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Législatives : Emmanuel Macron a-t-il raison d'affirmer qu'"aucun parti ne peut imposer un nom" pour le poste de Premier ministre ?

Jean-Luc Mélenchon affirme qu'il sera Premier ministre en cas de victoire de la Nupes aux élections législatives. Selon la Constitution, le président est libre de choisir, mais il doit tenir compte de la majorité à l'Assemblée nationale pour éviter les blocages.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron à l'Elysée, le 3 juin 2022. (MAXPPP)

Le troisième homme de la présidentielle en a fait un slogan de campagne : "Mélenchon Premier ministre". Comme si une éventuelle victoire de son mouvement, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), lors des élections législatives des 12 et 19 juin, obligeait Emmanuel Macron a le nommer à Matignon. Le président de la République lui a répondu, sans le nommer, dans une interview à la presse régionale, vendredi 3 juin : "Le président choisit la personne qu'il nomme Premier ministre en regardant le Parlement. Aucun parti politique ne peut imposer un nom au président."

Alors que dit le droit ? "La Constitution est claire sur ce point : son article 8 dit que le Président de la République nomme le Premier ministre", rappelle Michel Verpeaux, professeur émérite à l'école de droit de la Sorbonne. "Aucune condition ne lui est imposée dans le texte." Emmanuel Macron peut donc nommer qui il veut, quelle que soit la composition de l'Assemblée nationale.

Le chef de la majorité parlementaire privilégié

Dans les faits, ce n'est pas si simple. La couleur politique de l'hémicycle de l'Assemblée conditionne la décision. Si celui-ci ne convient pas à une majorité de députés, ils peuvent renverser le gouvernement en refusant de lui accorder leur confiance ou en votant une motion de censure, comme le prévoit l'article 49 de la Constitution. Un groupe qui obtient une majorité absolue ne peut pas imposer de candidat, mais il a le pouvoir d'éliminer un Premier ministre qui ne lui plairait pas.

En cas de blocage, le président dispose d'une dernière carte : la dissolution de l'Assemblée nationale. Celle-ci lui permet d'appeler de nouvelles élections législatives dans l'espoir d'obtenir une majorité plus favorable. "Le risque serait d'avoir un résultat encore pire pour le président, parce que les électeurs seraient lassés d'élections à répétition par exemple", explique Michel Verpeaux. Le chef de l'Etat ne peut d'ailleurs pas dissoudre l'Assemblée nationale plus d'une fois dans l'année, selon la Constitution. Dans l'hypothèse d'une nouvelle défaite, il se retrouverait coincé.

C'est pourquoi, durant les cohabitations qui ont émaillé l'histoire politique française, le président a toujours choisi le chef de la majorité parlementaire pour occuper Matignon. "Lors de la première cohabitation en 1986, plusieurs scénarios étaient évoqués, mais le président François Mitterrand a finalement choisi de désigner Jacques Chirac, qui s'imposait comme leader de la droite", raconte Michel Verpeaux. "En 1997, la question ne s'était même pas posée : Jacques Chirac était obligé de faire de Lionel Jospin son Premier ministre car il apparaissait toujours comme le meneur de la gauche, qu'il avait menée à la présidentielle de 1995 et qui avait obtenu la majorité au Parlement."

Qui pour représenter la majorité ?

Le chef de l'Etat est-il pour autant obligé de nommer la personne qui mène l'opposition, en cas de victoire de celle-ci ? "Le président doit s'adapter à la tendance politique de la majorité, mais il garde la liberté de désigner quelqu'un d'autre au sein de ce groupe, ou une personne qui serait à la charnière de la majorité parlementaire et de la sienne", explique Michel Verpeaux. Par exemple, lors de la deuxième cohabitation en 1993, "François Mitterrand a choisi Edouard Balladur comme Premier ministre, alors que Jacques Chirac était toujours leader de la droite. Mais c'est sans doute parce que ce dernier n'avait pas voulu retenter l'expérience", replace le constitutionnaliste.

En revanche, "en cas de victoire de la Nupes, ce scénario est un peu difficile à imaginer", ajoute-t-il. "On ne voit pas bien qui pourrait rassembler la Nupes et la majorité présidentielle", selon le spécialiste. Dans le programme partagé par la coalition des partis de gauche, Jean-Luc Mélenchon écrit clairement que l'objectif de l'accord est de "former un gouvernement dont [il sera] le Premier ministre." 

Interrogé sur le scénario d'une nomination de Mathilde Panot, cheffe de file des députés LFI à l'Assemblée, sur le plateau de franceinfo vendredi 3 juin, Jean-Luc Mélenchon a rejeté "de la fiction" et déclaré que "quand on est démocrate (...), on nomme la personne qui est proposée par la coalition majoritaire."

Un compromis possible ?

Toujours dans l'hypothèse d'une victoire de la Nupes, le président pourrait aussi tenter d'"éprouver" la coalition en nommant une personne "acceptable pour les socialistes, les écologistes et LREM", explique dans Le Figaro Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Paris-Panthéon-Assas. "Le PS et EELV ne sont tenus qu'à un accord moral avec la France insoumise", juge l'enseignant.

Reste une dernière hypothèse : celle où ni le parti présidentiel, ni la Nupes n'obtiennent la majorité absolue. Michel Verpeaux explique que, dans ce cas, Emmanuel Macron peut tenter de former une coalition avec d'autres groupes parlementaires, notamment Les Républicains.

Jean-Luc Mélenchon a commenté ces possibilités avec ironie dès le lendemain de l'interview d'Emmanuel Macron, lors de son discours à Villeurbanne. "Formellement, c'est vrai. Ce n'est pas marqué dans la Constitution 'le président doit nommer Mélenchon'. Mais ça ne serait pas raisonnable de faire autrement", a-t-il balayé.

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