Campagne numérique, financement massif, meetings : comment Elon Musk est devenu le premier soutien de Donald Trump pour la présidentielle

L'homme le plus riche du monde, qui relaie sans cesse les préoccupations de l'extrême droite américaine depuis son rachat de Twitter, est devenu l'un des principaux financeurs et organisateurs de la campagne de Donald Trump. Une alliance idéologique et d'intérêts.
Article rédigé par Luc Chagnon
France Télévisions
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Elon Musk participe à un meeting de campagne de Donald Trump, à Butler (Pennsylvanie), le 5 octobre 2024. (JIM WATSON / AFP)

Son message est clair : "Si Donald Trump n'est pas élu, ce sera la dernière élection [aux Etats-Unis]." Ce soutien alarmiste au candidat du Parti républicain pour l'élection présidentielle américaine ne vient pas d'un internaute lambda, mais de l'homme le plus riche du monde : Elon Musk.

L'ex-président américain de 78 ans, condamné dans une affaire de paiements dissimulés, peut compter depuis plusieurs semaines sur cet appui de taille. Le milliardaire, patron de Tesla, SpaceX ou du réseau social X, était déjà proche de l'extrême droite américaine, mais il s'implique depuis peu dans l'organisation concrète de la campagne de son candidat favori. Franceinfo vous explique comment.

Il publie un flot continu de textes pro-Trump sur la plateforme X, dont il est propriétaire

Le principal outil de militantisme d'Elon Musk, est bien sûr son propre réseau social : X (anciennement Twitter), acquis pour 44 milliards de dollars (40 milliards d'euros) en 2022, selon ses mots pour "aider l'humanité" et rendre la plateforme "accueillante pour tous". Sur son profil, l'homme le plus riche du monde partage auprès de ses 200 millions d'abonnés des messages vigoureusement anti-médias, anti-immigration et anti-"élites", comprenant de nombreuses affirmations mensongères.

Ses critiques ciblent uniquement le Parti démocrate, qu'il accuse par exemple de conspirer pour ouvrir les frontières et régulariser tous les immigrants illégaux sans exception, au motif que ces personnes voteraient pour eux "de manière permanente" et qu'il n'y aurait ainsi "plus d'élection utile à l'avenir". L'homme le plus riche du monde qualifie également Joe Biden et sa vice-présidente Kamala Harris de "marionnettes" et de candidats de la "machine" qui contrôlerait le pays, sans préciser qui serait selon lui aux manettes.

Mais depuis la première tentative d'assassinat sur Donald Trump, le 13 juillet, lors de son meeting en Pennsylvanie, Elon Musk ne se place plus seulement en opposition, mais formalise clairement son soutien au candidat républicain : "Je soutiens pleinement le président Trump", écrit-il sur X. Dès lors, le milliardaire ne va plus seulement partager les centres d'intérêt et inquiétudes du candidat républicain, mais appeler ouvertement à le soutenir, à afficher son soutien via l'achat de produits dérivés, et à faire campagne pour convaincre d'autres électeurs.

Elon Musk a plus écrit le nom "Trump" sur son profil depuis le 14 juillet 2024 que dans les quinze dernières années d'existence de son compte X, créé en juin 2009. Il a également organisé sur X une conférence en ligne avec le candidat républicain, compliquée par des problèmes techniques.

Il organise des réunions publiques sur le terrain

Elon Musk fait aussi campagne lui-même directement sur le terrain. Il s'est rendu à plusieurs meetings du candidat républicain, dont le premier à Butler, le 5 octobre, là où Donald Trump a failli se faire assassiner.

Il a ensuite entamé une série de réunions publiques en Pennsylvanie. Là aussi en reprenant des affirmations ou sous-entendus mensongers, comme sur les machines à voter de la marque Dominion, que la chaîne pro-Trump Fox News avait accusé de fraude en faveur de Joe Biden – avant de conclure un accord judiciaire avec l'entreprise pour éviter des poursuites en diffamation.

Le soutien d'Elon Musk est une évolution notable dans la relation entre les deux hommes : en juillet 2022, à l'époque où il soutenait son rival Ron DeSantis, le milliardaire avait écrit sur X que l'ex-président américain était "trop vieux" pour briguer un nouveau mandat. Donald Trump, qui a été autorisé à revenir sur X par Elon Musk après environ deux ans banni du réseau, avait à l'époque qualifié le patron de Tesla de "baratineur de première" ("bullshit artist").

