La trêve olympique terminée, Emmanuel Macron va-t-il nommer un Premier ministre en plein mois d'août ?

Article rédigé par Fabien Jannic-Cherbonnel
France Télévisions
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Le président Emmanuel Macron (au centre), entouré (de gauche à droite sur la photo) du Premier ministre, Gabriel Attal, de la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, et de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, le 12 août 2024 à l'Elysée à Paris. (BENOIT TESSIER / AFP)
Le président de la République ne s'est toujours pas prononcé sur le successeur de Gabriel Attal à Matignon. Les JO passés, la gauche entend remettre la pression, espérant encore obtenir la nomination de Lucie Castets.

L'unanimité ne dure jamais bien longtemps en politique. Il ne s'est écoulé que quelques heures après la cérémonie de clôture des JO de Paris, dimanche 11 août, pour voir la "trêve olympique" décrétée par Emmanuel Macron voler en éclats. Plus d'un mois après le second tour des élections législatives du 7 juillet, le président de la République n'a toujours pas nommé de nouveau Premier ministre. Durement sanctionnés dans les urnes, les députés macronistes ne sont plus que le deuxième groupe de l'Assemblée nationale, derrière les 193 élus du Nouveau Front populaire (NFP).

L'hypothèse Lucie Castets, désignée le 23 juillet comme candidate de la coalition de la gauche pour Matignon, a été immédiatement balayée par le chef de l'Etat avant les Jeux. Désormais parti en vacances au fort de Brégançon (Var), Emmanuel Macron poursuit les consultations. Les rumeurs fusent, mais rien ne filtre. Officiellement, le président de la République attend toujours qu'une coalition, regroupant les "forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines", se dégage. Certains espèrent encore une coalition allant du PS aux LR, mais cette option est toujours rejetée par les socialistes, qui n'entendent pas, à ce stade, quitter le NFP.

Des échéances budgétaires à court terme

Cinq semaines après l'appel lancé aux partis par le chef de l'Etat, sa stratégie n'a rien donné et il ne lui reste plus qu'à espérer qu'une atmosphère de concorde nationale gagne les politiques. "Les JO sont la démonstration que la France, quand elle se rassemble, sait faire de grandes choses", a-t-il ainsi plaidé auprès de L'Equipe dans une interview publiée lundi. "Il y a trois ans, la maire de Paris [Anne Hidalgo], la présidente de la région Ile-de-France [Valérie Pécresse] et moi étions en compétition les uns contre les autres pour l'élection présidentielle. Et pourtant, on a travaillé ensemble", a souligné le président de la République.

Certains, dans le camp présidentiel, espèrent une décision rapide, dès la semaine du 19 août. D'autres plaident pour se laisser un peu plus de temps. "Nous sommes dans un nouveau contexte politique, où nous devons apprendre à composer ensemble", souligne la porte-parole du gouvernement démissionnaire, Prisca Thevenot, auprès de franceinfo. "C'est normal que cela prenne du temps, même si on a l'habitude d'un temps politique rythmé par les urgences", explique-t-elle, rappelant que "dans d'autres pays européens [comme l'Allemagne ou l'Espagne], la formation de coalitions prend du temps".

Le président de la République, qui joue au "maître des horloges" depuis plus d'un mois, ne va pas pouvoir laisser la situation traîner indéfiniment, alertent toutefois certains de ses soutiens. Le prochain gouvernement va par exemple devoir plancher urgemment sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, qui doit être présenté au Parlement avant le 1er octobre, tout en envoyant, avant le 20 septembre, un plan à la Commission européenne après l'ouverture d'une infraction pour déficit excessif.

"Il ne faut pas qu'on joue la montre, ce serait incompréhensible pour les Français", a jugé le sénateur macroniste François Patriat au Parisien mardi. "Tout le temps utilisé pour chercher un accord entre partis est du temps perdu", a estimé de son côté le président du MoDem, François Bayrou, auprès du Monde. Le maire de Pau pousse pour la mise en place d'un gouvernement "représentatif des nuances de l'Assemblée".

