Législatives 2024 : IVG, cancer du sein, violences conjugales... Comment le RN a-t-il voté sur les textes en lien avec les droits des femmes jusqu'ici ?

Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a assuré lundi vouloir s'adresser "à toutes les femmes de France", dans une vidéo postée sur ses réseaux, à moins de deux semaines des législatives. Franceinfo a passé au crible les votes de ses élus à l'Assemblée depuis 2022.
Article rédigé par Clara Lainé
France Télévisions
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Jordan Bardella et Marine Le Pen au siège du Rassemblement national, à Paris, le 12 janvier 2024. (MARC CHARUEL / AFP)

"Je serai le Premier ministre qui garantira à chaque fille et à chaque femme de France ses droits et ses libertés." Cette déclaration de Jordan Bardella, diffusée lundi 17 juin sur X, n'a pas manqué de faire réagir. A moins de deux semaines du premier tour des élections législatives, le président du Rassemblement national (RN) assure que ses députés "se battent au quotidien pour obtenir des avancées" en matière d'égalité entre les hommes et les femmes.

Des "mensonges", selon le candidat Renaissance Pierre Cazeneuve, qui a fustigé un "pseudo-discours féministe" sur son compte X. "Bardella ment", a renchéri la sénatrice PS Laurence Rossignol, dans un tweet posté une heure plus tard. Alors, quel est le réel positionnement du parti d'extrême droite en matière de droits des femmes sur cette dernière législature ? Franceinfo a décrypté les votes des députés RN au sein de l'hémicycle depuis 2022.

 Sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution

L'introduction dans la Constitution de "la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse" (IVG) a été l'un des textes clés de la législature. Or, si une courte majorité des députés RN ont voté en faveur du texte en mars dernier lors du Congrès de Versailles, le parti n'en demeure pas moins le plus divisé de l'Assemblée nationale sur cette réforme constitutionnelle. "Vous êtes le groupe parlementaire qui a le moins approuvé l'inscription de l'IVG", a notamment cinglé la ministre Aurore Bergé dans une vidéo postée sur X en réponse à Jordan Bardella. Dans le détail, 46 députés RN ont voté pour, 11 ont voté contre et 20 se sont abstenus. Les trois sénateurs RN avaient, quant à eux, approuvé la réforme.

Sur X, Jordan Bardella n'a pas fait état des membres de son groupe qui jugeaient ces débats inutiles, à l'instar de Sébastien Chenu, qui considérait sur LCI en février dernier que le droit à l'avortement n'était "pas menacé en France". Le président du RN a préféré se concentrer sur le fait que "Marine Le Pen a soutenu" cette mesure, omettant de préciser son opposition à l'allongement du délai d'accès à l'IVG. L'ancienne candidate à la présidentielle s'était d'abord exprimée sur X en octobre 2020, puis dans les rangs de l'Assemblée nationale en février 2022. Alors que l'allongement du délai de douze à quatorze semaines de grossesse était à l'étude, les élus RN avaient déposé un amendement contre le texte, qui a malgré tout été adopté.

 Sur le renforcement de l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique

Un an et demi après la loi dite "Rixain", qui impose la nomination d'au moins 40% de femmes aux postes de direction des grandes entreprises, la fonction publique s'est dotée à son tour en juillet 2023 de nouvelles obligations légales. La loi "visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique" a été largement adoptée à l'Assemblée nationale. Seul le groupe RN s'y est opposé, avançant un risque de manque d'équité "offensant pour les femmes". "Il n’est rien de plus injurieux pour une femme que d’être traitée en quota", a notamment argumenté Marie-France Lorho (RN), comme le rapporte LCP.

Le texte, promulgué depuis au Journal officiel, porte également à 50%, contre 40% actuellement, le taux de personnes de chaque sexe devant être nommées sur un premier emploi supérieur ou de direction. Un index de l'égalité professionnelle dans le secteur public, avec publication obligatoire, est par ailleurs instauré, depuis 2023 pour la fonction publique d'Etat et depuis 2024 dans les hôpitaux et les collectivités. Des sanctions financières sont prévues, mais seulement en cas de non-publication du nombre d'hommes et de femmes nommés, à partir de 2026.

Sur une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales et intrafamiliales

Parmi les arguments mobilisés par Jordan Bardella pour défendre le bilan de son parti en matière de droits des femmes, il y a celui du vote en faveur de "l’augmentation de places d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences". Ce texte, porté par la sénatrice centriste du Nord, Valérie Létard, est censé permettre aux victimes de quitter leur domicile pour se mettre à l'abri. Il a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée. Les 120 députés présents dans l'hémicycle, parmi lesquels 44 du groupe RN, ont ainsi voté en faveur de cette aide financière d'urgence, conditionnée à une ordonnance de protection, un dépôt de plainte ou un signalement adressé au procureur de la République.

Initialement, le groupe RN prévoyait de l'inscrire dans sa journée réservée dans l'hémicycle, à l'occasion de sa niche parlementaire de janvier 2023. Mais la conférence des présidents de l'Assemblée, qui réunit la présidente de l'Assemblée, les chefs de file des groupes politiques et des commissions notamment, avait décidé de débattre de ce sujet transpartisan lors d'une "semaine de l'Assemblée". Après sa promulgation au Journal officiel, l'aide, de 240 euros à plus de 1 330 euros selon les cas, est généralisée depuis le 1er décembre 2023.

Sur l’accompagnement des femmes victimes de fausse couche

Adopté à l'Assemblée en mars 2023, le texte met en place à compter de septembre 2024, sous l'égide de chaque Agence régionale de santé (ARS), un "parcours fausse couche qui associe des professionnels médicaux et psychologues hospitaliers et libéraux", afin que les femmes et leurs partenaires soient informés et orientés de manière systématique. La proposition de loi permet aussi aux sages-femmes, et plus seulement aux médecins, d'adresser directement leurs patientes ayant subi une fausse couche et leurs partenaires à un psychologue agréé par l'assurance-maladie.

Le RN a voté pour, mais s'est opposé à la mise en place d'un "congé spécial" de trois jours, défendu sans succès à gauche. L'amendement suggérait de laisser aux femmes le choix entre ce congé et un arrêt maladie. Quelques voix de la majorité ont été dans leur sens, mais pas celles des députés RN. Au Sénat non plus, cet "outil de plus" n'a pas été retenu.

Sur la prise en charge intégrale des soins liés au cancer du sein

Les députés ont adopté fin mai en première lecture une proposition de loi communiste pour une prise en charge intégrale des soins liés au cancer du sein. L'objectif du texte ? Rembourser "l'ensemble des soins", y compris dits "de support". Cela comporte aussi bien les prothèses capillaires de toutes catégories que le renouvellement des prothèses mammaires.

Si le RN a voté en sa faveur, il a toutefois aussi apporté son soutien à un amendement déposé par le groupe présidentiel Renaissance, qui exclut du remboursement les dépassements d'honoraires, mentionnés dans le texte initial. Cette proposition "revient à faire un appel d'air sans précédent qui pourrait encourager de nombreux professionnels de santé à quitter le secteur 1 pour le secteur 2, ou bien à se déconventionner", a notamment argumenté l'élue RN Angélique Ranc, aujourd'hui candidate dans l'Aube, comme le rapporte LCP

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