Témoignages Donald Trump, Kamala Harris, ou aucun des deux ? Huit électeurs expliquent leur choix pour la présidentielle américaine

Article rédigé par Marie-Violette Bernard, Valentine Pasquesoone - envoyées spéciales aux Etats-Unis
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Zakir, Amy, Phil et Sarah ont confié à franceinfo les raisons de leur vote pour la présidentielle américaine du 5 novembre 2024. (VALENTINE PASQUESOONE, MARIE-VIOLETTE BERNARD, PIERRE-LOUIS CARON / FRANCEINFO)
Avant le scrutin de mardi, franceinfo donne la parole à des Américains qui ont déjà choisi, ou non, le bulletin qu'ils glisseront dans l'urne.

Ils ont toujours été fidèles à un parti ou ont changé de camp récemment, sûrs de leur choix ou indécis jusqu'au dernier moment. Plus de 160 millions d'électeurs sont appelés à choisir le futur président, ou la future présidente, des Etats-Unis. Au fil de ses reportages à travers le pays, franceinfo a rencontré des dizaines d'Américains qui ont confié leurs espoirs, leurs peurs, leurs attentes. Certains ont accepté de nous expliquer ce qui les pousse à voter pour Kamala Harris ou Donald Trump. Voire à faire un tout autre choix : soutenir l'écologiste Jill Stein ou s'abstenir.

A la veille du scrutin du mardi 5 novembre, franceinfo donne la parole à huit de ces électeurs.

Amy Wudel, 47 ans, Arizona

Amy Wudel, à Gilbert (Arizona), le 8 octobre 2024. (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Depuis plusieurs années, Amy Wudel se sent "politiquement sans abri". Croyante et conservatrice, cette professeure de Pilates défend le libre-échange et un gouvernement fédéral limité. Pourtant, cette électrice "très attachée aux principes républicains" soutiendra Kamala Harris.

Pour cette mère de famille, aucun mot n'est trop dur pour qualifier Donald Trump, un homme "narcissique", "moralement dégénéré", aux propos "racistes" et "misogynes", qui "ment constamment" et "se vante d'agresser sexuellement des femmes". Voir le Parti républicain se ranger derrière lui, dès 2016, lui "a fendu le cœur". "Il intimide et harcèle le parti, jusqu'à ce que celui-ci suive ce qu'il dit", accuse Amy Wudel. Ses "pires peurs" le concernant ont vu jour le 6 janvier 2021, lors de l'assaut du Capitole. Si Donald Trump était réélu, "une autocratie pourrait émerger".

"Il n'est donc pas difficile pour moi de me tourner vers Kamala Harris", résume-t-elle. L'électrice salue la main tendue du camp Harris aux républicains, sa recherche de terrains d'entente au-delà des sphères démocrates. Elle apprécie la priorité donnée au respect de l'Etat de droit. Bien sûr, des désaccords persistent. Des visions s'opposent sur l'intervention du gouvernement ou le droit à l'IVG. "Mais j'ai davantage de points communs avec elle qu'avec le Parti républicain", souligne Amy Wudel. Kamala Harris "nous écoute".

Cristina Livingston, 59 ans, Floride

Cristina Livingston, à Miami (Floride), le 30 septembre 2024. (MARIE-VIOLETTE BERNARD / FRANCEINFO)

"La meilleure des deux options, c'est Kamala Harris." Cristina Livingston, employée d'une ONG à Miami et mère de deux enfants, votera pour la démocrate d'abord par rejet de Donald Trump. "Je ne crois pas qu'il soit apte à être président, surtout après l'assaut du Capitole." 

"Je suis convaincue que Kamala Harris fait campagne avec de bonnes intentions : elle veut faire ce qu'il y a de mieux pour le pays."

Cristina Livingston

à franceinfo

Le républicain "n'a pas complètement tort sur l'immigration, l'afflux récent [de migrants clandestins] est un problème", estime cette Colombienne naturalisée américaine. Mais si elle est favorable à plus de contrôles à la frontière avec le Mexique, Cristina juge la rhétorique et le plan d'expulsions massives de Donald Trump "extrêmes". "Il présente tous les immigrés, légaux ou clandestins, comme des criminels. A l'écouter, toutes les personnes qui viennent d'Amérique du Sud sont de mauvaises personnes. C'est faux !"

Elle lui reproche aussi d'avoir poussé le Parti républicain à bloquer une réforme bipartisane de l'immigration, début 2024, "dans le seul but d'avoir un argument de campagne contre Joe Biden". "Les démocrates sont prêts à prendre des mesures à la frontière" avec le Mexique, tout en "permettant une immigration légale", salue l'Américaine de 59 ans.

