Travail, santé, transition énergétique... Quel bilan dresser de l'action d'Emmanuel Macron, un an après sa réélection ?
Un an après sa réélection, le 24 avril, c'est l'heure d'un premier bilan pour Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat entame la deuxième année de son quinquennat en tentant de tourner la page de sa controversée réforme des retraites. Le texte, qui a déjà marqué l'année 2023, apparaît comme un des chantiers d'envergure d'un second mandat particulier, durant lequel l'exécutif ne dispose pas d'une majorité au Parlement.
"Au bout d'un an, on a rarement beaucoup de réalisations à son actif", avertit Olivier Rouquan, politologue et chercheur associé au Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa). Alors qu'il reste quatre années au chef de l'Etat pour mettre en œuvre son programme, franceinfo s'est tout de même penché sur les premières actions du candidat Macron depuis sa victoire.
Economie : des promesses tenues au prix d'une "dégradation du dialogue social"
Plusieurs mesures liées à l'emploi ont été déclinées par le candidat Macron au sein du volet économique de sa campagne. Le futur président réélu avait notamment fait part de sa volonté de repousser l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans. Un an plus tard, c'est chose faite, ou presque, puisque la réforme adoptée repousse l'âge légal à 64 ans. Pour Olivier Rouquan, il est "difficile de parler d'une réussite, tant la réforme est contestée. Ce qu'Emmanuel Macron peut essayer de gagner sur les comptes publics, il le perd dans une dégradation du dialogue social".
Autre promesse tenue, et elle aussi critiquée par plusieurs syndicats, qui ont déposé des recours devant le Conseil d'Etat : la réforme de l'assurance-chômage. Promulguée le 21 décembre, elle introduit une modulation de la durée d'indemnisation en fonction de la situation du marché du travail. Cette première année a également été l'occasion de lancer le chantier France travail, la nouvelle entité qui doit remplacer Pôle emploi à partir de 2024. Par ailleurs, Emmanuel Macron a annoncé, le 17 avril, vouloir "bâtir un nouveau pacte de la vie au travail" avec les organisations patronales et syndicales.
Un quinquennat se juge aussi au regard de la courbe du chômage. Selon les dernières données, celui-ci s'établit à 7,2% de la population active en France (hors Mayotte) au quatrième trimestre 2022. Il est donc resté quasiment stable depuis un an (7,3% début 2023). De tels bas niveaux n'avaient plus été atteints depuis 2008. "Nous avons créé, en six ans, 1,7 million d'emplois pour notre pays", a assuré le chef de l'Etat le 17 avril, rappelant son attachement à l'objectif du plein-emploi.
Autre jalon marquant : une loi sur le pouvoir d'achat. Elle a été promulguée le 16 août, sur fond de crise énergétique liée à la guerre en Ukraine et d'inflation. Le projet comprenait notamment une revalorisation des minimas sociaux et le versement de primes exonérées de cotisations sociales.
Plusieurs chantiers restent à mettre en œuvre dont le conditionnement du revenu de solidarité active (RSA) à des heures "d'activités d'insertion". Dix-huit départements expérimentent actuellement le dispositif. "Nous allons tirer les enseignements, puis le généraliser le cas échéant dans le cadre de France Travail", précise le ministère à franceinfo. La proposition est déjà critiquée par la gauche, des syndicats et des associations.
Société : des annonces, mais peu de réalisations concrètes
"Je vous propose un nouveau contrat social en forme de pacte entre les générations", écrivait le candidat Macron dans son programme (PDF), promettant de mener de front des chantiers sur la fin de vie, l'éducation et la santé. Sur le premier sujet, une convention citoyenne a, comme promis, été lancée et a rendu ses conclusions le 2 avril. Le lendemain, le président de la République a déclaré vouloir un projet de loi "d'ici à la fin de l'été".
En matière de santé, Emmanuel Macron est attendu sur la crise de l'hôpital. Pour y remédier, il a notamment annoncé, en janvier, une sortie de la tarification à l'activité (T2A). Il a également promis qu'un médecin traitant serait affecté "d'ici à la fin de l'année" aux 600 000 personnes souffrant d'affections de longue durée (ALD). Mais difficile d'en savoir plus sur l'application concrète de ces mesures. "Le ministre de la Santé" est "pleinement mobilisé" pour "atteindre" les objectifs fixés par le président, et présentera "prochainement" sa feuille de route en la matière, glisse-t-on simplement au ministère.
Le constat est similaire concernant la revalorisation salariale des enseignants. Elle avait été évoquée dans le programme présidentiel à travers la négociation d'un "pacte", pas encore mis sur pied à ce stade, où figurerait une hausse des rémunérations des professeurs qui acceptent d'effectuer des missions supplémentaires. Mais les syndicats ont quitté la table des discussions le 6 avril. Deux semaines plus tard, Emmanuel Macron a annoncé une "hausse inconditionnelle" des salaires "dès la rentrée", allant de 100 à 230 euros net mensuels, pour les enseignants, "à tous les niveaux de carrière".
