Législatives 2024 : ce que l'on sait des enregistrements de Fabien Roussel autour d'une potentielle coalition sans La France insoumise à l'Assemblée

Un anonyme a mis en ligne des fichiers sonores du leader du PCF en pleine conversation téléphonique dans un train, avant le second tour, évoquant plusieurs scénarios politiques selon les résultats des législatives.
Article rédigé par Linh-Lan Dao, Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, prend la parole à Paris après le résultat du 2d tour des élections législatives, le 7 juillet 2024. (EMMANUEL DUNAND / AFP)

Des échanges qui remettent en question l'unité affichée du Nouveau Front populaire (NFP). Un compte anonyme a diffusé sur le réseau social X, jeudi 4 juillet, une série d'enregistrements dans lesquels le secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel, envisage plusieurs alliances politiques à l'issue du scrutin, y compris entre la majorité présidentielle et une partie de la gauche.

Sur ces enregistrements, effectués le jour même dans un TGV entre Paris et Lille, on entend Fabien Roussel, au téléphone, s'interroger notamment sur la possibilité d'une majorité parlementaire "sans les insoumis", et affirmer avoir échangé à ce sujet avec Olivier Faure, son homologue au Parti socialiste, mais aussi le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et l'ex-ministre Olivier Véran.

Ces documents ont beaucoup fait réagir sur les réseaux sociaux, certains évoquant une "trahison", d'autres s'interrogeant sur la véracité de ces vidéos et la possibilité qu'elles aient été générées à l'aide d'une IA. Fabien Roussel a finalement confirmé leur authenticité, et contesté toute volonté de tourner le dos à l'alliance des partis de gauche. Franceinfo fait le point.

Des enregistrements diffusés par un anonyme sur les réseaux sociaux

Trois enregistrements sonores ont été postés jeudi sur X par un compte anonyme, Aminatorux, supprimé depuis. Repris par plusieurs utilisateurs, ces enregistrements deviennent viraux quand ils sont relayés, le lendemain, par le compte très suivi Zoé Sagan, connu pour diffuser des rumeurs et de fausses informations, et désormais suspendu.

Ils ont aussi été partagés par PaduStream, un vidéaste youtubeur spécialisé dans la vulgarisation politique. Joint par franceinfo, ce dernier explique avoir échangé avec l'internaute qui a enregistré la conversation. Selon le vidéaste, il s'agit d'un militant de gauche ayant préféré garder l'anonymat "par peur des répercussions personnelles et électorales [négatives pour le NFP]"

Fabien Roussel évoque de possibles alliances avec la majorité et LR 

À trois jours du second tour des élections législatives, Fabien Roussel est déjà battu dans sa circonscription, mais reste le chef de file d'un des partis du Nouveau Front populaire. Alors que l'extrême droite est donnée victorieuse par les sondages, on entend le secrétaire national du PCF, dans ces enregistrements, imaginer à quoi pourrait ressembler une coalition majoritaire à l'Assemblée nationale, capable d'empêcher le RN de gouverner en majorité relative.

Parmi les scénarios évoqués, il avance l'idée d'une union sans LFI, auquel le Parti communiste est pourtant allié au sein du Nouveau Front populaire. "Tout dépend du rapport de force" à l'issue des élections, entend-on Fabien Roussel dire. "Le Nouveau Front populaire, est-ce qu'on a plus de députés que la majorité et LR ? (...) Et ensuite, est-ce que sans les insoumis, on est un poids suffisant pour que ça fasse une majorité avec les autres ?", poursuit-il. À la date de ces enregistrements, le camp présidentiel a retiré la majorité de ses candidats dans les triangulaires où leur maintien pouvait faire gagner le RN, mais une partie de ses responsables a appelé à ne voter ni pour l'extrême droite ni pour le parti de Jean-Luc Mélenchon. "Au pire du pire, on peut soutenir sans participer. Ou participer s'il y a un rapport favorable", dit plus tard Fabien Roussel. "On essaie d'imaginer tous les scénarios."

