Guerre entre Israël et le Hamas : de l'assaut surprise à la contre-offensive massive sur Gaza, la semaine meurtrière où tout a basculé
"Quittez immédiatement vos maisons et allez au sud de Wadi Gaza." L'armée israélienne a ordonné l'évacuation de la ville de Gaza, vendredi 13 octobre, au septième jour d'une guerre sanglante entre l'Etat hébreu et le Hamas. Le conflit a éclaté samedi, lorsque l'organisation islamiste a mené une série d'attaques qui a coûté la vie à plus de 1 300 personnes en Israël, selon l'armée.
En représailles, le Premier ministre Benyamin Nétanyahou a promis "d'écraser" le Hamas et lancé une pluie continue de bombes sur Gaza, tuant environ 1 900 Palestiniens, selon les autorités locales. Franceinfo retrace le fil de sept jours d'une guerre dévastatrice de chaque côté de la frontière.
Samedi 7 octobre : un assaut meurtrier en Israël
Il est à peine 6h30 du matin lorsque des milliers de roquettes s'abattent sur Israël. Le Hamas pilonne le territoire au nord de la bande de Gaza, jusqu'à Tel-Aviv, dans l'objectif de saturer le système de défense antiaérien de l'Etat hébreu. Quelques minutes plus tôt, les services de renseignement israéliens ont alerté les soldats qui gardent la frontière sur une activité inhabituelle sur les réseaux palestiniens, révèle le New York Times. Sans succès.
A une vingtaine d'emplacements différents, les assaillants du Hamas ouvrent des brèches dans la barrière qui marque la frontière hautement surveillée avec la bande de Gaza. Le grillage et les murs en béton sont attaqués avec des explosifs, puis des bulldozers élargissent le passage. Des centaines de terroristes lourdement armés entrent en Israël, à moto ou en voiture. Près du kibboutz de Réïm, certains arrivent en parapente. Vingt-deux villages sont infiltrés par des hommes qui abattent ou enlèvent ceux qu'ils croisent. C'est notamment le cas dans le désert de Neguev, où se déroule le festival de musique électronique Tribe of Nova. De nombreux fêtards y sont capturés et emmenés de force sur des motos ou des pick-ups.
L'armée israélienne réplique aussitôt. Gaza, étroite bande de terre abritant 2,4 millions de Palestiniens, est visée par d'intenses frappes aériennes. Un immeuble de sept étages est détruit. De l'autre côté de la frontière, les soldats sont déployés dans les communautés attaquées par le Hamas. A Sderot, le face-à-face avec les terroristes dure jusqu'au lendemain matin. Ailleurs, il faut jusqu'à 20 heures pour que les secours arrivent, selon une enquête du New York Times.
"Nous sommes en guerre, et nous allons gagner."
Benyamin Nétanyahou, Premier ministre israélienlors d'une adresse à la nation
Face à une offensive d'une ampleur inédite, des dizaines de milliers de réservistes israéliens sont mobilisés. Dans la soirée, Benyamin Nétanyahou promet que le Hamas sera "écrasé". Les premiers bilans des autorités locales font état de plus de 200 morts côté israélien, et au moins 300 dans la bande de Gaza.
Dimanche 8 octobre : Gaza sous les bombes israéliennes
Le lendemain matin, les Gazaouis se réveillent sous le feu nourri des frappes israéliennes. Des avions de chasse mènent "des bombardements intenses" contre plusieurs cibles du Hamas. Les Etats-Unis, alliés historiques de Tel-Aviv, annoncent l'envoi de munitions pour soutenir la guerre contre l'organisation islamiste.
De l'autre côté de la frontière, l'armée israélienne traque les assaillants encore présents sur son territoire. "Nous nous renforçons surtout près de Gaza et nettoyons la zone", déclare un porte-parole, alors que des dizaines de milliers de soldats sont déployés dans cette région désertique. Ils sont aussi chargés d'évacuer 24 villages pour créer un vaste périmètre entièrement contrôlé par les militaires.
