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Suicide de Nicolas : des lettres polémiques aux excuses, retour sur la tempête qui secoue le rectorat de Versailles

Le ministre de l'Education, Gabriel Attal, a annoncé qu'il se rendrait lundi à Versailles pour faire "un point" avec le recteur.
Article rédigé par Linh-Lan Dao
France Télévisions
Publié
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L'entrée du lycée Adrienne-Bolland à Poissy (Yvelines), où était scolarisé le jeune Nicolas qui s'est suicidé, mardi 5 septembre 2023. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Des courriers menaçants envoyés par le rectorat de Versailles à des familles désemparées. Après le suicide du jeune Nicolas à Poissy (Yvelines), les parents de l'adolescent ont témoigné dans la presse et ont révélé avoir reçu une lettre critiquant leur soi-disant attitude "inacceptable" et évoquant les risques pénaux d'une dénonciation inexacte. Un message qui a suscité l'indignation du gouvernement. D'autant qu'un courrier similaire a été envoyé à un autre parent d'élève, inquiet pour sa fille victime d'attouchements. L'exécutif a fermement condamné ces lettres comminatoires avant de lancer un audit sur les cas de harcèlements dans tous les rectorats l'an passé. Le ministre de l'Education, Gabriel Attal, a annoncé dans un communiqué son intention de venir lundi 25 septembre à Versailles pour "un point"  avec le nouveau recteur. Franceinfo vous résume la polémique qui touche l'académie.

1Un adolescent se suicide à Poissy

Victime de harcèlement lors de l'année 2022-2023, le jeune Nicolas se suicide mardi 5 septembre à son domicile à Poissy (Yvelines), le jour de sa rentrée dans un nouvel établissement dans le 14e arrondissement de Paris. L'adolescent de 15 ans est retrouvé pendu à son domicile par sa mère. Il avait pourtant signalé les faits de harcèlement dont il était victime alors qu'il était scolarisé en classe de troisième prépa-métiers au lycée professionnel Adrienne-Bolland à Poissy. L'élève avait d'ailleurs fait une première tentative de suicide en janvier. Une enquête judiciaire et une enquête administrative ont été ouvertes après sa mort. Les premiers éléments de l'enquête "attestent clairement que des faits de harcèlement avaient été déclarés au cours de l'année scolaire 2022-2023", a annoncé le 6 septembre le ministère de l'Education nationale.

2 La presse révèle un courrier du rectorat

Samedi 16 septembre, BFMTV révèle trois lettres échangées par les parents du jeune Nicolas avec les instances éducatives. Les parents ont d'abord alerté l'équipe pédagogique du lycée sur des faits de harcèlement sur leur fils, lors d'un entretien le 10 mars 2023. Le mois suivant, ils indiquent dans un courrier adressé au proviseur avoir déposé une main courante auprès du commissariat de Poissy, ne voyant pas arriver "la réponse" promise par la communauté éducative. Le proviseur se défend dans un courrier daté du 20 avril, exposant les mesures mises en place. Selon lui, le corps enseignant peut "considérer que la situation est en phase de résolution"

Deux semaines plus tard, dans un courrier daté du 4 mai, le rectorat de Versailles répond à son tour. Il dénonce une attitude "inacceptable" de la part des parents du jeune Nicolas, qui ont "remis en cause" le personnel de l'établissement et rappelle les sanctions pénales liées aux dénonciations calomnieuses. Elle enjoint les parents "d'adopter désormais une attitude constructive et respectueuse envers les membres de la communauté éducative". Les parents de l'adolescent dénoncent ces courriers adressés par l'administration, se disant "outrés et effarés".

3Le gouvernement se dit choqué

Cette lettre du rectorat pousse le gouvernement à réagir. "Evidemment, c'est choquant", déclare Elisabeth Borne. La Première ministre condamne un courrier jugé "décalé par rapport à la douleur des familles", dans une interview à BFMTV.

"Manifestement, il y a une défaillance sur le type de réponse adressé à des parents extrêmement inquiets."