La pression maintenue par la gauche

Face à l'attentisme de l'Elysée, la gauche espère toujours pouvoir imposer Lucie Castets à Matignon. La haute-fonctionnaire de 37 ans a d'ailleurs envoyé lundi une lettre à tous les parlementaires, "sauf le Rassemblement national", précise son entourage à franceinfo, pour détailler les priorités de son mandat si elle devenait Première ministre. Une façon de montrer "qu'une fois la parenthèse des JO fermée", l'économiste "est au travail, pour présenter un projet qui répond aux urgences", ajoute la même source.

Celle dont le nom a fini par mettre d'accord les quatre composantes du NFP, en premier lieu le PS et La France insoumise, peut compter sur le soutien des élus de gauche. Plusieurs d'entre eux, comme le député Alexis Corbière, ont ainsi sommé Emmanuel Macron de nommer Lucie Castets, jugeant "qu'il n'avait plus le prétexte" des JO, dans un message posté lundi sur le réseau social X. "Emmanuel Macron n'a pas le choix, nous sommes dans une situation de cohabitation inédite", estime auprès de franceinfo le député Génération.s Benjamin Lucas. Le porte-parole du groupe écologiste à l'Assemblée juge que la gauche est la plus légitime pour constituer un gouvernement.

"Dans un moment de confusion politique, avec une situation prévue nulle part, il faut respecter des principes : c'est la force arrivée en tête qui doit composer un gouvernement et essayer, texte après texte, de conquérir des majorités."

Benjamin Lucas, député écologiste

à franceinfo

Alors que le chef de l'Etat ne semble pas plus disposé qu'il y a un mois à infléchir sa position consistant à dire qu'aucune majorité ne se dégage, la gauche ne possède que peu d'outils pour maintenir la pression. Lucie Castets doit faire plusieurs interventions médiatiques dans les prochains jours et se rendra aux universités d'été des quatre composantes principales du NFP.

Appel à un "pacte d'action" et risque de censure

Alors que la rentrée parlementaire n'aura pas lieu avant septembre (au plus tard le 1er octobre), les élus de gauche comptent mener la bataille sur les réseaux sociaux et dans les médias pour "maintenir la pression et lui refuser [à Emmanuel Macron] le droit de choisir le Premier ministre comme s'il avait une majorité absolue", prévient Benjamin Lucas. Certains, comme la députée LFI Gabrielle Cathala, n'hésitent pas à qualifier le chef de l'Etat "d'autocrate" sur X. Un terme que l'entourage de Lucie Castets se garde d'utiliser, tout en estimant que "si Emmanuel Macron continue de faire la sourde oreille, va se poser la question du respect du vote des citoyens".

Un argumentaire rejeté par le camp macroniste qui rappelle que, selon la Constitution, le chef de l'Etat est le seul à décider du nom du futur Premier ministre. "Ne pas voler le vote, c'est le respecter et l'entendre, répond Prisca Thevenot. Il n'y a pas eu de gagnant de cette élection, nous avons trois blocs représentés à l'Assemblée nationale et aucun n'a la majorité. Maintenant, nous devons construire des pactes politiques pour agir." La droite, par la voix de Laurent Wauquiez, a proposé un "pacte législatif" au camp macroniste en juillet. Mais, même alliés, les deux camps seront très loin d'une majorité absolue au Palais-Bourbon.

Conscient de cette réalité mathématique, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, a adressé mardi un courrier proposant aux chefs des forces politiques, sauf le RN et LFI, un "pacte d'action" se concentrant sur quelques grandes mesures. Le nouveau président du groupe Renaissance à l'Assemblée s'est dit "à disposition" pour une collaboration sans "effacer nos différences et nos désaccords", mais en les "dépassant". Ce que réclame également de longue date Edouard Philippe et son groupe Horizons. La proposition a toutefois peu de chances d'aboutir.

Pourtant, sans une hypothétique coalition, le futur Premier ministre risque d'être très rapidement censuré par une majorité de députés. "Nous devrons nous saisir de tous les leviers légaux à notre disposition, estime Benjamin Lucas. Dans une démocratie adulte et au fonctionnement normal, la question de la destitution du président se poserait, car il bloque les institutions pour accaparer le pouvoir".

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