En outre, le flou demeure par ailleurs au sujet du futur projet de loi sur l'immigration qui prévoyait notamment la création d'un titre de séjour pour les étrangers exerçant des "métiers en tension" et une facilitation des expulsions. Reporté, sur fond de contestation sociale, il pourrait revenir bientôt à l'ordre du jour, selon le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. "ll faut qu'on avance (...) Je suis sûr qu'avec le parti Les Républicains, on peut s'entendre sur la question", a-t-il fait valoir sur LCI, le 18 avril.
Environnement : la priorité donnée à la transition énergétique
Dans son programme pour l'élection présidentielle, le locataire de l'Elysée disait vouloir "faire de la France un pays en tête pour le nucléaire, les batteries, l’hydrogène, les énergies renouvelables". En 2022, la transition énergétique s'est imposée sur le terrain de l'écologie en macronie. La crise dans ce secteur a, en octobre, poussé le gouvernement à mettre sur pied un plan de sobriété. Le président-candidat a promis 700 000 logements rénovés par an. L'Agence nationale de l'habitat (Anah), fait savoir à franceinfo qu'elle "a financé la rénovation de 718 555 logements en 2022 grâce aux 3,4 milliards d’euros d’aides distribuée". Toutefois, "Complément d'enquête" précisait début mars que seules 65 939 rénovations "globales" avaient été menées.
Par ailleurs, un projet de loi de relance du nucléaire a passé l'étape de la première lecture à l'Assemblée nationale, le 24 janvier. Le texte réduit notamment les procédures et les délais pour concrétiser les promesses d'Emmanuel Macron de bâtir six nouveaux réacteurs EPR à l'horizon 2035.
Enfin, une loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, a été promulguée le 10 mars. "La loi prévoit de diviser par deux les délais de procédures" pour le déploiement des énergies renouvelables, et de "libérer du foncier" pour le solaire et l'éolien, précise le cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. "En matière de souveraineté énergétique, Emmanuel Macron marque un point", observe Olivier Rouquan.
Cependant, le politologue souligne qu'"au-delà de l'énergie", l'écologie "n'est pas un marqueur de son quinquennat" à ce stade. La France, qui vise la neutralité carbone en 2050, n'a d'ailleurs quasiment pas réduit ses émissions de gaz à effet de serre en 2022, par rapport à 2021, selon le Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa). "La France n'est pas du tout sur la bonne trajectoire", déplorait auprès de l'AFP, en janvier, Anne Bringault, du Réseau action climat (RAC), soulignant "l'importance" pour le pays de "réviser sa feuille de route sur le climat et l'énergie".
Sécurité et justice : un président "bien identifié" sur les sujets régaliens
Emmanuel Macron "a la volonté d'incarner une forme d'autorité et d'exercer un pouvoir vertical, il y a beaucoup de régalien en lui", observe Virginie Martin, professeure de sciences politiques à la Kedge Business School de Paris. Le président "est bien identifié" sur ces thématiques, poursuit-elle.
En mars 2022 figurait ainsi dans son programme la promesse d'"achever le doublement de la présence des forces de l'ordre sur la voie publique et le déploiement de 200 nouvelles brigades pour plus de gendarmes en ruralité". Qu'en est-il un an plus tard ? "La consultation pour l'implantation de ces 200 brigades s'est tenue ces derniers mois", explique à franceinfo le ministère de l'Intérieur, précisant que "des annonces seront faites au mois de juin" sur le sujet.
Le chef de l'Etat "n'emploie pas le terme de 'police de proximité', note Virginie Martin, qui pourrait renvoyer à une forme d'apaisement entre la police et la société". Cela révèle, selon elle, une "tendance, existante depuis le mouvement des 'gilets jaunes', à une négation de la rue et à vouloir affirmer l'importance de la notion d'ordre".
Du côté de la justice, le projet de loi d'orientation et de programmation de la justice, qu'Eric Dupond-Moretti a dévoilé en janvier, doit entériner le recrutement de 10 000 fonctionnaires supplémentaires d'ici à 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, "soit autant que ces 20 dernières années", assure le ministère.
Concernant la défense, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, présenté le 4 avril en Conseil des ministres, prévoit de porter "à 2% du PIB" l'effort consacré en la matière à partir de 2025, rappelle le site vie-publique.fr. Emmanuel Macron avait fait part en mars 2022 de son souhait de "poursuivre cet objectif" lors de son second mandat. L'exécutif s'est félicité de la "hausse du budget défense sans précédent". Au total, 413 milliards d'euros de dépenses sur sept ans doivent permettre de "transformer les armées", comme l'a promis dans son programme Emmanuel Macron.
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