Elisabeth Borne, Première ministre

sur BFMTV

"Ce courrier est une honte", appuie Gabriel Attal face à la presse. Le 18 septembre, le ministre de l'Education réunit tous les recteurs d'académie pour lancer un audit sur les cas de harcèlement scolaire signalés l'année passée. Il rappelle que les conclusions de l'enquête administrative lancée après la mort de l'adolescent sont attendues "d'ici à 15 jours" et qu'il en tirera tous les enseignements, "y compris en matière de sanctions".

En parallèle, le chef du service juridique du rectorat de Versailles dépose une plainte le 20 septembre, après que lui et les membres de son service ont reçu des menaces de mort. Une enquête est ouverte pour "menaces de mort" et "haine en ligne". Celle-ci est confiée à la police judiciaire.

4 Un courrier similaire est révélé

Une semaine plus tard, le rectorat de Versailles est de nouveau pointé du doigt. BFMTV diffuse le 22 septembre le témoignage d'Antoine, un autre parent d'élève. Il affirme que sa fille de 11 ans a été victime d'attouchements par un agent municipal chargé de l'animation périscolaire à Andrésy (Yvelines) au début de l'année 2022. Il porte plainte en mars et contacte le rectorat de Versailles, qui lui répond deux mois plus tard : "La procédure en vigueur dans ce cas de figure a été entièrement respectée."

Le père de la jeune fille retrouve les termes menaçants employés dans le courrier adressé aux parents du jeune Nicolas : "Aussi, dans l'intérêt de votre enfant et par souci d'exemplarité à son égard, je vous enjoins d'adopter désormais une attitude constructive et respectueuse envers les autres membres de la communauté éducative", conclut le courrier.

"Dans un premier temps, je ne comprends pas cette lettre. En relisant, je me rends compte qu'elle est très vindicative, que ce sont des menaces à peine voilées de poursuites pour protéger le personnel."

Antoine, père d'une jeune fille de 11 ans

sur franceinfo

Gabriel Attal "condamne" à nouveau "les termes" du rectorat. Le cas de ces deux familles ne semble pas isolé : dans un communiqué, le ministère de l'Education précise que selon "les premières remontées de l'audit qu'il a déclenché, d'autres courriers de ce type ont été envoyés à plusieurs familles".

5 L'ancienne rectrice présente ses excuses

Dans un entretien au Parisien publié samedi 23 septembre, l'ancienne rectrice de Versailles, Charline Avenel, assure qu'elle n'a "pas eu connaissance" du courrier envoyé aux parents de Nicolas. Selon elle, cette lettre est "inadmissible". Elle présente donc des "excuses" en son nom et au nom du rectorat, qu'elle dirigeait au moment des faits.

"J'ai été bouleversée en apprenant le décès de cet élève. Lorsque j'ai découvert il y a une semaine, dans la presse, l'existence de ce courrier, j'étais effondrée."

Charline Avenel, ancienne rectrice de Versailles

dans "Le Parisien"

Dans cette interview, Charline Avenel reconnaît avoir "validé le principe" des "courriers adressés aux familles qui menacent les enseignants" pour leur rappeler certaines dispositions légales. Mais jamais à destination des familles signalant des cas de harcèlement. "Je découvre que ces lettres de réprobation ont été envoyées, et je le crains en nombre, sans discernement, à des familles en détresse", déplore-t-elle. Elle soutient ne pas avoir été informée du courrier adressé au père de famille d'Andrésy.

Ce mea culpa tardif fait réagir : "Il était temps", commente Sacha Houlié, président de la commission des lois de l'Assemblée, sur franceinfo. Ces excuses "sont la moindre des choses au regard de la brutalité de la lettre", réagit aussi Sophie Vénétitay, secrétaire générale du syndicat Snes-FSU. "Je crois en sa sincérité, néanmoins, elle est responsable de cet envoi", estime enfin Laurent Zameczkowski, porte-parole de la fédération Parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP), sur franceinfo. "Même les intelligences artificielles sont capables de mieux", ironise-t-il, comparant l'administration à une "machine froide et insensible".

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