Législatives 2024 : de la lettre d'Emmanuel Macron aux tractations en vue de trouver un Premier ministre, on vous résume la semaine post-second tour

Après une semaine sans majorité absolue, la France n'est pas beaucoup plus avancée dans la recherche de son nouveau gouvernement. Vous n'avez pas tout suivi ? Franceinfo fait le point sur les principaux évènements.
Article rédigé par Fabien Jannic-Cherbonnel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Un pupitre dressé dans la cour de Matignon au soir du second tour des élections législatives, le 7 juillet 2024. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Malgré les appels à un "cap clair", le flou persiste. La France n'a pas encore de nouveau gouvernement, un peu moins d'une semaine après le second tour des élections législatives, qui s'est tenu dimanche 7 juillet. Tandis que les 577 nouveaux députés ont fait leur rentrée à l'Assemblée nationale, le Nouveau Front populaire, arrivé en tête du scrutin sans obtenir de majorité absolue, n'est toujours pas parvenu à se mettre d'accord sur le nom d'un candidat au poste de Premier ministre.

Emmanuel Macron a semblé tourner le dos à l'idée de laisser au NFP une chance de former un gouvernement seul. Et l'extrême droite, mais aussi une partie de la droite et du camp présidentiel, s'opposent de toute façon à un gouvernement dont ferait partie La France insoumise, sans pour autant dégager une majorité alternative claire. Franceinfo vous résume les rebondissements de cette semaine inédite.

Les tractations s'éternisent au Nouveau Front populaire

Les partis de gauche, qui n'ont eu que quelques jours pour bâtir leur alliance avant le premier tour des législatives anticipées, avaient remis à plus tard le choix de leur éventuel Premier ministre. Après leur victoire surprise, raflant 180 sièges mais pas la majorité absolue, l'heure du choix a sonné. Le bloc de gauche s'est donné "jusqu'à la fin de la semaine" pour accorder ses violons, a promis la présidente du groupe LFI Mathilde Panot, jeudi sur franceinfo.

Les discussions ont démarré dès lundi, dans un lieu "neutre" et loin des journalistes, comme le rapporte Public Sénat. Le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, s'est porté candidat dès mardi. De son côté, La France insoumise a estimé que c'était à elle de mener la gauche, après avoir obtenu le plus gros contingent de députés au sein de l'alliance. En plus du nom de l'éventuel Premier ministre, les partis doivent également s'accorder sur la stratégie à adopter. Là encore, des divergences se sont rapidement fait sentir. Les insoumis ont défendu une application stricte du programme du NFP, quand certains socialistes ont proposé de chercher des soutiens chez les macronistes.

"On avance dans une atmosphère très constructive, c'est sérieux et tout le monde a envie d'aboutir", à voulu rassurer la patronne des écologistes, Marine Tondellier, vendredi sur BFMTV. Selon les informations de franceinfo, la direction du PS doit se retrouver samedi en conseil national pour trancher la question.

Mais même si la coalition parvient à s'accorder, rien ne garantit qu'Emmanuel Macron nomme un représentant du NFP à Matignon. Inquiets, plusieurs syndicats ont lancé leurs forces dans la bataille. En soutien à un gouvernement de gauche, la CGT-Cheminots a appelé à une manifestation devant l'Assemblée nationale le 18 juillet, jour de l'ouverture de la session parlementaire.

Emmanuel Macron renvoie la balle aux députés et appelle à une coalition

Battu dans les urnes, Emmanuel Macron a mis plusieurs jours avant de faire connaître sa position. Cette fois, pas d'intervention télévisée annonçant une dissolution de l'Assemblée comme au soir des élections européennes. Le chef de l'Etat s'est adressé aux Français dans une lettre, publiée mercredi dans la presse régionale et par France Bleu. Emmanuel Macron dit vouloir "laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis avec sérénité et respect de chacun".

A l'issue du second tour, "seules les forces républicaines représentent une majorité absolue", écrit aussi le locataire de l'Elysée, appelant de ses vœux, contre l'extrême droite, une large coalition des partis dont il semble exclure La France insoumise. Il remet aussi à plus tard la nomination d'un nouveau Premier ministre, après avoir refusé la démission de Gabriel Attal. Une position similaire à celle de son ancien ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Mardi, le secrétaire général de Renaissance avait tendu la main à "tous les membres de l’arc républicain – des écologistes aux Républicains", dans une tribune au Monde.

La missive du président a immédiatement provoqué un tollé, notamment à gauche. "Emmanuel Macron a décidé seul de cette dissolution. Qu'il tire maintenant les conséquences de son résultat", a réagi la secrétaire nationale des Ecologistes-EELV, Marine Tondelier. Mathilde Panot a dénoncé "un coup de force présidentiel qui nie le résultat des urnes". La missive présidentielle a aussi paru "irresponsable" aux yeux du président du Rassemblement national, Jordan Bardella, tandis que Marine Le Pen a dénoncé un "cirque indigne". A droite, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, a balayé l'hypothèse de voir la droite entrer dans une grande coalition : "Tout nous oppose avec la gauche."

