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La Rochelle : quelle ligne politique pour le Parti socialiste ?

C’est un PS fort divisé qui se retrouve à La Rochelle cette année pour ses universités d’été, de vendredi à dimanche. Les "frondeurs" se sont imposés depuis plusieurs mois à la gauche du PS, tandis que les "réformateurs" à droite du parti haussent le ton. Deux ailes d’un même parti, deux visions différentes de l’action à mener. Comment le PS en est-il arrivé là, sous ce quinquennat ?
Article rédigé par Clara Beaudoux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
  (La traditionnelle université d'été du PS à La Rochelle démarre ce vendredi © REUTERS/Stephane Mahe)

D’habitude l’université d'été du PS à La Rochelle marque la rentrée du Parti socialiste. Mais cette année il y a eu une pré-rentrée, inédite, en ordre dispersée. Dès jeudi, l’aile gauche du PS, les "frondeurs", se sont réunis à Marennes, à l’entrée de l’île dOléron. Pendant que l’aile droite, le pôle des "réformateurs", s’est installée plus au sud, en Gironde, à Léognan. Les premiers prônent un changement de cap économique ; les seconds poussent les feux de la réforme sociale-libérale.

Deux pré-rentrées, comme le syndrome du fossé qui existe dans le parti, et que la récente tribune de Manuel Valls a creusé encore un peu plus. Christian Paul, chef de file des frondeurs, s'en est inquiété, jugeant que c'était davantage "une lettre au patronat " qu'un texte "pour les Français et les socialistes ". Le Premier ministre y indiquait notamment qu’il n’y aurait pas d’aménagement du pacte de responsabilité, alors que le bureau national du PS a voté pour cet été. "Si le gouvernement s'assoit sur ça, ce sera un crash-test pour lui ", a mis en garde Christian Paul. Ambiance.

Les deux extrêmes du PS, et tous les autres courants, se retrouvent à partir de ce vendredi à La Rochelle, jusqu'à dimanche, pour la traditionnelle université d'été du parti. Les débats risquent d’être électriques, tant le PS s'est divisé depuis le début du quinquennat. Mais comment en est-on arrivé là ?

Des divisions à l'ancrage européen

On peut en fait remonter à octobre 2012, donc quelques mois seulement après l’élection de François Hollande. Lors de l’approbation du Pacte budgétaire européen, officiellement baptisé TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance), certains députés refusent de suivre l’avis du gouvernement. Sur 297 membres du groupe socialiste, 20 votent contre et neuf s’abstiennent.

Et pour cause, François Hollande avait promis lors de sa campagne présidentielle une réorientation de la politique européenne, il avait promis de renégocier ce traité, ce qu’il n’a pas fait. Concrètement, les députés dénonçent la politique de rigueur et d’austérité imposée par ce texte.

L’organisation de la "fronde"

Cette fronde trouve donc son ancrage dans la question européenne. Puis au fil des mois du mandat de François Hollande, des questions nationales vont donner lieu à des oppositions parlementaires régulières de la gauche du PS, sur le Pacte de responsabilité, la réforme des retraites, le programme de stabilité, ou encore le vote du budget. Ceux que l’on appelle les "frondeurs " ont en fait pris de l’ampleur depuis la nomination de Manuel Valls au gouvernement, en mars 2014. En juin 2014, ils se regroupent autour d’un texte : "l’appel des 100" (texte à lire ici).

Et en août 2014, c’est le clash. La pré-rentrée du PS est marquée par les prises de position tranchées d’Arnaud Montebourg contre la politique économique du gouvernement de Manuel Valls. "Aujourd'hui, la réduction à marche forcée des déficits est une aberration économique car elle aggrave le chômage, une absurdité financière car elle rend impossible le rétablissement des comptes publics, et un sinistre politique car elle jette les Européens dans les bras des partis extrémistes qui veulent détruire l'Europe ", disait alors Arnaud Montebourg. Ces prises de position lui avaient valu son départ du gouvernement, suivi par Benoît Hamon et Aurélie Filippetti.

La cristallisation : la loi Macron

En février 2015, arrive la loi Macron, et c'est le gros point noir des frondeurs, ils annoncent leur intention de voter contre le projet, le gouvernement dégaine le 49.3, le passage en force est très mal vécu.

C’est dans ce contexte que démarre le congrès de Poitiers en mai dernier. Le courant des frondeurs, emmené par Christian Paul, la motion B, obtient 30% des voix des militants, en deuxième position derrière la motion du gouvernement emmenée par le Premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis (70%). De quoi conforter la majorité, mais 30% c'est aussi de quoi peser sur les débats pour les frondeurs.