Phil Bell, 43 ans, Virginie

Phil Bell, à Washington D.C., le 25 octobre 2024. (MARIE-VIOLETTE BERNARD / FRANCEINFO)

"J'admire Donald Trump depuis que je suis enfant." Phil Bell a grandi dans le New Jersey, où il a été témoin du "sens des affaires" du milliardaire : "Il prend des risques, frappe fort, c'est ça la quintessence de l'Amérique." Mais son soutien à l'ex-président tient aussi à son histoire familiale. Alors qu'une majorité d'Afro-Américains vote traditionnellement démocrate, ce consultant en politique de 43 ans a grandi dans une famille conservatrice. "Mon arrière-arrière-grand-mère était une ancienne esclave et nous a dit de toujours voter pour le Parti républicain", celui d'Abraham Lincoln, qui a aboli l'esclavage aux Etats-Unis.

Phil Bell, qui vit aujourd'hui à Vienna (Virginie), est "conservateur à tout point de vue" : anti-avortement, partisan d'une dérégulation de l'économie, d'une baisse drastique des impôts et taxes, et de la "privatisation d'un maximum de services publics". "Les démocrates veulent me dicter ma vie, comme avec les voitures électriques qui devraient remplacer les thermiques", critique ce fier conducteur d'un énorme pick-up. "Donald Trump, lui, ne veut pas m'imposer son point de vue : il nous laisse faire nos choix, même s'il a une opinion différente."

Approuvant le programme anti-immigration et isolationniste du républicain, Phil Bell lui fait aussi plus confiance qu'à Kamala Harris pour tenir ses promesses de campagne. "Donald Trump l'a déjà montré en 2016 : ce qu'il dit, il le fait. Il n'est pas comme les autres politiciens."

Zakir Siddiqi, 26 ans, Arizona

Zakir Siddiqi, à Phoenix (Arizona), le 19 octobre 2024. (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

Il y a quelques années, Zakir Siddiqi était encore un membre "actif" du Parti démocrate. En 2020, il a voté Joe Biden sans grand élan, comme "un moindre mal" face à Donald Trump. Le début de la guerre à Gaza, après les attentats du 7 octobre 2023 en Israël, a marqué une bascule. "Joe Biden a perdu mon vote" en soutenant l'opération militaire de l'Etat hébreu, tranche cet Américain de confession musulmane. "Le droit d'Israël à se défendre est une chose, mais il ne s'agit pas de défense ici." Ce gérant d'un café dans la région de Phoenix refuse d'offrir sa voix à Kamala Harris, et soutiendra l'écologiste Jill Stein.

"Gaza est la priorité numéro 1 dans mon vote. Et Jill Stein parle clairement de génocide", pointe le jeune pacifiste, marqué par une année de guerre et de catastrophe humanitaire dans l'enclave palestinienne. "Jill Stein parle du problème de l'impérialisme américain, plutôt que de promettre l'armée la plus meurtrière." Une référence aux mots de Kamala Harris, qui a promis, lors de la convention démocrate, de veiller "à ce que l'Amérique dispose toujours de la force de frappe la plus puissante et la plus létale au monde".

Zakir Siddiqi en est convaincu : la vice-présidente "aurait pu remporter une victoire écrasante si elle avait arrêté l'hémorragie" dans la bande de Gaza. Son vote, le 5 novembre, est une mise en garde pour les démocrates : "Vous devez mériter mon vote, et vous ne l'avez pas fait."

Amanda Newman, 31 ans, Géorgie

Amanda Newman, à Marietta (Géorgie), le 21 septembre 2024. (MARIE-VIOLETTE BERNARD / FRANCEINFO)

La famille d'Amanda Newman vote habituellement pour les républicains. Mais la trentenaire originaire de l'Alabama "se moque des partis". "Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si les candidats répondent à mes problèmes." Elle considère justement que ni Donald Trump, ni Kamala Harris n'en sont capables. 

"Pendant le débat, on aurait dit des enfants qui se chamaillent : ils passaient leur temps à s'insulter, au lieu de répondre aux questions que les Américains se posent. C'était ridicule."

Amanda Newman

à franceinfo

"Donald Trump ne s'intéresse à aucun des problèmes actuels de l'Amérique", critique cette mère de famille, qui craint que le républicain "ne s'attaque à des programmes fédéraux comme l'assurance-maladie ou les bons alimentaires". Quant à Kamala Harris, elle "ne s'intéresse qu'à la classe moyenne". "Beaucoup d'Américains, comme moi, n'en font pas et n'en feront jamais partie : j'ai toujours été pauvre, et je le serai toute ma vie", confie Amanda, qui n'a "plus d'emploi depuis décembre".

La jeune femme ne sait pas si elle ira voter le 5 novembre. "Je ne veux ni Harris, ni Trump à la Maison Blanche, et je ne veux pas que ma voix fasse pencher la balance", dans un Etat de Géorgie où l'élection s'annonce disputée. "Si jamais je me décide à y aller, je voterai pour les autres scrutins [organisés le même jour], mais pas pour la présidentielle."