Dans une autre séquence de l'enregistrement, il assure avoir "mis sur la table", dans un contexte qui n'est pas précisé, "un groupe de gauche dans lequel on serait large avec les socialistes, les communistes, les ultramarins, les insoumis-insoumis", sans que l'on sache s'il se réfère aux députés sortants que LFI n'a pas réinvestis et à leurs soutiens.

Enfin, dans un troisième passage, plus difficilement audible, Fabien Roussel évoque aussi plusieurs personnalités politiques avec qui il assure avoir échangé : "J'ai eu [Gérald] Darmanin. (...) Cinq minutes après, j’ai eu [Olivier] Véran. Je pense qu'ils ne voudront pas."

Des enregistrements authentiques, mais dénoncés par son entourage

L'entourage du secrétaire national du PCF a confirmé auprès de franceinfo l'authenticité de ces extraits, mercredi. "Quelqu'un a enregistré Fabien Roussel à son insu, dans le train qui le ramenait de Paris vers Lille, jeudi 4 juillet dernier en début d'après-midi", précise cette source. "Même si ce n'est pas agréable de se faire piéger, il n'a rien à cacher." L'identité de l'interlocuteur de Fabien Roussel, à l'autre bout du fil, est en revanche inconnue.

Fabien Roussel était-il prêt à lâcher les insoumis ? Interrogé mardi dans l'émission "C à Vous" sur France 5, l'ex-député communiste a assuré que cette conversation datait "d'avant le premier tour". En réalité, les enregistrements ont été faits quatre jours après le premier tour, comme l'a confirmé son entourage.

"À cette époque-là (...), il y a une majorité presque absolue donnée au Rassemblement national. Chacun échafaude des scénarios : 'mais comment on va faire', 'on ne peut pas laisser passer', 'comment on fait demain ?' C'est rien d'autre que ça", s'est-il justifié. "Depuis l'annonce de la dissolution, (...) on est quatre mousquetaires, quatre acteurs à construire ce Nouveau Front populaire. (...) On n'a rien lâché entre nous dans le respect, au fait que l'on travaille au consensus, c'est-à-dire jamais l'un sans l'autre", a-t-il assuré.

"Tout le monde parlait de l'arrivée du RN au pouvoir. (...) Il partageait d'abord cette crainte avec un ami, tempère aussi son entourage. Il énumérait des hypothèses, comme on le fait souvent quand on pense au pire." "Certains ont voulu lui faire dire ce qu'il ne pense pas, ont fait des montages, ont cherché à instrumentaliser ces propos", ajoute la même source.

Une conversation qui ravive le spectre de la désunion

Depuis la diffusion de ces documents, Fabien Roussel est vivement critiqué par de nombreux internautes. Peu de responsables de gauche, en revanche, ont commenté publiquement le contenu de ces enregistrements. "Fabien Roussel fait une erreur tragique", a tout de même déclaré la députée LFI Alma Dufour, interrogée mardi soir sur BFMTV. "Si nous refaisons la République en marche [ancien nom du parti d'Emmanuel Macron] bis, et c'est ce à quoi équivaut le fait de vouloir éjecter les insoumis (...), nous allons droit vers la victoire du Rassemblement national en 2027", a-t-elle alerté.

Ces enregistrements sont-ils susceptibles de mettre à mal la cohésion du Nouveau Front populaire, déjà traversé par des divergences ? Le souvenir d'une fracture de la gauche n'est pas si loin : Fabien Roussel avait été l'un des premiers à prendre ses distances de la Nupes, coalition de gauche née en juin 2022 en vue des élections législatives. Celle-ci s'était délitée à l'automne 2023, notamment après les attaques du 7 octobre en Israël, à la suite du refus de Jean-Luc Mélenchon et de plusieurs figures de LFI de qualifier le Hamas d'organisation terroriste. Leur position était critiquée, à l'époque, par le leader communiste.

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