La droite et une partie de Renaissance refusent de voir LFI au gouvernement

Faisant écho à la lettre du chef de l'Etat, plusieurs élus de l'ancienne majorité présidentielle ont promis de renverser tout gouvernement qui comporterait des ministres issus de LFI. Dans un tel cas de figure, "une motion de censure" serait immédiatement déposée, a prévenu la ministre des Solidarités, Aurore Bergé, sur franceinfo vendredi. Une opinion partagée par plusieurs de ses collègues comme le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et le Premier ministre, Gabriel Attal. Idem à droite. "Tout gouvernement qui comporterait des ministres de La France insoumise fera l'objet de notre part du vote d'une motion de censure", a annoncé le nouveau patron des députés LR, Laurent Wauquiez, mercredi. Et ce, même si des élus Renaissance et LR ont bénéficié du soutien des électeurs de gauche pour être élus face à des candidats RN dimanche.

Existe-t-il pour autant une majorité alternative, sans le parti de Jean-Luc Mélenchon ? Les socialistes ont refusé de quitter leurs alliés à gauche pour former un gouvernement d'union. Certains, comme l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, sur TF1 mardi, ont proposé de "réunir de LR à Renaissance, un bloc qui permet d’avoir une majorité relative". Une option rejetée par des élus LR, mais aussi par une partie des macronistes.

Le Rassemblement national cherche sa stratégie

Sonnés par leur troisième place dimanche, alors qu'ils semblaient en position de force après le premier tour, les responsables du RN ont débuté la semaine en réglant leurs comptes en interne. Le directeur général du parti, Gilles Pennelle, a ainsi démissionné lundi. L'eurodéputé était le principal artisan du "plan Matignon" : la composition d'une liste de candidats à investir aux législatives en cas de dissolution. Une préparation qui aurait dû aider le RN après la décision surprise d'Emmanuel Macron au soir des européennes. Mais nombre de ces candidats ont été épinglés pour leurs propos antisémites ou racistes, empoisonnant la fin de campagne du parti.

Reste qu'avec au moins 125 députés, le groupe RN pèsera nécessairement à l'Assemblée nationale. Bien consciente de son futur rôle, Marine Le Pen, reconduite à la tête de ce contingent, était d'ailleurs tout sourire mercredi lors de l'arrivée de ses troupes au Palais-Bourbon. Mais le parti d'extrême droite s'est rapidement emmêlé les pinceaux sur sa stratégie face à un gouvernement NFP. Le secrétaire général du groupe RN, Renaud Labaye, a surpris tout le monde en annonçant au Figaro ne pas compter censurer "automatiquement" un gouvernement dont LFI ferait partie, "si la gauche fait des mesures consensuelles que l'on peut voter". 

Une sortie vite contredite par Marine Le Pen. La cheffe de file des députés RN a promis que son parti "censurera[it] tout gouvernement" comprenant des ministres issus de LFI, mais aussi des écologistes. Quelques minutes plus tard, Jordan Bardella est allé encore plus loin, affirmant son intention de renverser "immédiatement un gouvernement minoritaire du NFP".

A l'Assemblée, la bataille pour les postes clés ne fait que commencer

Loin des caméras, les députés fraîchement élus étaient aussi tournés vers un autre enjeu : répartir les postes importants de la future Assemblée nationale, avant l'ouverture d'une première session parlementaire, le 18 juillet. Qui, pour remplacer l'ancienne présidente Renaissance de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet ? Les élus de gauche espèrent faire élire un de leurs représentants au perchoir, mais ils auront besoin des voix du camp présidentiel.

La force des futurs groupes aura un impact non négligeable sur les nominations. Composé d'au moins 15 membres, un groupe politique permet de poser des questions au gouvernement, de se répartir les sièges en commissions ou encore de demander des suspensions de séance.

Au centre, Gabriel Attal devrait prendre la tête des députés de la majorité, une fois sa démission actée par le président. Alors que la plupart des élus se sont rattachés au groupe Renaissance, vendredi, certains sur l'aile gauche, comme Sacha Houlié, ont claqué la porte, sans parvenir à former leur propre groupe. De leur côté, les alliés du parti présidentiel, Horizons et le MoDem, poursuivent leur propre stratégie avec deux groupes indépendants.

A gauche, le PS et LFI font la chasse aux députés ultra-marins, espérant prendre l'ascendant au sein du NFP. Les députés insoumis dissidents, comme Clémentine Autain, François Ruffin et Alexis Corbière, négocient de leur côté avec les communistes, après avoir lancé (pour certains) leur propre mouvement. Les écologistes espèrent de leur côté jouer un rôle central avec leurs 33 élus – un record.

La droite est aussi éparpillée. D'un côté, Eric Ciotti, président contesté de LR après son alliance avec le RN, a lancé son propre groupe, A droite, avec 17 députés. De l'autre, le canal historique des Républicains s'est renommé La Droite républicaine, et a désigné Laurent Wauquiez à sa tête. Mais une poignée d'élus LR manquent à l'appel et pourraient composer un troisième groupe, derrière le député du Lot Aurélien Pradié.

Une fois leur composition arrêtée, ces groupes devront décider s'ils s'inscrivent comme parti d'opposition ou non avant le 17 juillet. Une décision qui n'est pas facilitée par l'absence de gouvernement. Se pose, enfin, la question de laisser ou non le RN accéder à des postes clés de l'Assemblée, comme il avait pu le faire lors de la précédente législature. La gauche compte faire barrage à la nomination de figures d'extrême droite, mais certains laissent la porte ouverte chez Renaissance. Le patron du parti, Stéphane Séjourné, expliquait jeudi ne pas voir de "raison d'exclure les députés RN des postes clés de l'Assemblée nationale".

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