Guerre au Proche-Orient : à quoi pourrait ressembler la riposte israélienne après l'attaque de missiles menée par l'Iran ?

Article rédigé par Raphaël Godet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, lors d'une allocution, le 1er octobre 2024, après les tirs de missiles par l'Iran. (CHINE NOUVELLE/SIPA / SIPA)
Après le lancement de missiles balistiques sur le territoire israélien mardi soir, Benyamin Nétanyahou a promis d'en faire "payer le prix" à l'Iran. Reste à savoir quand, avec qui et comment.

Quelques-uns des 200 missiles balistiques iraniens survolaient encore le ciel noir d'Israël, dans la soirée du mardi 1er octobre, quand Benyamin Nétanyahou brandissait déjà la menace. En attaquant son pays pour la deuxième fois en près de six mois, "l'Iran a commis une grave erreur, et il va payer pour cela", a déclaré le Premier ministre israélien. D'un ton martial, il a ensuite ajouté : "Nous nous en tiendrons à ce que nous avons fixé : celui qui nous attaque, nous l'attaquons." Franceinfo fait le point sur la réponse possible de l'Etat hébreu.

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Une riposte "sans attendre" ou "par surprise" ?

Dans une allocution diffusée mercredi matin sur X, le porte-parole de l'armée israélienne s'est bien gardé de donner le moindre indice sur le calendrier de la riposte. "Nous répondrons quand, où et comme nous le déciderons", s'est contenté de dire Daniel Hagari.

Des déflagrations dans le ciel de Jérusalem (Israël) après les missiles tirés par l'Iran, le 1er octobre 2024. (CHINE NOUVELLE/SIPA / SIPA)

Spécialiste des questions de sécurité au Moyen-Orient, Shir Mor estime que "ce n'est qu'une question de jours, voire d'heures". Ancien officier du renseignement militaire de l'armée israélienne, Raphaël Jerusalmy dégage deux options : une riposte "rapide, sans attendre" ou une riposte "par surprise, dans quelques jours". Mi-avril, dans ce qui était considéré comme la première attaque militaire directe de Téhéran sur le territoire israélien depuis la révolution islamique de 1979, il s'était passé cinq jours entre l'envoi de plus de 300 missiles et drones iraniens et la réponse de Tsahal par les airs. 

Dans la pratique, relève Ahron Bregman, chercheur au King's College de Londres, "Israël frappe souvent lorsque le fer est chaud." Le spécialiste des services secrets israéliens était "donc surpris de constater ce [mercredi] matin que les avions n'avaient pas encore décollé".

Le chercheur va même plus loin : "Je décèle une certaine hésitation du côté israélien. Je suis sûr qu'il y a une pression massive sur Nétanyahou, en particulier de la part de Washington et du gouvernement français, pour qu'il n'en fasse pas trop afin de ne pas déclencher une guerre régionale." C'est que, cette fois encore, "la réponse dépend aussi de Washington, confirme Raphaël Jerusalmy. La question qui est posée aux Etats-Unis est la suivante : veulent-ils participer ? Veulent-ils au minimum assister Israël ? Ou veulent-ils laisser faire Israël ?".

Les installations pétrolières et nucléaires, cibles privilégiées ?

Israël le sait : une riposte musclée sur le sol iranien pourrait entraîner des conséquences bien plus dévastatrices. Mais ne pas réagir du tout, ou trop mollement, pourrait également affaiblir la dissuasion. Ce qui rendrait Israël et d'autres pays plus vulnérables à de futures attaques iraniennes. Avant de décider de sa réponse, Israël doit également prendre en compte les intérêts de ses partenaires arabes, comme la Jordanie, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. "Peu importe à quel point les pays de la région peuvent détester le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, ils détestent encore plus le gouvernement iranien", analyse Steven Cook, analyste du Moyen-Orient au Council on Foreign Relations, dans les colonnes du Wall Street Journal. 

Israël pourrait donc décider de viser en priorité les infrastructures stratégiques iraniennes, à commencer par les ports qui sont des cibles tactiques en raison des activités commerciales et militaires qui s'y tiennent. Les installations pétrolières et les centrales électriques pourraient également être ciblées, continue Ahron Bregman. Ce type de frappes comporterait plusieurs avantages : "Elles seront très visibles, auront un impact psychologique et renforceront la dissuasion d'Israël au Moyen-Orient."

A la liste des cibles potentielles, le spécialiste ajoute les infrastuctures nucléaires. "Si Israël ne peut pas détruire seul les installations nucléaires iraniennes, cela peut causer des dégâts considérables", assure-t-il. C'est ce qu'exige l'ex-Premier ministre israélien Naftali Bennett. "Nous devons agir maintenant pour détruire le programme nucléaire de l'Iran, ses principales installations énergétiques et paralyser à jamais ce régime terroriste", exhorte l'ancien dirigeant sur X.

Pour y parvenir, Israël pourrait opter pour "une attaque militaire traditionnelle" ou "une cyberattaque plus proche de celle utilisée contre les bipeurs et les talkies-walkies du Hezbollah en ajoutant des explosifs aux appareils", a détaillé Malcolm Davis, analyste en stratégie de défense, sur CNN. Si la République islamique d'Iran nie vouloir se doter de la bombe, son programme nucléaire ne cesse de monter en puissance.  

Des hauts dirigeants du régime islamique ciblés ?

Les Gardiens de la Révolution expliquent avoir "visé le cœur" d'Israël, mardi soir, pour venger l'élimination de plusieurs hauts responsables du Hezbollah (dont Hassan Nasrallah), mais aussi du Hamas (dont Ismaïl Haniyeh). De la même manière qu'il a procédé au Liban, Israël pourrait une nouvelle fois envisager de cibler plusieurs cadres du régime islamique. "L'élimination des principaux dirigeants en guise de représailles est en effet une option viable", confirme Shir Mor, spécialiste de l'Iran à l'International Team for the Study of Security (ITSS) Verona. 

"Les récentes prises de parole du Premier ministre Nétanyahou suggèrent que des assassinats ciblés des dirigeants de la République islamique sont une réelle possibilité."

La chercheuse Shir Mor

à franceinfo

On l'a vu au Liban, "Israël a rétabli ses opérations de meurtres ciblés qui n'avaient pas été actives depuis des années." "Du bas en haut de la hiérarchie, beaucoup de Gardiens de la Révolution sont depuis longtemps sur une liste", insiste Raphaël Jerusalmy. Ahron Bregman est, lui, plus mesuré : "Toutes les options sont sur la table. Mais un tel acte, l'assassinat de dirigeants iraniens, garantirait une forte réaction iranienne qui pourrait conduire à une guerre totale. Mais qui sait ?"

L'ayatollah Ali Khamenei, guide suprême iranien, le 2 octobre 2024, lors d'une pise de parole à Téhéran. (IRANIAN SUPREME LEADER'S OFFICE / SIPA)

L'ayatollah Ali Khamenei, qui promet régulièrement le pire châtiment à Israël, sait que son nom est tout en haut de la liste des cibles du Mossad, les services de renseignements israéliens. Selon des responsables régionaux informés par Téhéran, le guide suprême iranien aurait d'ailleurs récemment été transféré dans un lieu sécurisé à l'intérieur du pays, avec des mesures de sécurité renforcées.

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