Projet de loi sur la fin de vie : pourquoi l'aide à mourir pourrait attendre des années avant d'entrer en vigueur
Le gouvernement passe la seconde, mais sans coup d'accélérateur. Le projet de loi sur la fin de vie a été officiellement présenté en Conseil des ministres, mercredi 10 avril, plus d'un an après l'annonce d'une réforme par Emmanuel Macron.
Le texte doit désormais prendre la route de l'Assemblée nationale, où son examen débutera dans les prochaines semaines, prologue d'un parcours parlementaire qui s'étendra sur des mois, voire des années. Autrement dit, les malades qui souhaitent accéder à une éventuelle aide à mourir devront encore patienter longtemps.
"Sur ce thème sociétal, prendre le temps est plus que nécessaire, une exigence éthique", a assumé Emmanuel Macron, début mars. Il a ainsi justifié les multiples reports de la présentation du projet de loi, d'abord promise "d'ici la fin de l'été" 2023, puis "courant décembre", puis "fin février". Le chef de l'Etat, qui s'est vu remettre une proposition de texte dès le début de l'automne, dit avoir voulu "entendre et respecter" les oppositions "philosophiques et religieuses". Il a aussi cherché à contenir la "colère" de certains soignants, qui jugent prématuré de légiférer sur l'aide à mourir alors que de nombreux malades n'ont pas accès aux soins palliatifs.
"Il n'y a pas de bon rythme sur un tel sujet. (…) Je plaide coupable pour être tout à la fois, en même temps, trop lent et trop rapide !"
Emmanuel Macron, président de la Républiquedans une interview donnée à "La Croix" et "Libération"
Les maîtres des horloges sont désormais les parlementaires, à qui il va revenir de se prononcer sur le projet de loi. Plutôt qu'un sprint, c'est un marathon qui les attend, le gouvernement ayant choisi de ne pas engager de procédure accélérée, qui aurait permis de se contenter d'une seule lecture devant chaque chambre. "Sur un texte qui emporte de tels enjeux, on ne demande pas l'urgence", a justifié Emmanuel Macron, pourtant partisan de cette méthode "plus efficace et plus rapide" qui est même devenue la norme.
Après l'adoption, le temps des décrets d'application
Le parcours parlementaire doit débuter la semaine du 22 avril au sein d'une commission spéciale réunissant des dizaines de députés de tous bords, représentative des équilibres politiques actuels. Ces élus mèneront des auditions d'experts, avant de proposer des modifications du texte par le biais d'amendements. Ils se livreront enfin à un premier examen du texte, en le remaniant à leur guise, et ils termineront leurs travaux par un vote sur cette version modifiée du projet de loi.
Le texte prendra ensuite la direction de l'hémicycle, pour un examen et un vote en séance plénière à partir du 27 mai, pour une durée d'environ deux semaines. Au terme de cette première lecture, la version adoptée par l'Assemblée nationale sera transmise au Sénat, qui planchera, lui aussi, en commission, avant un passage dans l'hémicycle possiblement à l'automne. Une seconde lecture sera ensuite requise devant chaque chambre, en suivant le même processus, si bien qu'aucune adoption définitive n'est attendue avant 2025, voire 2026, à en croire la présidente de l'Assemblée nationale.
"Ce que je souhaite, c'est qu'à la fin de cette mandature, avant 2027, nous ayons pu adopter une législation sur l'aide active à mourir en France."
Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationalesur France Inter
"Le temps est une condition d'un débat serein", a défendu Yaël Braun-Pivet, début mars. Du temps, il en faudra aussi après que la loi aura été éventuellement adoptée et promulguée. La Haute autorité de santé devra, par exemple, se prononcer sur la composition du produit létal retenu. De nombreux détails permettant l'entrée en vigueur de l'aide à mourir devront aussi être précisés par décret. Ce type de texte relève du gouvernement, qui sera de nouveau maître du calendrier, prêt à dégainer dans la foulée… ou à prendre un peu plus son temps.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.