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Planification écologique : où en sont les sept chantiers phares du gouvernement ?

Article rédigé par Gabrielle Trottmann
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 11min
La Première ministre Elisabeth Borne avec le secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion (à gauche), lors du conseil de lancement de la démarche, le 21 octobre 2022. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
L'exécutif s'apprête à dévoiler les grands principes de sa feuille de route aux partis, lundi 18 septembre. Plusieurs annonces importantes ont déjà été faites durant l'été.

C'est le plan des plans, la colonne vertébrale sur laquelle s'arrimeront toutes les politiques pour faire face à la crise climatique. Le gouvernement réunit les partis politiques, lundi 18 septembre, pour leur présenter les principes de sa planification écologique. Ce rendez-vous sera suivi par un Conseil de planification pour trancher les derniers arbitrages à une date qui reste à déterminer, avant l'examen du budget en octobre.

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Le défi est titanesque : la France doit baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 55% par rapport à 1990 d'ici à 2030 et atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 pour se conformer aux objectifs fixés par l'UE et limiter le réchauffement planétaire. Si certains dossiers sont déjà engagés, des investissements conséquents seront nécessaires pour les réaliser, en plus d'un portage politique à long terme. Sept milliards d'euros sont prévus dans le budget 2024. Franceinfo fait le point sur sept projets phares de ce "chantier du siècle".

1En finir avec les voitures thermiques et encourager les alternatives

Avec 66 millions de tonnes équivalent CO2 émises en 2021, en France, les véhicules particuliers sont la principale source d'émissions de gaz à effet de serre, comme le montre le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) (lien PDF). En vue de l'interdiction dans l'UE de la vente des véhicules thermiques en 2035, malgré certaines exceptions pour les carburants de synthèse, la France vise un objectif de "15% de véhicules 100% électriques roulant en 2030, contre seulement 1% aujourd'hui", poursuit le SGPE.

Ce qui a été lancé. Pour accélérer la transition, le gouvernement a déjà mis en place un bonus écologique, d'un montant de 5 000 à 7 000 euros, qui doit être augmenté pour les ménages modestes au 1er janvier 2024.

Ce qu'il reste à faire. Le SGPE mise sur un durcissement des "malus" sur les véhicules les plus lourds et les plus polluants. Il table aussi sur le leasing social : une offre de location longue durée pour les voitures électriques avec option d'achat pour 100 euros par mois, à destination des ménages les plus modestes.

Le SGPE évoque aussi d'autres pistes, comme le développement de la pratique du vélo, des transports en commun, du télétravail. En revanche, "les avantages fiscaux dont dispose l'aviation par rapport au train, comme l'absence de taxation du kérosène, ne sont pas abordés", relève auprès de franceinfo Emeline Notari, responsable des politiques climat au sein du Réseau Action Climat.

2 Rénover les passoires énergétiques et changer les chaudières au fioul et au gaz

Selon le ministère de la Transition écologique, le bâtiment représente environ 25% des émissions de gaz à effet de serre, dont 18% liées à l'exploitation de ces bâtiments (lien PDF), en grande partie à cause du chauffage.

Ce qui a été lancé. Depuis juillet 2022, il est interdit d'installer de nouvelles chaudières au fioul, particulièrement polluantes. Le gouvernement a aussi évoqué la possibilité d'interdire la vente des chaudières à gaz. Une proposition contestée par l'UFC-Que Choisir, qui redoute une augmentation de la facture tant que les logements ne sont pas mieux isolés : actuellement, le parc immobilier français compte 5,2 millions de passoires thermiques, selon l'Observatoire national de la rénovation énergétique.

Car c'est surtout la rénovation des bâtiments qui permet de réduire la consommation d'énergie. En juin, le gouvernement a annoncé une enveloppe de 300 millions d'euros afin de financer 200 000 rénovations d'ampleur en 2024. Et l'aide à accompagnement pour les ménages passera de 1 200 à 2 000 euros.

Ce qu'il reste à faire. A partir du 1ᵉʳ janvier 2025, il sera interdit de louer les logements classés G, la pire catégorie du diagnostic de performance énergétique. Le décret paru cet été précise toutefois certaines exceptions au cas par cas pour les copropriétés, les monuments historiques ou si les travaux risquent de fragiliser la structure du bâtiment. Il fixe aussi la suite du calendrier : en 2028, ce sera au tour des logements classés F. La location des logements classés E sera interdite à partir de 2034.

3Promouvoir une alimentation plus végétale et plus locale

Le Giec est catégorique : "La réduction de la consommation excessive de viande est l'une des mesures les plus efficaces pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre." L'une des solutions est de remplacer une partie de la viande par des protéines végétales.

Ce qui a été lancé. En mai, le gouvernement a annoncé une "enveloppe de crise" de 60 millions d'euros pour aider les producteurs bio. Ce montant est jugé insuffisant par la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab), interrogée par Libération. D'autant plus que le SGPE mise sur une multiplication par deux de la surface cultivée en agriculture biologique (de 10,3% aujourd'hui à 21% en 2030), malgré les difficultés du secteur.