Estevan Manuel, 28 ans, Arizona

Estevan Manuel, à Phoenix (Arizona), le 17 octobre 2024. (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

La politique a parfois été une préoccupation lointaine pour Estevan Manuel. Cette année, ce jeune père, qui dirige une petite société de matériel de fête, appelle des électeurs pour la campagne de Donald Trump. "Les choses n'étaient pas chères et les taux d'intérêt étaient bas avec Trump. A l'époque, je gagnais bien ma vie", justifie Estevan. Il pense aussi au prix de l'essence, une de ses principales dépenses, "si bon marché sous Trump". Il y a quatre ans, "tout a grimpé en flèche".

"L'inflation a été très forte, et je pense que l'administration Biden y est pour quelque chose. Rien n'a été fait pour nous aider."

Estevan Manuel

à franceinfo

Sa grand-mère a émigré du Mexique vers les Etats-Unis, mais Estevan se définit en un seul mot : "Américain". Il soutient même les paroles très dures, souvent xénophobes, de son candidat sur l'immigration irrégulière. "Ma grand-mère est arrivée légalement", pointe ce partisan d'une "frontière forte", inquiet de voir "des criminels entrer".

Certains propos de Donald Trump "peuvent sembler offensants, je le comprends", admet le trentenaire. Sa diatribe sur les "violeurs et criminels" venus du Mexique était "un peu nauséabonde", mais "tout le monde dit de mauvaises choses". "Je ne m'offusque pas", insiste le trumpiste. Convaincu que son candidat sera "un dirigeant fort, qui placera l'Amérique en premier".

Madeline Brame, 62 ans, New York

Madeline Brame, à New York, le 28 octobre 2024. (MARIE-VIOLETTE BERNARD / FRANCEINFO)

Madeline Brame a voté démocrate toute sa vie, jusqu'en 2018. "Mon fils Hason et son père ont été agressés, roués de coups et poignardés à plusieurs reprises", témoigne cette analyste de données dans une société new-yorkaise. Son fils, ancien soldat en Afghanistan et père de trois enfants, n'a pas survécu. Sur les quatre agresseurs, deux ont été condamnés en 2022 à vingt ans de réclusion, et les autres à sept et un an de prison, rapporte USA Today. Des peines insuffisantes, selon Madeline.

Le procès lui a valu l'intérêt de médias conservateurs, dont Fox News, qui l'a invitée à plusieurs reprises, et de responsables républicains. "Rudy Giuliani [l'avocat de Donald Trump] m'a invitée à participer à son podcast. Des inconnus sont venus à mes côtés au tribunal : tous étaient conservateurs", raconte Madeline. L'occasion pour cette Afro-Américaine de "réaliser [qu'elle avait] sans le savoir les mêmes valeurs : Dieu, la famille et la patrie".

Madeline va voter pour Donald Trump parce qu'il "veut remettre de l'ordre dans le système judiciaire américain", qu'elle juge trop tolérant avec les récidivistes. Elle soutient aussi le programme anti-immigration des républicains, qui accusent les migrants clandestins d'être responsables de l'épidémie de fentanyl. "J'ai perdu un deuxième fils, victime d'une overdose, moins de trois ans après la mort d'Hason, confie Madeline. Le pays est au bord du gouffre et le seul à pouvoir le relever est Donald Trump."

Sarah Saucedo, 29 ans, Arizona

Sarah Saucedo, à Mesa (Arizona), le 6 octobre 2024. (VALENTINE PASQUESOONE / FRANCEINFO)

A chaque présidentielle, Sarah Saucedo entend que le scrutin est "le plus important de notre vie". Cette année, l'Américaine en a la conviction, surtout pour l'accès des femmes à l'avortement. Son choix a été "simple" : elle votera pour Kamala Harris et contre Donald Trump, dont le rôle a été décisif dans la fin de l'arrêt Roe v. Wade.

Ce 24 juin 2022, la décision de la Cour suprême a mis fin à près de cinquante ans de protection constitutionnelle pour l'IVG. "Cela a été l'un des jours les plus éprouvants de ma vie adulte", confie l'habitante de Mesa, en banlieue de Phoenix. "J'avais des droits sur mon corps. Je me suis réveillée le lendemain matin, et ils avaient disparu à cause de juges non élus." Depuis, cette consultante en politiques publiques milite pour un droit constitutionnel à l'avortement en Arizona, objet d'un référendum le 5 novembre.

"Depuis longtemps, les démocrates sont le parti qui défend le droit à l'avortement, et ils continuent de l'être."

Sarah Saucedo

à franceinfo

Ce même jour, sa voix ira à la candidate "qui soutient [son] droit au choix". Sarah Saucedo votera aussi pour les droits reproductifs de sa sœur, de ses amies, de ses nièces : "Je veux savoir qu'elles auront les mêmes droits que la génération précédente."

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