Au fil de son avancée, Tsahal découvre l'ampleur des massacres perpétrés par le Hamas. A Sderot, les rues sont maculées de sang et de douilles. Dans le kibboutz de Réïm, qui accueillait le festival de musique électronique, les secours retrouvent 260 corps. Le gouvernement confirme qu'une centaine de personnes au moins ont été enlevées par les terroristes. Sans nouvelles de leurs proches, des familles cherchent désespérément à savoir s'ils se trouvent parmi les otages ou parmi les morts. A la fin de la journée, Israël dénombre plus de 600 personnes tuées et 2 000 blessés, dont 200 "dans un état critique". Dans la bande de Gaza, les bombardements ont fait 413 morts et 2 300 blessés, rapporte le ministère de la Santé.
Lundi 9 octobre : un "siège total" de l'enclave palestinienne
Lundi, Tel-Aviv durcit encore son offensive sur la bande de Gaza, malgré les menaces du Hamas d'exécuter des otages à chaque bombardement. Affirmant viser des cibles du groupe islamiste se cachant parmi les civils, l'armée israélienne frappe un marché, ainsi que plusieurs mosquées se trouvant dans le camp de réfugiés de Shati, l'une des zones les plus densément peuplées de l'enclave, relate le New York Times. "Nous n'avons nulle part ailleurs où aller", s'alarment des habitants sur la chaîne américaine PBS.
L'ONU recense plus de 200 000 déplacés dans la bande de Gaza. Un porte-parole de Tsahal suggère aux civils qui cherchent à fuir le déluge de bombes de gagner l'Egypte via le poste-frontière de Rafah, au sud, pourtant lui aussi visé par des frappes. En parallèle, Israël annonce un "siège total" de l'enclave palestinienne, déjà soumise à un blocus strict depuis 2014.
"Pas d'électricité, pas d'eau, pas de gaz, tout est coupé. Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence."
Yoav Gallant, ministre de la Défense israéliendans un message vidéo
Les combats se poursuivent aussi côté israélien, où l'armée reprend le contrôle des localités proches de la frontière. Mais elle alerte sur le risque de voir de nouveaux assaillants entrer sur le territoire alors que, heure après heure, les macabres révélations sur les exactions du Hamas se poursuivent. Dans le kibboutz de Be'eri, des assaillants à moto ont tué plus de 100 personnes et fait des otages. Le bilan s'élève désormais à plus de 800 morts et 150 personnes enlevées. Des ressortissants étrangers, Américains, Thaïlandais, Népalais ou encore Français, figurent parmi ces victimes.
Mardi 10 octobre : 1 500 assaillants du Hamas tués en Israël
"Je ne pense pas que quiconque soit en sécurité à Gaza." Au quatrième jour de la guerre entre le Hamas et Israël, Médecins sans frontières décrit une "situation catastrophique" dans l'enclave palestinienne. "Les bombardements [sont] tellement massifs", selon le directeur de la branche Palestine de l'ONG, que les équipes sont mises à l'abri dans les bâtiments de l'ONU.
Toutes les quatre heures, l'armée israélienne lance une nouvelle vague de frappes aériennes. Tsahal promet que le Hamas n'aura "nulle part où se cacher". Mais les bombes touchent aussi des écoles et des immeubles résidentiels, dénoncent les Nations unies. Le bilan du ministère de la Santé gazaoui atteint désormais 922 morts et "environ 4 650 blessés".
En Israël aussi, la liste des victimes continue de s'allonger. Dans le kibboutz de Kfar Aza, Tsahal découvre "un massacre". Les militaires évoquent plus de cent morts dans ce village de 400 habitants, dont des nourrissons. Au total, plus de mille personnes, dont au moins huit Français, ont été tuées par le Hamas, selon le bilan du jour. L'armée israélienne annonce avoir recensé "environ 1 500 corps" d'assaillants sur son territoire depuis samedi.
Mercredi 11 octobre : un "gouvernement d'urgence" à Tel-Aviv
Après des années d'instabilité politique et des mois de crise démocratique, la classe politique israélienne trouve un sujet d'entente : la guerre implacable contre le Hamas. Benyamin Nétanyahou et Benny Gantz, l'un des leaders de l'opposition, annoncent la formation d'un "gouvernement d'urgence" qui durera le temps du conflit. Un cabinet de guerre est créé, avec la promesse qu' "aucune proposition de loi ou décision gouvernementale non liée au déroulement de la guerre ne sera proposée par le gouvernement".