Ce qu'il reste à faire. Partant du constat que la moitié des fruits et légumes consommés en France sont importés, le gouvernement souhaite gagner dix points de souveraineté dans ce domaine d'ici 2035. Il a annoncé mobiliser 200 millions d'euros pour la filière dès 2023. Le SGPE encourage aussi l'essor des cultures de légumineuses (soja, pois, fèves, etc.) et la transition vers un élevage "plus durable", sans préciser de mesures concrètes.

4Décarboner les sites industriels les plus polluants

Le SGPE ambitionne de réduire de près de la moitié (44%) les émissions de l'industrie d'ici à 2030.

Ce qui est lancé. Au printemps, le gouvernement a assuré que 1,2 milliard d'euros d'aides avaient déjà été investis dans le cadre du plan France Relance, initié après la crise sanitaire, et que 5,6 milliards de plus y seront consacrés avec France 2030, un autre plan annoncé par le président en octobre 2021.

Ce qu'il reste à faire. Le SGPE mise aussi sur des technologies pas tout à fait matures, comme l'hydrogène et le captage-stockage de carbone, en plus d'une baisse de la consommation d'énergie de 17% d'ici à 2030 et de l'essor des alternatives aux énergies fossiles. Au programme : installer des panneaux solaires, des éoliennes sur terre et en mer ainsi qu'au moins six nouveaux réacteurs nucléaires entre 2035 et 2050. Ces questions seront examinées de plus près dans le cadre de la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC), dont l'examen est prévu d'ici à la fin de l'année.

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5Protéger les sols, les forêts, la biodiversité et nos ressources en eau

La biodiversité est en déclin, notamment à cause des pesticides et de la destruction des milieux naturels. En France, entre 20 000 et 30 000 hectares (soit environ deux à trois fois la surface de la ville de Paris) sont artificialisés chaque année, selon le ministère de la Transition écologique.

>> GRAND FORMAT. Biodiversité : quelles espèces sont menacées près de chez vous ?

Ce qui est lancé. La loi "Zéro artificialisation nette" a été promulguée le 20 juillet. L'objectif : faire en sorte que d'ici à 2050, à chaque fois que l'on urbanise des terres, on débitume et on végétalise une surface équivalente ailleurs. Mais de nombreuses exceptions sont prévues, par exemple pour les projets considérés comme d'"intérêt majeur" (transports, industrie...).

Ce qu'il reste à faire. Protéger la biodiversité et la santé humaine nécessite de réduire la dépendance aux pesticides. Or, leur usage est reparti à la hausse depuis 2019, selon les chiffres du ministère de l'Agriculture, malgré une baisse sensible au cours des deux années précédentes. Un nouveau plan appelé "Ecophyto" est attendu pour aider les agriculteurs à trouver des alternatives.

Les forêts sont un autre point de vigilance. Quand elles sont en bon état, celles-ci assurent le rôle de puits de carbone, c'est-à-dire qu'elles stockent du CO2. Mais certaines sont si dégradées qu'elles en émettent désormais. La réponse de l'Etat est de planter un milliard d'arbres d'ici à 2032. A ce sujet, 600 scientifiques, associations et professionnels ont alerté début 2022, dans Le JDD, sur l'importance de préserver les forêts existantes.

Avec les sécheresses de plus en plus fréquentes, un autre défi majeur consiste à préserver nos ressources en eau. Alors que près de 200 communes sont encore privées d'eau potable mi-septembre, un plan annoncé au printemps vise notamment à passer à 10% des eaux usées traitées réutilisées d'ici à 2030, contre 1% actuellement, et à aider les agriculteurs à s'équiper en systèmes d'irrigation plus économes.

6Encourager les achats responsables

Ce qui est lancé. Après le Nutri-score, un équivalent sera obligatoire pour afficher l'impact environnemental des vêtements à partir de 2025, selon le ministère de la Transition écologique. Les administrations de l'Etat et des collectivités territoriales doivent donner l'exemple avec la mise en place du Plan national des achats durables, pour mieux orienter la commande publique.

Ce qu'il reste à faire. Le SGPE aimerait étendre cet affichage à d'autres produits, comme les cosmétiques ou les meubles, et développer la vente en vrac.

7Trouver 60 milliards d'euros pour financer la planification

Ce qui est lancé. En juillet, Elisabeth Borne a promis que 60 milliards d'euros seraient mobilisés pour financer la planification écologique, dont 7 milliards d'euros engagés par l'Etat, dans le cadre de son budget pour l'année 2024.

Ce qu'il reste à faire. Pour le reste, il faudra que le gouvernement réussisse à mobiliser les collectivités locales, la Caisse des dépôts, le bras armé de l'Etat en matière d'investissements stratégiques, les entreprises et les ménages. "Les collectivités vont devoir fournir un effort important", note Damien Demailly, directeur général adjoint de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), auprès de franceinfo. Selon lui, une "vision pluriannuelle des investissements de l'Etat" sera nécessaire pour embarquer les particuliers et les acteurs économiques.

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