michel-Edouard Leclerc, président du groupe E.Leclerc a assuré que cette initiative ne lui avait pas été imposée par "les pouvoirs publics". " Nous l'avons proposée à Mme Borne", a-t-il promis. 

2Quelles enseignes vont l'appliquer et comment ?

Elisabeth Borne s'est félicitée mardi que "près de 120 000 opérations à prix coûtant" au total allaient être menées "dans 4 000 stations jusqu'à la fin de l'année". Mais la mesure va être différemment appliquée par les représentants de la grande distribution. Elle entrera ainsi en vigueur "tous les jours" à partir de vendredi dans les 750 stations du groupe E.Leclerc et ce, "jusqu'à la Saint-Sylvestre", a déclaré sur franceinfo Michel-Edouard Leclerc. Cette opération s'appliquera de la même manière dans "tous [les] hypermarchés" Carrefour, a fait savoir le groupe

D'autres distributeurs ont opté pour des mesures plus ponctuelles : les enseignes Cora et Intermarché vendront leur carburant à prix coûtant durant deux week-ends par mois. Même chose pour le groupe Casino, qui avait annoncé avant la réunion avec le gouvernement mettre en place cette opération chaque week-end jusqu'au 22 octobre.

Dans les stations des groupes Auchan et Système U, l'opération prix coûtant aura lieu un week-end par mois. Le coup d'envoi est prévu "le premier week-end de chaque mois, à partir du 6 octobre prochain", a détaillé Dominique Schelcher, PDG de Système U, invité sur RTL mercredi. Ce dernier a précisé que son groupe allait "prendre le contre-pied de cette opération" en proposant une réduction "tous les 15 jours" de "presque 10% sur l'ensemble du magasin", "dès le 20 octobre", à condition toutefois de posséder de la carte de fidélité de l'enseigne.

De son côté, Total Energies, qui gère le tiers des stations-service françaises, a annoncé le maintien du plafonnement de son prix à 1,99 euro le litre d'essence et de gazole, rendu possible par "la bonne santé globale de [la] compagnie".

3Quelles réductions espérer à la pompe ?

Cette opération à prix coutant ne devrait aboutir à une réduction que de "quelques centimes" dans les stations qui l'appliqueront, car la grande distribution vend déjà son carburant avec une faible marge. Les représentants de la filière estiment que la mesure du gouvernement représentera une économie pour les automobilistes "entre deux et six centimes par litre", soit "un ou deux euros par plein", a jugé Michel-Edouard Leclerc. Le président des centres E.Leclerc a assuré que de "tels écarts" feraient se déplacer "le public"

Le patron de Système U a de son côté évoqué "un petit impact" provoqué par cette mesure à la pompe, son groupe dégageant des marges de "2 centimes en moyenne au litre". "Faire du prix coûtant chez nous ne va pas être spectaculaire puisqu'on est déjà à prix bas toute l'année", a insisté Dominique Schelcher, qui table sur une réduction d'environ un euro par plein. Pour plus de lisibilité, le gouvernement renvoie vers le site prix-carburants.gouv.fr où, garantit Matignon, ces opérations à prix coûtant seront répertoriées "en temps réel"

4Combien cette opération va-t-elle coûter aux distributeurs ?

Renoncer aux profits sur les pleins de carburant " est un vrai effort", a assuré Michel-Edouard Leclerc au micro de franceinfo. "Le carburant, c'est 10 milliards de chiffre d'affaires. Quand on bouge les centimes, ça fait exploser les compteurs", a développé le PDG du groupe E.Leclerc. 

Ce poids lourd de la grande distribution a par ailleurs appelé les raffineurs à s'impliquer davantage, notamment pour soutenir les stations indépendantes. Ces dernières ne dépendent pas des grands distributeurs français, concernés par ce dispositif, mais plutôt d'opérateurs étrangers comme Esso ou BP, qui vont eux continuer à vendre au prix du marché, donc plus cher.

"L'écart va se creuser" entre les 2 400 petites stations présentes sur le territoire et les grands groupes, en termes de prix et d'attractivité, prévient Francis Pousse, président de Mobilians, l'organisation patronale chargée de défendre les intérêts des entreprises de la distribution et des services de l’automobile en France. Egalement membre de ce syndicat professionnel, Sébastien Petitpas, propriétaire d'une station-service à Luisant (Eure-et-Loire) a dit au micro de France Bleu craindre d'assister à des "dépôts des bilans" ainsi qu'à la mise "au chômage" de personnel.

5 Comment l'application de cette mesure sera-t-elle contrôlée ?

Depuis plusieurs semaines, le gouvernement appelle les raffineurs à une plus grande transparence sur les prix, dans le but de mieux évaluer leur évolution ces derniers mois. A l'issue de la réunion avec les acteurs de la filière, Elisabeth Borne a appelé à ce que "toute la transparence soit faite sur les coûts et les marges" de toutes les entreprises.

A ce titre, la Première ministre a annoncé charger l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable de réaliser une mission sur la formation et la transparence des prix des carburants. Les coûts du raffinage, de transports, de distribution ainsi que les montants des marges nettes de toutes les entreprises devront être décortiqués.

Le gouvernement en attend les résultats d'ici au mois de décembre. C'est également à cette échéance que la Première ministre a donné un nouveau rendez-vous aux participants convoqués à la réunion de mardi, afin de se pencher à nouveau, collectivement, sur la situation à la pompe à ce moment-là. 

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