Sur le terrain, les signes d'une possible offensive terrestre à Gaza se dessinent. Des dizaines de milliers de soldats israéliens sont massés à la frontière avec l'enclave palestinienne. Des milliers d'autres sont déployés à la frontière avec le Liban, où des échanges de tirs sporadiques entre l'armée et le Hezbollah, groupe armé allié du Hamas, font craindre l'ouverture d'un nouveau front.
Dans la bande de Gaza, la situation ne cesse de se dégrader. L'Egypte ferme le poste-frontière de Rafah, seul point de sortie de l'enclave, visé par des bombardements israéliens. Faute de carburant, l'unique centrale électrique de Gaza cesse de fonctionner. Le plus grand hôpital du territoire, alimenté par des générateurs, n'a que quatre jours d'autonomie devant lui. "On va bientôt commencer à rationner l'électricité pour les salles d'opération", alerte un chirurgien. Depuis le début de l'offensive israélienne, 1 055 personnes, dont onze employés de l'ONU, ont été tuées dans la bande de Gaza.
Jeudi 12 octobre : une tentative de médiation pour libérer les otages
Six mille. C'est le nombre de bombes larguées par l'armée israélienne sur Gaza depuis samedi, soit 4 000 tonnes d'explosifs. Les autorités locales n'en finissent plus de compter les morts : plus de 1 500 au total, dont 500 enfants, cinq journalistes ainsi qu'une quinzaine d'employés de l'ONU et du Comité international de la Croix-Rouge, qui annonce tenter une médiation pour libérer les otages.
Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne – depuis longtemps affaiblie par l'essor du Hamas –, sort de son silence. Condamnant "le meurtre des civils des deux côtés", il appelle à la libération des otages, mais aussi à "la fin immédiate de l'agression maximale contre le peuple palestinien". En Israël, que plusieurs compagnies aériennes ont cessé de desservir, des vols de rapatriement vers l'étranger s'organisent. Les premiers Français atterrissent à Paris jeudi soir.
Un peu plus tôt, des proches de disparus ont imploré Emmanuel Macron de "faire pression sur le Hamas" pour qu'il libère les otages. "On ne sait pas s'il est seul, on ne sait pas s'il mange, s'il dort. On voudrait tellement qu'il revienne" , témoigne la mère d'Eitan, 12 ans, enlevé samedi. "La France met tout en œuvre aux côtés des autorités israéliennes et avec nos partenaires pour les faire revenir sains et saufs dans leurs foyers", répond le chef de l'Etat lors d'une allocution télévisée. Au moins quinze Français figurent parmi les 1 200 personnes tuées en Israël.
Vendredi 13 octobre : l'impossible évacuation de la ville de Gaza
Des milliers de feuilles blanches, larguées par des drones israéliens, descendent sur la ville de Gaza vendredi matin. Sur ces tracts rédigés en arabe, Tsahal ordonne aux civils d'évacuer vers le sud, "pour leur propre sécurité et protection". Plus d'un million d'habitants sont incités à fuir, dans une enclave assiégée, où Israël n'a pourtant aucune autorité.
Le Hamas refuse l'ordre d'évacuation, y voyant une "fausse propagande" de l'armée israélienne pour semer la confusion. Pourtant, des milliers de Gazaouis prennent la route du sud, craignant une offensive terrestre. Mais tous ne peuvent pas fuir : de nombreux habitants, sur les 423 000 déplacés dénombrés par l'ONU, se réfugient dans les écoles de la ville, faute de lieu sûr où aller. Et les patients les plus vulnérables ne peuvent pas être transportés depuis les hôpitaux où ils se trouvent, alerte le ministère palestinien de la Santé.
"Les Nations unies appellent fortement à ce que cet ordre (…) soit annulé pour empêcher de transformer ce qui est déjà une tragédie en une situation calamiteuse", plaide un porte-parole. Alors que le conflit a déjà fait au moins 1 300 morts en Israël et environ 1 900 à Gaza, l'ONU avertit : l'évacuation de l'enclave palestinienne est "impossible sans provoquer des conséquences humanitaires dévastatrices".
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