Résultats des élections régionales et départementales : quels enseignements peut-on tirer du scrutin, à un an de la présidentielle ?
La droite a montré qu'il faudrait compter avec elle l'an prochain, tandis que l'abstention pourrait de nouveau faire parler d'elle. Mais attention à ne pas tirer trop de conclusions hâtives, préviennent les experts interrogés par franceinfo.
Abstention record, maintien de la droite et de la gauche, extrême droite moins haute qu'annoncé... Les élections régionales et départementales, dont le premier tour s'est tenu dimanche 20 juin, rebattent-elles les cartes en vue de l'élection présidentielle de 2022 ? Si les premiers résultats rappellent que le match entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen n'est pas écrit d'avance, il faut prendre garde à ne pas calquer les enjeux d'un scrutin sur un autre, soulignent des spécialistes auprès de franceinfo.
Une abstention record... qui ne devrait pas être aussi forte en 2022
Le premier tour des scrutins départementaux et régionaux a été marqué par une abstention record (un peu plus de 66%). La présidentielle connaîtra-t-elle le même sort ? "C'est un indicateur d'une tendance qui est plutôt haussière pour l'abstention, mais ça ne sera pas forcément un tsunami comme hier soir, car les gens se sentent plus concernés par l'élection présidentielle que par les élections locales", assure à franceinfo Pierre Bréchon, chercheur en sociologie politique et professeur émérite à Sciences Po Grenoble.
"L'abstention n'est pas du tout un désintérêt pour la politique, mais un désintérêt pour les institutions régionales et départementales", avance de son côté le politologue Stéphane Rozès. Elle est, selon lui, liée au fait "que les réformes territoriales n'ont pas fait des institutions départementales et régionales des institutions politiques perçues comme des lieux souverains de décision, mais (...) au mieux comme des lieux de décisions administratives qui dépendent du national". Selon lui, l'élection présidentielle verra en revanche "les électeurs se précipiter aux urnes au même niveau qu'en 2017". Au premier tour, l'abstention n'était ainsi "que" de 22,23% selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
"La première leçon de cette élection est la très forte abstention, qui peut sans doute s'expliquer par le contexte sanitaire et les compétences mal connues des régions", mais la dynamique d'une élection présidentielle n'a rien à voir avec ce scrutin, abonde un proche d'Emmanuel Macron, cité par l'AFP.
Il faudra compter sur la droite, mais rien n'est gagné pour 2022
Au lendemain du premier tour, la carte des régionales s'affiche en bleu (droite) et rose (gauche). "Depuis 2017, il y a une espèce d'éclatement du système partisan au niveau national, mais au niveau local, le système résiste, il ne connaît pas le 'nouveau monde'", analyse le chercheur Pierre Bréchon. Figures de la droite et présidents sortants de leur région, Xavier Bertrand (Hauts-de-France), Laurent Wauquiez en (Auvergne-Rhônes-Alpes) et Valérie Pécresse (Ile-de-France) arrivent même nettement en tête dans leur fief. Ces scores pourraient leur servir de tremplin pour 2022.
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Pour autant, rien n'est gagné pour la droite l'an prochain. "Ce n'est pas parce que ces trois leaders ont fait de très bons scores [dimanche] que Les Républicains arriveront à s'entendre sur le nom d'un candidat, souligne Pierre Bréchon. Par ailleurs, il y avait dans les scrutins locaux une prime aux sortants : ils ne seront pas dans la même position en 2022."
"Dans les questions intermédiaires locales, la question de l'ancrage local tenu par les partis et le personnel politique pèse. Ce n'est pas le cas pour l'élection présidentielle. Ce qui y pèse, c'est le projet, la vision", remarque aussi Stéphane Rozès. Ce dernier évoque l'exemple d'Emmanuel Macron en 2017 : "Un candidat qui n'avait aucun soutien partisan et était inconnu quatre ans auparavant l'a emporté." "La seule chose que l'on puisse dire, c'est que symboliquement, Xavier Bertrand sort gagnant de son pari politico-médiatique", ajoute l'expert. L'ancien ministre de Nicolas Sarkozy avait conditionné sa candidature à la présidentielle à une victoire dans les Hauts-de-France, région qu'il préside depuis 2015.
Un second tour Macron-Le Pen n'est pas nécessairement remis en cause
Le faible score des candidats soutenant le chef de l'Etat, ainsi que la résistance de la gauche et de la droite, doivent-ils laisser penser que le second tour annoncé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen n'aura pas lieu en 2022 ? Les scores des ministres aux scrutins locaux (qui s'en sont bien sortis aux départementales mais mal aux régionales) constituent "une gifle pour Emmanuel Macron et l'exécutif", analyse auprès de l'AFP l'expert en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet, pour qui la stratégie de "détruire la droite traditionnelle pour installer un duel Macron-Le Pen en 2022 est un échec".
Le président, qui s'était tenu soigneusement à l'écart d'un scrutin qui s'annonçait d'avance très difficile pour ses troupes, peut en revanche se satisfaire de la déconfiture des candidats du Rassemblement national, son principal rival dans les sondages. Quoique loin devant LREM, ils ne remportent que 19% des suffrages au plan national, bien moins qu'attendu. "La perspective d'un duel Macron-Le Pen en 2022, auquel les électeurs sont massivement opposés, s'éloigne, avec trois phénomènes qui se conjuguent : rejet historique de la classe politique, absence de poussée massive en faveur du RN et maintien de la droite traditionnelle", estime Philippe Moreau-Chevrolet.
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Il existe des limites à l'expansion du RN, qui "reste perçu comme un parti extrême", rappelle Brice Teinturier, directeur général délégué de l'institut de sondage Ipsos. Pour autant, samedi encore, "on [les médias] voyait Marine Le Pen au plus haut, aujourd'hui, on fait comme si elle n'existait plus : dans les deux cas, on exagère. La présidentielle est un autre scrutin, avec d'autres conséquences", met en garde le sondeur.
A un an de l'élection, tout peut encore changer
Tous les experts interrogés par franceinfo soulignent qu'il faut se garder de tirer trop de leçons des régionales et des départementales. A un an du scrutin, "l'expérience a montré que les choses peuvent bouger", rappelle François Miquet-Marty, le président de l'institut de sondage Viavoice. "On est loin de l'élection, donc il peut encore se passer plein de choses. Une inconnue est notamment de savoir si la droite aura un candidat crédible ou pas ?", avance également le chercheur Pierre Bréchon.
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