La "rentrée de la dernière chance" selon les frondeurs

30% de frondeurs au sein du PS, donc. Et ce courant "a vocation à se consolider ", affirme Christian Paul. C'est "la rentrée de la dernière chance ", pour François Hollande et la majorité, a-t-il déclaré la semaine dernière. "Nous sommes à 20 mois de la présidentielle, ce qui peut être engagé doit l'être dans les prochaines semaines, que ce soit pour le budget ou d'autres initiatives qu'il faut prendre au plan européen ". "On a passé beaucoup de temps sur des réformes illusoires et parfois toxiques -comme la loi Macron-, il est temps d'avoir une affirmation de réformes authentiques qui marquent réellement le quinquennat ", a-t-il estimé. 

Cette nébuleuse des frondeurs est disparate, à la gauche du PS, on trouve des représentants historiques de l’aile gauche, comme Pascal Cherki ou Gérard Filoche ; des énarques jospino-mitterrandistess comme Christian Paul ou Gaëtan Gorce, de jeunes députés comme Pouria Amirshahi ou Laurent Baumel, ou d’anciens ministres comme Marie-Noëlle Lienemann. Martine Aubry, elle, aurait pu prendre la tête des frondeurs, eux auraient bien aimé en tout cas, mais elle s’est finalement ralliée à la motion A lors du congrès de Poitiers, la motion du gouvernement.

L’aile droite, les "réformateurs"

Tous socialistes, donc, mais chacun de son côté… Pas grave, explique la direction du PS, après tout, la gauche du parti a toujours fait bande à part : à Fouras, non loin de La Rochelle, dans les années 2000 ; à Niort, sous le gouvernement Jospin. Cela fait partie du folklore socialiste. "Depuis qu'il y a des universités d'été du PS, les courants du PS se réunissent. Il n'y a rien de nouveau. Ce n'est pas une marque de division ", tempère Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire.

Mais à l’autre extrémité, et c’est la nouveauté des derniers mois, l’aile droite se fait entendre. Elle se structure depuis le congrès de Poitiers, les sociaux-libéraux assumés, avec Gérard Collomb à leur tête. Ils ont toujours été là, mais depuis qu’un Valls et un Macron sont au gouvernement, ils ont davantage le vent en poupe. Pour eux, les frondeurs sont irresponsables. "Quand on vote contre la confiance à son gouvernement, on sort du groupe ", indiquait par exemple Bruno Leroux sur France Info. Leur vedette à Léognan jeudi, c’était Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie, bête noire des frondeurs. De ce côté-là du PS, on insiste pour pousser encore plus les réformes : simplifier le code du travail, déverrouiller l’économie, sanctuariser les baisses de charge pour les entreprises.

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"Pas si différents que ça sur la ligne de fond"

Jean-Marie Le Guen était l’invité de France Info cette semaine, il est revenu sur cette division de la gauche : "La gauche, de ce point de vue, a toujours été relativement diverse. Ce qui est nouveau, me semble-t-il, c'est que le courant réformateur est à l'offensive au sein de la gauche, et que la gauche critique ne propose pas grand chose ", dit-il. "Nous sommes le courant de la réforme ", assure-t-il encore. Bien le problème pour les frondeurs, "il faut appliquer à la gauche une cure de désintoxication libérale ", rétorque Christian Paul.

Gauche du PS, droite du PS, il y a bien une division, mais pour le politologue Stéphane Rozès, ces divisions sont en fait "beaucoup moins fortes que dans le passé ". "Dans le passé il y avait une cesure entre ceux qui voulaient aménager le système et ceux qui voulaient révolutionner les rapports sociaux, mais aujourd’hui personne ne veut révolutionner les rapports sociaux ", explique-t-il. "Il y a seulement, d’un côté ceux qui disent que, pour préserver les acquis, il faut plus de compétitivité dans l’économie, parce c’est la compétéitivité qui finance le modèle social, et d’autres part ceux qui disent non ce n’est pas acceptable de demander à nous les ménages des efforts supplémentaires ", poursuit-il.

Podemos, "ça n'a absolument rien à voir"

Le politologue tempère également les références récurrentes à Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce. Cette année à la fête de la rose, Arnaud Montebourg avait invité le médiatique Yanis Varoufakis, l’ex-ministre des Finances grec. "La France a besoin de l'esprit du printemps d'Athènes ", a déclaré Yanis Varoufakis. Mais pour Stéphane Rozès, Podemos ou Syriza, "ça n'a absolument rien à voir ". "Le phénomènes des Indignés n’a pas existé en France , Podemos tire profit des Indignés, et puis dans ces deux pays il y a  une vraie austérité qui n’a rien à voir avec la France ", insiste le président de CAP.

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"Il y a des gens qui parlent haut et fort, mais finalement ne sont pas si différents que ça sur la ligne de fond" , conclut le politologue. Tant mieux, car divisions profondes ou plus légères, le PS doit se mettre en ordre de bataille ce week-end, pour les régionales de décembre, dernier scrutin avant l'échéance 2017. Une élection difficile pour les socialistes qui ont subi des défaites lors de toutes les élections depuis 2012 (municipales, cantonales, européennes) et ont fort à perdre. Les travaux de l'université seront clos dimanche matin par Jean-Christophe Cambadélis et le premier ministre Manuel Valls.

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