Colère des agriculteurs : quatre questions sur la mobilisation annoncée de la Coordination rurale à Paris

Le deuxième syndicat agricole a appelé à se mobiliser à partir de dimanche pour des actions dans et autour de la capitale, notamment sur fond d'inquiétudes liées au traité de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des agriculteurs français participent à un rassemblement organisé par la Coordination rurale pour protester contre l'accord UE-Mercosur, devant le Parlement européen, à Strasbourg, le 19 décembre 2024. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

Des tracteurs défileront-ils dans les rues de la capitale ces prochains jours ? La Coordination rurale (CR) a appelé à "monter sur Paris" et "partout en France" à partir de dimanche 5 janvier pour manifester dès lundi, malgré les interdictions des autorités. "Notre manifestation, c'est un peu le dernier espoir pour arriver à s'en sortir", a défendu Frédéric Prégéant, trésorier de la Coordination rurale dans le Loir-et-Cher, dimanche sur franceinfo.

Un an après une mobilisation massive ayant débouché sur des engagements du gouvernement Attal, le deuxième syndicat agricole souhaite mener des actions de terrain pour obtenir rapidement de nouvelles mesures concrètes. La mise en œuvre des dispositions annoncées par les précédents gouvernements a de fait été suspendue par la dissolution de l'Assemblée nationale cet été, puis la censure. "Au bout d'un moment, il faut aller demander des comptes aux gouvernements qui se succèdent. On a changé de Premier ministre, mais on a toujours la même ministre de l'Agriculture [Annie Genevard] qui est au fait des problèmes agricoles. On veut des garanties", a expliqué Amélie Rebière, l'une des vice-présidentes de la CR, samedi soir sur France 3.

1 Quelles actions les agriculteurs de la Coordination rurale préparent-ils ?

La Coordination rurale est restée discrète dimanche sur les modalités de sa mobilisation. "Volontairement, nous avons réparti l'organisation de cette journée et des journées à venir entre cinq personnes" seulement, a expliqué la présidente du syndicat, Véronique Le Floc'h, sur RMC. "Chacun a la responsabilité du lieu de rassemblement des agriculteurs, qu'ils soient en voiture ou en tracteur. Et ensuite, nous verrons bien ce qu'il se passera". Un rendez-vous a ainsi été donné à 18 heures dans une ferme francilienne à Orveau (Essonne) par l'antenne syndicale du Loir-et-Cher.

Des "barrages filtrants" sont prévus, pour une mobilisation qui pourrait durer "trois, quatre ou cinq jours", selon le syndicat cité par Le Parisien. "Il ne s'agit pas de bloquer les Parisiens, ni les Franciliens", a également assuré Amélie Rebière sur France 3. La numéro 2 de la CR a assuré qu'aucune mobilisation ne se ferait en région, et que ce sont surtout "des tracteurs qui viendront d'Ile-de-France, de départements limitrophes" qui défileront à Paris.

"A priori, nous avons interdiction de rentrer dans Paris" dimanche soir, "on obéit, on se mettra en place dans la nuit", a pour sa part déclaré à l'AFP Christian Convers, secrétaire général de l'organisation. La préfecture de police de Paris et la préfecture du Val-de-Marne interdisent les rassemblements non déclarés de dimanche 18 heures à lundi midi. Le "dispositif de sécurité" mis en place dans un large périmètre du centre de la capitale "vise à prévenir toutes les dégradations et violences et toutes les actions coup de poing", a fait savoir la préfecture de police Paris.

2 Que réclament-ils ?

Ces derniers jours, le deuxième syndicat agricole attendait du Premier ministre un "engagement" sur deux points "qui ne coûtent rien" "l'arrêt des surtranspositions des règles européennes en France", ainsi que la mise en œuvre de "contrôles sur les importations plutôt que sur les fermes", a expliqué Sophie Lenaerts, autre vice-présidente du syndicat, à l'AFP.

La surtransposition consiste à imposer des normes plus strictes que les normes européennes, notamment en matière de pesticides. "On veut les mêmes lois que tous les autres Européens", a réclamé Patrick Legras, porte-parole du syndicat agricole, sur franceinfo. Fin novembre, la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, avait dévoilé une série de mesures de "simplification". Des annonces saluées par l'alliance FNSEA-Jeunes Agriculteurs (JA), mais insuffisantes pour la CR. "Le compte n'y est toujours pas", avait réagi Véronique Le Floc'h. La Coordination rurale s'oppose également à la ratification définitive du traité de libre-échange entre l'UE et les pays du Mercosur, accusé d'encourager une concurrence déloyale. 

Autre demande, portée par tous les syndicats agricoles : le maintien des revenus des agriculteurs. Véronique Le Floc'h a dit espérer "une révision du calcul des charges sociales", vendredi sur RTL.

3 Comment les autres syndicats réagissent-ils ?

La Coordination rurale est le seul syndicat à avoir lancé un appel à la mobilisation des agriculteurs. L'alliance FNSEA-JA, première force syndicale, ne l'a pas rejoint, mais a tenu à rappeler ses attentes autour de trois sujets centraux : "la dignité du métier et le sens qu'on souhaite lui donner avec la souveraineté alimentaire", "le revenu des agriculteurs", et "la simplification administrative et tout le sujet des contrôles" a rappelé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, sur franceinfo le 27 décembre. "Ce qu'on attend de François Bayrou, c'est qu'il puisse dire très rapidement s'il les reprend à son compte et dans quels délais il apporte les réponses".

Arnaud Rousseau appelle également le Premier ministre à "respecter la parole de l'Etat" sur "les prêts de trésorerie" parce que "derrière, ce sont des hommes et des femmes qui, dans leur ferme, attendent avec des paquets de factures sur le coin du bureau". Il a aussi appelé à accélérer "l'indemnisation de la fièvre catarrhale", dont "les tout premiers acomptes commencent à peine à arriver".

De son côté, Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, a réclamé samedi sur franceinfo des "mesures concrètes pour le revenu des agriculteurs" avec "des prix rémunérateurs au-dessus des coûts de production". "Sinon, on travaille à perte et on en crève", a alerté la porte-parole du troisième syndicat agricole. Elle a appelé Matignon à "respecter réellement le pluralisme syndical, la démocratie, pour que chaque paysan, paysanne, se sente représenté et pas seulement le modèle industriel".

Reste que la date de cette nouvelle mobilisation ne doit rien au hasard. L'appel à manifester a été relayé fin décembre par la Coordination rurale à quelques jours du démarrage officiel de la campagne pour les élections des chambres d'agriculture. Ce scrutin doit déterminer les nouveaux rapports de force entre les syndicats agricoles, au sein desquels la FNSEA est actuellement ultra-dominante.

4 Quelle est la réponse du gouvernement ?

François Bayrou a proposé vendredi un rendez-vous aux quatre syndicats agricoles lundi 13 janvier, à la veille de son discours de politique générale à l'Assemblée. Une date jugée trop éloignée par la Coordination rurale, qui souhaite être reçue d'ici mardi. L'alliance FNSEA-JA a de son côté fait savoir qu'elle était déjà en lien avec Matignon. La Coordination rurale affirme n'avoir pour sa part aucune nouvelle, et la Confédération paysanne n'a pas non plus été contactée. "Tous les dispositifs qui ont été promis en début d'année 2024 ont été honorés par le gouvernement", avait assuré jeudi la ministre de l'Agriculture.

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