Mais ce soutien est aussi une alliance d'intérêts. Donald Trump a récemment affirmé qu'il souhaitait nommer Elon Musk à la tête d'une commission chargée de sabrer dans les dépenses publiques et les normes américaines, au nom de l'"efficience". Une opportunité en or pour Elon Musk d'alléger les régulations qui encadrent l'activité de ses entreprises.

Il a créé la plus grande organisation de campagne de porte-à-porte en faveur de Donald Trump

Elon Musk a également modifié sa biographie sur X pour rediriger les internautes vers sa dernière initiative majeure : la PAC "America". Les PAC (pour "comités d'action politique") sont des organisations privées qui soutiennent des candidats ou des propositions politiques en parallèle des campagnes officielles, à grands renforts de publicités, d'événements ou de porte-à-porte.

Elon Musk a fondé l'organisation "America PAC" en juillet et y a déjà englouti 75 millions de dollars (69 millions d'euros) en trois mois, selon des déclarations légales consultées par le Guardian ou le Washington Post. Il se hisse ainsi directement à la sixième place des principaux financeurs de la campagne présidentielle, tous partis confondus, et en première place chez les figures de la tech, souligne le site Wired.

L'organisation est rapidement devenue le principal acteur des campagnes sur le terrain en faveur de Donald Trump, selon des sources anonymes citées par le quotidien britannique : elle emploie entre 300 et 400 démarcheurs, chargés de faire du porte-à-porte pour mobiliser les électeurs potentiellement favorables à Donald Trump dans sept Etats où l'écart entre les deux candidats est faible.

La PAC America a dépensé près de 30 millions de dollars (27,6 millions d'euros) sur trois mois pour ses initiatives de terrain, d'après les mêmes documents légaux. Mais elle connaît des remous : elle n'arrive pas à atteindre ses objectifs de foyers contactés, et il est souvent difficile de retenir les démarcheurs vu la pénibilité des campagnes de porte-à-porte, ont témoigné des membres du groupe à l'agence Reuters.

Il va donner plusieurs millions de dollars aux électeurs qui signent ses pétitions

Elon Musk a annoncé offrir un chèque de 100 dollars (92 euros) aux personnes enregistrés sur les listes électorales en Pennsylvanie si celles-ci signent une pétition de la PAC America "en soutien à la liberté de parole et au droit de porter des armes". Des valeurs que Donald Trump affirme souvent être le seul à défendre. Le 20 octobre, Elon Musk est passé à la vitesse supérieure : il a annoncé qu'il donnera chaque jour un million de dollars (920 000 euros) à un signataire de la pétition choisi au hasard.

De nombreux internautes dénoncent ces initiatives comme des achats de voix purs et simples, qui pourraient même se révéler illégales selon des spécialistes. Le droit électoral fédéral des Etats-Unis (document PDF) dispose que "quiconque paie ou propose de payer (…) pour inscrire sur les listes électorales ou pour voter est passible d'une amende maximale de 10 000 dollars [9 200 euros] ou d'une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans".

Or, l'inscription sur les listes électorales est une des conditions pour remporter cette loterie, souligne sur X Richard Hasen, juriste et professeur de droit à l'Université de Californie à Los Angeles. Selon lui, l'intiative est "clairement illégale".

Il a financé discrètement des groupes aux méthodes controversées

Elon Musk finance aussi de manière plus discrète d'autres groupes d'action politique. Selon une enquête du Wall Street Journal, le milliardaire a donné en 2022 plus de 50 millions de dollars (46 millions d'euros) à un groupe anti-immigration et contre les droits des personnes transgenres, mené par un ancien proche du républicain.

Selon plusieurs sources anonymes à l'agence Reuters, Elon Musk a donné par ailleurs plusieurs millions de dollars à la PAC Building America's Future. Cette dernière finance ensuite une "super-PAC", la Future Coalition PAC, selon des sources consultées par plusieurs médias américains.

Cette super-PAC est pointée du doigt pour ses méthodes : elle a notamment ciblé des communautés à forte population musulmane avec des publicités politiques affirmant que Kamala Harris "soutient Israël", tandis que d'autres publicités politiques distribuées à des communautés juives soutiennent que "Kamala l'hypocrite soutient la Palestine, pas notre allié Israël". Des messages diamétralement opposés destinés à attiser l'opposition à la démocrate, note le site spécialisé en nouvelles technologies 404 Media.

Building America's Future a également financé une campagne de SMS prétendument issue de soutiens de Kamala Harris. Sauf que cette campagne présente les propositions de la démocrate de manière décontextualisée ou mensongère à des électeurs hésitants, afin de les inciter à voter contre elle, raconte le site Open Secrets.

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