Offensive en Syrie : on fait le point sur une semaine de conflit entre les rebelles et le régime de Bachar al-Assad
La Syrie replonge dans la guerre civile. Dans une offensive éclair déclenchée il y a une semaine, les rebelles, dominés par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham, se sont emparés d'Alep, la deuxième ville de Syrie. Mardi 3 décembre, les groupes armés opposés à Bachar al-Assad sont arrivés "aux portes" de la grande ville de Hama, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG qui dispose d'un large réseau de sources dans le pays.
L'armée syrienne s'est livrée à des "confrontations violentes", a confirmé l'agence de presse officielle syrienne Sana, tandis que la Russie, alliée du régime, tente de freiner l'avancée des rebelles avec ses frappes aériennes. Les combats et les bombardements – qui ont fait 602 morts en une semaine dont 104 civils, selon l'OSDH – sont les premiers de cette ampleur depuis 2020 en Syrie. Franceinfo fait le point sur la situation dans ce pays morcelé par la guerre civile.
Les rebelles continuent de progresser
Depuis le mercredi 27 novembre, l'offensive des rebelles syriens bouleverse l'équilibre fragile du nord-ouest du pays. Après la prise fulgurante d'Alep dimanche 1er décembre, l'armée syrienne s'est engagée dans des "combats féroces" avec des groupes armés aux portes de Hama, la quatrième ville de Syrie et bastion de l'opposition du régime pendant le printemps arabe en 2011, selon une source militaire citée par l'agence de presse officielle Sana. "Nous progressons vers Hama", a assuré un combattant rebelle à l'AFP. Cette percée menace une route stratégique reliant Alep aux grandes villes du centre du pays et aux ports côtiers de Lattaquié et Tartous, rapporte le Guardian.
La riposte de l'armée syrienne, appuyée par l'aviation russe, n'a pas permis d'endiguer l'avancée des groupes armés opposés à Bachar al-Assad. D'après l'Observatoire syrien des droits de l'homme, plusieurs localités, dont Maardis et Souran, sont également tombées aux mains des rebelles. Des images de l'AFP ont montré des rebelles brandissant leurs armes patrouiller à bord de pick-up. A Halfaya, une localité voisine, des rebelles tiraient au lance-roquettes. D'autres, à mobylette, faisaient le V de la victoire en passant près des chars abandonnés par le régime.
Le conflit a fait plus de 600 morts
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a affirmé avoir recensé "de nombreuses victimes civiles, dont un grand nombre de femmes et d'enfants". Dans ce pays meurtri par la guerre civile, les décès n'avaient pas été aussi importants depuis 2020, rapporte l'AFP. D'après l'Observatoire syrien des droits de l'homme, les combats et bombardements dans le nord-ouest du pays ont fait 602 morts depuis le mercredi 27 novembre. Ce chiffre de l'ONG comprend 104 civils, 299 rebelles et 199 soldats et combattants progouvernementaux.
A Idleb, bombardée par des avions syriens et russes en riposte à l'offensive, des images de l'AFP ont montré des secouristes fouillant les décombres d'immeubles rasés. "Je ne peux décrire (...) la terreur que nous avons ressentie", a confié un habitant à l'AFP. A Alep, les hôpitaux encore en service peinent à répondre à l'afflux de blessés, a affirmé l'Organisation mondiale de la santé. D'autres infrastructures, telles que les écoles et les marchés, ont été lourdement endommagées par les combats.
Plus de 70 000 Syriens ont été déplacés
A Souran, à une vingtaine de kilomètres au nord de Hama, des images de l'AFP ont montré des civils fuyant, entassés dans des camions et des remorques. Plus de 70 000 personnes ont été contraintes de fuir à Idleb et dans la ville d'Alep, a rapporté l'ONU mardi 3 décembre. Un nombre en forte augmentation par rapport aux près de 50 000 déplacés recensés le 30 novembre. Parmi eux, selon les Nations unies, plus de la moitié des déplacés étaient des enfants.
Accentuée par les combats aux abords de Hama, d'après l'OSDH, cette "importante vague de déplacements" a forcé des milliers de civils à abandonner leurs maisons pour chercher refuge dans l'est du pays. A Tal Rifaat, des dizaines de milliers de Kurdes ont notamment dû quitter leurs terres, sous la menace des rebelles appuyés par la Turquie. Leurs camionnettes ou motos surchargées de matelas et couvertures formaient une longue file sur l'autoroute menant d'Alep à Raqqa, selon l'AFP.
D'après l'ONU, "l'accès à l'aide humanitaire et les déplacements des civils sont de plus en plus perturbés" en raison de l'intensification des combats. Les opérations humanitaires de l'ONU et de ses partenaires ont dû être "largement suspendues" dans certaines zones d'Alep, d'Idleb et de Hama, selon Stéphane Dujarric, porte-parole d'Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies. L'accès aux entrepôts où l'aide humanitaire est stockée est parfois impossible, ce qui a provoqué "de graves perturbations pour l'accès de la population à une aide vitale".
A Alep, la deuxième ville du pays, des files se sont ainsi formées devant des associations pour recevoir du pain alors que les boulangeries et commerces d'alimentation sont fermés, selon le Norwegian Refugee Council (NRC). L'organisation a aussi relevé que réseau de distribution d'eau avait été endommagé par les combats. D'après le porte-parole onusien, la Syrie vit déjà l'une des pires crises humanitaires au monde, avec 16,7 millions de personnes ayant besoin d'aide.
La situation géopolitique est très compliquée
La Syrie est devenue un champ de bataille par procuration entre la Russie et l'Iran, principaux soutiens du régime de Bachar al-Assad, et les Etats-Unis et la Turquie, cette dernière se plaçant du côté des groupes rebelles pour lutter contre ses ennemis kurdes. Elle semble d'ailleurs avoir joué un rôle dans la percée des rebelles. "L'alliance a été coordonnée par Ankara, qui a organisé plusieurs réunions entre les différentes factions", assure notamment Adel Bakawan, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Lors d'un échange avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, Vladimir Poutine a affirmé qu'il souhaitait une fin "rapide" à cette offensive rebelle. Le régime syrien a lui promis de "vaincre les terroristes (...) avec l'aide de ses alliés". Mais ni l'Iran ni la Russie ne semblent en mesure de s'engager pleinement dans le conflit : Moscou est absorbé par la guerre en Ukraine et Téhéran s'est dit prêt à "étudier" tout envoi de troupes en Syrie si le pays en faisait la demande.
De leur côté, les Etats-Unis accompagnés du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne ont publié lundi 2 décembre une déclaration commune appelant à "une désescalade de la part de toutes les parties et à la protection des civils et des infrastructures pour empêcher de nouveaux déplacements et des perturbations de l'accès humanitaire". Lors d'un appel avec son homologue iranien Massoud Pezeshkian lundi 1er décembre, le président syrien Bachar al-Assad a accusé les pays occidentaux d'être responsables de l'offensive, affirmant qu'ils tentaient de "redessiner la carte de la région".
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