Uniforme, groupes de niveau, harcèlement scolaire... Quels sont les dossiers brûlants qui attendent Nicole Belloubet, la nouvelle ministre de l'Education ?
Après le temps des polémiques, retour aux dossiers rue de Grenelle ? Nicole Belloubet a été nommée ministre de l'Education nationale, jeudi 8 février, en remplacement d'Amélie Oudéa-Castéra, fragilisée depuis un mois par des révélations sur sa proximité avec l'enseignement privé. Vendredi, lors de sa passation de pouvoir, cette ancienne rectrice d'académie a promis de renouer le dialogue avec la communauté éducative "dès la semaine prochaine" pour "faire évoluer notre système éducatif" et "poursuivre la mise en œuvre" des chantiers déjà lancés par Gabriel Attal.
Promu Premier ministre en janvier après un passage de moins de six mois à l'Education nationale, Gabriel Attal avait aussitôt fait savoir qu'il "emmenait avec [lui] la cause de l'école". La nouvelle ministre risque donc d'être placée sous surveillance renforcée par Matignon, mais aussi par l'Elysée. "L'éducation fait partie du domaine réservé du président", avait prévenu Emmanuel Macron, l'été dernier. Les syndicats d'enseignants, qui envisagent une nouvelle grève au retour des congés d'hiver, attendent également Nicole Belloubet au tournant. Dans ce contexte de rentrée sous pression, franceinfo vous plonge dans le cartable bien chargé de la nouvelle ministre.
Le port de l'uniforme
Souvent taxé de nourrir une vision passéiste de l'éducation, Gabriel Attal a confirmé fin janvier le lancement de "l'expérimentation de l'uniforme à l'école", avant une possible généralisation "à la rentrée 2026". Dès septembre, une centaine d'établissements doivent ainsi s'essayer à la tenue unique. Comment Nicole Belloubet défendra-t-elle cette mesure, "symbole d'égalité républicaine" et de "respect de l'autorité" selon le Premier ministre ? Dans un article de 2016, elle avait critiqué les "fariboles sur la restauration de l'autorité ou le port de la blouse". Vendredi, elle a pris soin d'évoquer "les valeurs de respect et d'autorité" à son arrivée au ministère. "On peut avoir pris des positions par le passé et avoir évolué", a minimisé Gabriel Attal, jeudi soir, assurant que ses ministres sont "totalement alignés" sur ses positions.
Après s'être penchée sur les ultimes détails de cette expérimentation déjà largement ficelée, Nicole Belloubet devra plus largement répondre à l'exigence de "réarmement civique" fixée par Emmanuel Macron. Lors de sa conférence de presse du 16 janvier, le chef de l'Etat avait notamment promis "une instruction civique refondée", avec "un volume horaire doublé, une heure par semaine dès la cinquième". La ministre aura aussi à superviser le projet de "généralisation du Service national universel" avec la ministre déléguée à la Jeunesse, Sarah El Haïry.
Le recrutement de professeurs
Un dossier reste en jachère depuis cet hiver : le défi de la pénurie d'enseignants, au cœur d'une concertation menée avec les organisations syndicales depuis septembre. "Nous réformerons la formation initiale des enseignants" pour leur permettre d'être "mieux formés", a assuré Gabriel Attal fin janvier. Le système actuel, "avec un concours à bac+5 qui épuise des étudiants", est "un frein à l'attractivité", avait-il estimé en décembre. Le Premier ministre entend donc "construire les écoles normales du XXIe siècle", où les futurs enseignants pourraient être recrutés dès bac+3, voire dès l'obtention du baccalauréat. "Cette réforme sera présentée d'ici au mois de mars", a-t-il promis.
Pour améliorer l'attractivité du métier d'enseignant, Nicole Belloubet sera également attendue en matière d'accès au logement ou de mobilité au cours de la carrière. "Mais bien sûr, il s'agit aussi de reconnaissance financière", a reconnu sa prédécesseure Amélie Oudéa-Castéra, fin janvier, promettant de "travailler (...) notamment sur la revalorisation des milieux de carrière". Des hausses de rémunérations des enseignants, surtout en début de carrière, avaient été annoncées l'an dernier, mais ce chantier n'a pas été rouvert depuis, malgré des demandes des syndicats.
Autre sujet sensible : le remplacement des enseignants absents. Vivement critiquée pour avoir justifié par "des paquets d'heures non remplacées" à l'école publique le transfert de ses enfants dans le privé, Amélie Oudéa-Castéra avait dit vouloir "traiter" le sujet en proposant prochainement à Matignon "le dispositif le plus efficace". Il appartiendra à Nicole Belloubet de prendre la relève.
Le niveau global des élèves
Conformément à la feuille de route fixée par Gabriel Attal fin janvier, Nicole Belloubet aura à "déployer" les mesures du "choc des savoirs" voulu par le Premier ministre pour "l'élévation du niveau des élèves". Dans la foulée des résultats décevants de l'étude internationale Pisa, l'exécutif avait égrené ses solutions en décembre : nouvelle épreuve de maths au baccalauréat en première, création de groupes de niveau au collège, entrée au lycée conditionnée à l'obtention du brevet, retour controversé du redoublement, nouveaux programmes au primaire...
La nouvelle locataire de la rue de Grenelle devra aussi préparer le bac, marqué cette année par le report de mars à juin des épreuves de spécialité. Cette "reconquête du mois de juin", destinée à lutter contre l'absentéisme et la démotivation de fin d'année scolaire, a fait l'objet d'une mise en garde des syndicats sur d'éventuels effets pervers. Mêmes alertes dans les lycées professionnels, où Nicole Belloubet devra calmer la fronde contre la nouvelle formule de l'année de terminale.
Enfin, à moyen terme, la ministre de l'Education nationale aura la responsabilité de préparer sa première rentrée scolaire. Celle-ci pourrait intervenir dès le 20 août pour les élèves qui auront été identifiés comme ayant besoin "de faire du rattrapage", selon le souhait d'Emmanuel Macron formulé en août, pour contrer les inégalités qui s'accentuent quand il y a "trop de vacances". Vaste chantier, qui nécessitera de susciter l'adhésion d'enseignants volontaires, à l'heure où chacun prépare la rentrée de sa classe.
Le harcèlement scolaire
En tant que ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal avait érigé un sujet comme "priorité absolue" : la lutte contre le harcèlement scolaire. Après plusieurs suicides d'élèves ayant eu un fort retentissement médiatique, le gouvernement a présenté, en septembre, un plan interministériel pour combattre ce fléau au sein et en dehors des établissements.
C'est à Nicole Belloubet qu'il reviendra d'évaluer les effets de ces premières mesures. L'une des plus emblématiques, la création de cours d'empathie, est entrée en application dans quelque 1 200 écoles dès janvier, avant une généralisation prévue en septembre. La nouvelle ministre est également attendue pour annoncer les résultats nationaux des grilles d'auto-évaluation du harcèlement qu'ont dû remplir les élèves du CE2 à la terminale en novembre.
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